Merci monsieur Valls

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Petit pamphlet vénère qui revient sur deux mois de manifestation et de répression. « La France va mieux » ?

Merci monsieur le Premier ministre

« La France va mieux ». Pour la France qui manifeste, actuellement gazée, violemment tabassée, honteusement passée sous un glacial silence, expéditivement condamnée à des mois de prison ferme, infantilisée pour ses revendications légitimes, criminalisée pour ses exigences salutaires à l’ensemble du corps social ; cette France là, oui je crois qu’elle va mieux, que Nous allons mieux.

Si jamais la lucidité nous faisait défaut, si par nostalgie ou faiblesse nous avons pu croire encore à la parodie de politique à laquelle « nos » élites, de concert avec les grands patrons et grâce aux médias qu’ils dirigent, s’acharnent à nous assujettir ; cette tendresse, héritée de nos parents et des livres d’histoire qu’ils dictent est définitivement morte en moi, comme elle se putréfie, j’en suis convaincu, chez une grande partie de mes concitoyens.

Celles et ceux que j’ai rencontrés dans les Nuits Debout goûtent la même aigreur et éprouvent la même colère légitime, toutes et tous ont fait preuve d’une volonté indéfectible de reprendre les commandes de leur existence, toutes et tous comprennent désormais que le désir d’être libre ne pourra que se heurter à une caste dirigeante prête à envoyer des lycéens en prison, des étudiants à l’hôpital, des travailleurs à la misère et au suicide, l’ensemble du corps social à la mort.

Ils nous appellent « casseurs ». Mais ce sont eux qui tuent. Les tirs tendus de flashball crèvent les yeux, et laissent les manifestants borgnes. Les grenades de désencerclement, les grenades assourdissantes explosent à même les poitrines et brûlent au 3e degré, causent des infiltrations dans les poumons, handicapent à vie. Les interpellations abusives, les comparutions immédiates expéditives qui les couronnent envoient des lycéens, des étudiants, des salariés en prison pour plusieurs mois, elles détruisent leur vies, accélèrent un processus d’exclusion dont, de toute manière, la loi El Khomri se charge d’huiler les mécanismes.

Chaque manifestation pacifique, portée par les associations reconnues d’utilité publique, par les syndicats qui défendent quotidiennement les droits des travailleurs déjà écornés de toutes parts, par les citoyens qui crèvent d’injustice sociale, de précarité, d’exploitation salariale et d’assujettissement politique ; chaque manifestation se voit encadrée par une cohorte de « forces de l’ordre », dont certains représentants syndicaux avouent eux-mêmes être les pions de calculs politiciens sordides, comprennent être les derniers maillons d’une chaîne de la tromperie et de l’oppression. Chaque manifestation est un cortège d’interpellés potentiels, une déambulations de prisonniers en sursis. Lorsque les fonctionnaires de police excédés vont manifester, qui les encerclera ? Et quand les militaires qui depuis plus d’un an doivent obéir aux ordres que les délires des politiques de la peur enjoignent, qui les encadrera ? Lorsqu’il ne restera plus une seule portion de la société qui ne soit au bord de l’explosion, verra-t-on messieurs Hollande, Valls, Macron et Gattaz, défendre eux-mêmes, bouclier au poing et visière baissée, leurs privilèges outrageants ?

Alors que des propriétés appartenant au groupe Mulliez sont perquisitionnées, alors que le scandale mondial des Panama Papers a été judicieusement passé sous le boisseau de trois vitrines brisées et de deux graffitis, alors que le directeur de la Société Générale comparaît moins devant le Sénat qu’il ne lui octroît gracieusement son innocente présence, alors que les deux lanceurs d’alerte des LuxLeaks sont menacés de 18 mois de prison ferme, alors qu’une proportion non négligeable de la classe politicienne croule sous le poids des instructions judiciaires, n’est-ce pas le moment de redéfinir qui sont les criminels ? Nous avons compris cela, compris qu’il valait mieux détourner de l’argent public, se livrer au délit d’initié, au trafic d’influence, aux fraudes fiscales, au recel de détournement de bien public plutôt que de protéger un ami en manifestation des coups de tonfa qui pleuvent sur lui. Les cagoules noires rendent mieux au JT que les cols blancs.

« Fraternité » peut-on lire sur quelques bâtiments au hasard d’une promenade. Elle ne vaut que pour les amitiés mafieuses entre dirigeants, que pour les collusions crapuleuses entre grands patrons, manias des médias et politiques corrompus, elle ne vaut que dans la moiteur d’un hémicycle ou la chaleur cossue du Siècle, du Prisme, ou du Cercle de l’Union de Lyon. Lorsque la Fraternité authentique, qui enjoint à tout un chacun de protéger son concitoyen comme s’il était un membre de sa famille, au mépris de son intégrité physique et au péril de sa vie ; lorsque cet élan noble pousse à prendre des coups à la place de son voisin, elle s’appelle 433-6. Rébellion. Un an d’emprisonnement, 15 000 euros d’amende. La France va mieux d’avoir compris cela.

La lucidité nous inonde de toutes parts. Nous avons compris que quelque soit l’ampleur de nos manifestations, nous serons toujours des criminels aux yeux des dirigeants. Nous avons compris que notre pacifisme sera matraqué, gazé, dispersé par les canons à eau que nous payons de nos impôts. Nous avons compris que notre honnêteté dans l’étude des textes de lois se heurtera à une abnégation dans la mauvaise foi que l’on préférerait voir sur une scène de théâtre plutôt qu’à l’Assemblée Nationale. Nous avons compris que les diktats sur l’état d’urgence, les lois sur le renseignement, la réhabilitation par monsieur Valls en 2015 du Service central du renseignement territorial (ex-RG ) visaient moins à lutter contre des terroristes déjà existants qu’à créer de toutes pièces un nouveau genre de terroriste : le citoyen défendant ses droits. Nous avons compris qu’un gouvernement qui se donne comme ennemis mortels ceux-là mêmes qui les ont élu, qui crée du terrorisme là où c’est l’esprit citoyen qui s’exprime, qui répond à la fierté du peuple en lutte par les coups et la prison ferme, nous avons compris que ce gouvernement n’était plus le nôtre, ne pourrait plus jamais l’être.

Merci monsieur le Premier ministre, merci monsieur Hollande, merci monsieur Gattaz, merci monsieur Macron, merci madame El Khomri, merci à toutes et à tous de nous avoir réveillé.e.s de la torpeur dans laquelle les médias qui relaient vos fatales pantomimes nous avait insensiblement plongé.e.s. Merci à votre pacte de responsabilité et votre loi travail d’avoir montré que c’est le Medef qui a hérité des prérogatives légiférantes de ce qu’on a appelé au temps jadis « la représentation populaire ». Merci à votre utilisation du 49-3 d’avoir montré que la source de la souveraineté résidait bien dans l’arbitraire de quelques forcenés en costumes. Merci aux députés de votre attitude face à cette humiliation de tout le peuple souverain de nous avoir montré qu’au cœur de la tourmente, et au détriment des intérêts supérieurs de l’ensemble du corps social, vous n’avez perdu de vue ni vos allégeances politiciennes, ni la perspective de votre réélection, ni la défense de vos privilèges ; les citoyens dont vous êtes supposés être les représentants fidèles vous remercient, en leur âme et conscience, de votre courage et de votre dévouement !

Merci à tous et à toutes, grâce à vous, la France libre et insoumise va mieux, beaucoup mieux.

Un citoyen.

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