Nouvelles du Prat del Ronc

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Mardi 22 juillet 2008, le jour se lève, le Prat del Ronc repart pour une joyeuse journée de surveillance des alentours.
6h du matin, les guets voient arriver sur le sentier qui mène au Prat, les chiens de garde de l’ordre établi. L’alerte est lancée et réveille les habitant-e-s qui se regroupent devant la maison.

Expulsion musclée au Prat del Ronc

Avril 2007, nous, paysan-nes sans terre, reprenons l’activité du Prat del Ronc à St- Germain-de-Calberte, en Cévennes lozériennes ... Lieu abandonné depuis 10 ans. Les terres sont défrichées et cultivées. Petit à petit le lieu reprend vie : four à pain, poules, poteries, maraîchage, plantation d’arbres fruitiers ..., mais aussi projections de films, soirées débats, chantiers collectifs, journées d’échanges ... Multitudes de projets fleurissent. Dès lors, la préfecture pousse le propriétaire anglais à porter plainte et à traîner les habitant-es devant la machine judiciaire dont ils savent trop bien qu’ils ne sortiront pas gagnants. Après 2 procès riches en agitation, l’avis d’expulsion est signifié à partir du 20 juin.

Mardi 22 juillet 2008, le jour se lève, le Prat del Ronc repart pour une joyeuse journée de surveillance des alentours.

6h du matin, les guets voient arriver sur le sentier qui mène au Prat, les chiens de garde de l’ordre établi. L’alerte est lancée et réveille les habitant-e-s qui se regroupent devant la maison. Pas de temps à perdre, le chantier barricade est lancé, fermeture de la maison, blocage du chemin avec du tout venant.

6 h15 : Une cinquantaine de gendarmes (y compris les locaux) dont une quarantaine de gardes mobiles, plusieurs RG, une brigade canine et l’huissier, se retrouvent bloqués devant la barricade, à côté de la maison. Nous sommes une vingtaine à leur faire face. Leur intervention et le rapport de force sont inévitables. Cette fois, il n’est pas en notre faveur, vu les forces déployées (bombe lacrymo, tazer, fidèle matraque), mais notre détermination ne fléchira pas. En attendant l’arrivée des camarades, nous décidons de gagner du temps en regroupant nos affaires au ralenti (sans oublier les pauses café !). Au bout de 2h grattées, l’huissier demande de rentrer dans la maison. Essuyant notre refus, la flicaille déclare la dernière sommation. Aussitôt dit, aussitôt fait : entre 9h et 9h45, les chiens à 4 pattes mordent, et leurs homologues à 2 pattes frappent, étranglent et matraquent. Ils nous traînent jusqu’à la sortie de la piste du Prat. A ce moment, étant un peu plus nombreux, des petits groupes se forment, tentant de harceler les flics - qui quadrillent la maison - au moyen de diverses interventions sur la zone surprotégée et de cris de révolte exprimant rage et dégout.

11 h : Les uniformes rentrent dans la maison. Nous continuons de crapahuter dans la montagne et récupérons le plus d’affaires possible et nos poules ; les flics autorisant l’accès à la zone qu’ils tiennent à deux filles uniquement. Regroupés non loin de là, nous assistons au saccage en règle des jardins. Chargement des affaires, insulte aux flics, vaine tentative d’accéder à l’intérieur de la maison, nous plions bagage dans le tumulte pour aller nous organiser ailleurs. Il est 15 h00. Pendant ce temps-là, à Florac, on contrôle tous les profils qui ne correspondent pas à la carte postale famille nombreuse, marchands, touristes. Aujourd’hui, l’ordre règne à la sous-préfecture, et par la force on l’applique jusqu’au fond des montagnes.

Le Prat del Ronc est à nouveau voué à devenir un lieu mort. Mais nous, nous restons vivants et combattifs, résolus à développer des pratiques autonomes visant la réappropriation de nos vies. Il nous appartient à tous d’agir pour montrer notre désaccord face aux aberrations de la propriété privée ; d’affirmer, en paroles et en actes, la liberté de vivre comme il nous plaît, et de lutter avec force et courage contre cet ordre inique.

Rester silencieux c’est les soutenir !

pratdelronc-arobase-no-log.org

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Le 24 Juillet à Florac, place du marché, deux jours après l’expulsion musclée des habitants du Prat Del Ronc, encombrement de cartons, informations, occupation d’une agence immobilière, intervention policière.

Une trentaine de personnes, les bras chargés de meubles et de cartons, circulent difficilement au milieu de la foule compacte de touristes venus découvrir le « rêve lozérien ».

Tous pensent voir venir de nouveaux commerçants et de nouvelles marchandises, et pensent au proche plaisir d’accomplir leur rôle : consommer, consommer pour découvrir, consommer pour s’évader.
Mais les cartons ne contiennent aucun de ces fantasmes. Ni eco-marchandises, ni produits de la ferme dans son emballage rustique mais moderne, ni gadgets sophistiqués idéaux pour le camping. C’est la mémoire encore vive de l’expulsion que les nouveaux arrivants expriment sur la place. « Sans-papiers, sans-logis, sans-terres, matraqué-e-s, expulsé-e-s, les citoyens continuent à consommer. Tout est calme, Chut ! ». L’euphorie mercantile est troublée. Certains, interrompus dans leurs transactions, décideront de fuir pour aller se satisfaire ailleurs. D’autres profiteront des minutes de répit pour se détourner du commerce et s’informer.

Quelques mètres plus loin, la boutique « Causse Cévennes Immobilier » vante paisiblement ses maisons « idéal accueil touristique », « idéal résidence secondaire », « idéal accessibilité », « idéal calme et plaisance ». En organisant les transactions de propriétés privées, les agences immobilières prennent une place de choix dans la gestion capitaliste de l’habitat et de l’accès aux terres.

En Cévennes comme ailleurs, le logement est un marché juteux qui doit rapporter toujours plus. Peut importe le reste, c’est le fric qui compte. Surfant sur la vague « nature » qui valorise le capital foncier en campagne, les agences immobilières font leur beurre. Les fermes deviennent des gîtes, les hameaux des résidences pavillonnaires, les terres arables des terrains de camping et des supermarchés : c’est le jeu et ça rapporte. Selon les principes de rentabilité, le tout est proposé à haut prix à ceux qui en ont les moyens. La gestion du foncier, suivant la logique carte-postale, s’accompagne d’une politique de normalisation et d’asceptisation à tout crin : les installations sont ultra-réglementées et contrôlées. Tous le monde doit, de fait, suivre le mouvement. Les habitants sont les esclaves des nouveaux marchés, destinés à assurer le confort des heureux saisonniers (aménagements routiers, télé-communication, tourisme, vente) avec, pour seul espoir, d’acquérir un jour, au terme d’une vie de labeur et de soumission, un lopin de paradis où passer ses vieux jours.

Dans la boutique tout est calme. Inutile de s’inquiéter pour la bonne marche des affaires, pour les sans-logements et ceux qui refusent le chantage : la police est là pour faire régner l’ordre. L’expulsion des mauvais-payeurs et des squatters est nécessaire à leur commerce. Comment réussir leur racket sans menace ? Entendant le récit de cette expulsion, c’est le coeur léger que les marchands peuvent penser à leurs bénéfices. L’éco-bio propagande assure l’image de marque et les profits. Et la répression est là pour dissuader toute manière de vivre non-conforme.

Encore une fois, les choses se troublent. L’activité de l’agence est subitement interrompue, pointée du doigt et dénoncée. C’était plus que nécessaire. Pour résoudre ce problème, le propriétaire-patron (Marcel Savajol, Président de l’office du tourisme de Florac-Ispagnac) appelle, comme prévu, la gendarmerie. C’est le sourire aux lèvres qu’arrivent des gendarmes. Eux aussi connaissent leur rôle, tout comme ils le connaissaient deux jours plus tôt en expulsant. Alors qu’à l’abri des regards le pouvoir dévoile toute son abjection et sa violence, en place publique les apparences doivent être sauvegardées. C’est sous une pluie d’invectives que les expulseurs d’hier seront chassés.
Pour organiser le retour au calme des commerçants, des élus, le sous-préfet, et leurs médias se réuniront quelques jours plus tard. Affirmant leurs valeurs (rayonnement économique de la région, nécessité de mesures répressives...), ils espèrent mettre fin à toute contestation.

Malgrè ce qu’ont pu voir les passants à Florac, et en dépit de nombreuses discussions, la manipulation médiatique commence. L’occupation est re-qualifiée en « séquestration », l’information distribuée devient « pagaille, bousculades et violences », une pétition circule (Midi Libre du 25 et 28 juillet).

La diffamation et les mensonges de ceux qui ont intêret à ce que rien ne change nous accompagne inévitablement, pour nous isoler, nous marginaliser, et détruire toute solidarité.

Nous continuerons à troubler et dénoncer ce qui nous détruit, nous exploite et veut nous réduire à une survie misérable. S’exprimer, expliquer, porter la contradiction... sont des armes qui nous restent pour mettre à mal ce meilleur des mondes où rien ne déborde.

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Plus d’infos sur http://lapicharlerie.internetdown.org

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