On a raison de se révolter...

bulletin numéro 37 / 22 novembre 2005


23 novembre 2005


On a raison de se révolter...

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 37 / 22 novembre 2005


- On a raison de se révolter...
- La guerre intérieure est déclarée

- [ SUR LE VIF ]
Que veulent-ils de nous ?

- [ CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE ]
Répression, condamnations à la chaîne
Prison ferme pour comparutions immédiates
Ni prison ni répression : libérez nos proches !
La politique de l’amalgame
Punir les pauvres
Manifestations, rassemblements...
Venise : le consulat français occupé
Athènes, le centre culturel français repeint

- [ AGIR ]
Lyon : « collectif état d’urgence »
Une censure à peine déguisée
Pour enlever les pantoufles de sécurité...
Réunion d’information débat...




On a raison de se révolter...

Notre propos n’est pas de développer ici l’éternel bla-bla sur le « malaise des banlieues » mais de rappeler deux évidences : à Clichy tout est parti du problème des rapports quotidiens avec les flics, et les révoltes de ces derniers jours ont posé publiquement, avec une force jamais atteinte depuis longtemps, la question de la logique toujours plus répressive de l’Etat.
Les jeunes qui ont fui à Clichy le 27 octobre ont fait ce que tout le monde aurait fait à leur place : essayer d’esquiver le mépris, les insultes, les heures perdues dans ces contrôles d’identité quotidiens par lesquels les flics veulent marquer leur pouvoir sur les gens et sur les territoires. Cela a coûté la vie à deux d’entre eux, exactement comme cela s’était déjà passé pour Mickael noyé dans la Marne (94) ou pour Mohamed à Dammarie-les-Lys.
Sauf que cette fois, les actions radicales de protestation ne se sont pas limitées à la ville de Clichy, mais ont gagné la région parisienne puis la France. Les médias se complaisent à ne compter que les voitures brûlées, mais un grand nombre d’objectifs ont montré que la rage se focalisait contre l’Etat et ses symboles : attaques des flics, des commissariats, des palais de justice, des mairies, des bâtiments publics... Les entreprises, comme éléments d’un système global d’oppression, n’ont pas été oubliées.
Les médias ont été obligés de reconnaître l’existence des violences policières : un flic a même été brièvement incarcéré pour quelque chose qui se pratique pourtant tous les jours dans les commicos de France. Pas de quoi crier victoire : mais au moins, quand on voit les flics de Seine Saint Denis qui font la grève du zèle pour défendre leur collègue, on se dit que les choses, à présent, seront plus claires. Qui osera encore nous sortir le mensonge de la police respectueuse et républicaine ?
D’abord prudent, par crainte de l’extension du mouvement, l’Etat sort maintenant le grand jeu de la répression dans l’espoir d’éteindre les braises : couvre-feu, hélicos qui survolent les territoires occupés par les compagnies de CRS, comparutions immédiates à la chaîne...
Une telle réaction est à la mesure de la peur qu’on ressent en haut lieu : elle conduit tout droit à un état d’urgence permanent qui nous concerne tous. C’est parce que cet ordre répressif s’enracine dans les peines prononcées par les tribunaux ces derniers jours que nous devons réagir ensemble et organiser d’urgence le soutien aux révoltés condamnés pour avoir dévoilé une violence sociale quotidienne et insupportable.


La guerre intérieure est déclarée
L’état d’urgence a été prolongé pour trois mois. Bien sûr ce n’est pas l’Iraq, même pas la Palestine. À moins d’une explosion, toutes les dispositions offertes par cette loi (couvre-feu, interdiction de séjour, assignation à résidence, fermeture des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion, perquisitions à domicile « de jour et de nuit », contrôle de la presse et de la radio...) ne seront pas immédiatement appliquées. Les chars ne foncent pas sur Paris. À cette étape l’Etat n’en a pas encore besoin. L’armada de flics et de juges agit à sa guise en piochant dans l’abondante législation répressive déjà existante. Pour le moment, c’est la mise en condition. On déterre une loi coloniale fabriquée en 1955 contre les « rebelles » algériens (loi qui précédait les « pouvoirs spéciaux » en Algérie, votés par le PS et le PCF), loi appliquée en France en 1961 lors de putsch des généraux, et le soir du 17 octobre quand la police a assassiné des centaines d’algériens, puis en 1985 face à la révolte des Kanaks de Nouvelle-Calédonie.
Ensuite, le pouvoir désigne l’adversaire : les habitants des cités et des quartiers, en leur grande majorité d’origine immigrée. Ainsi la mise en place est prête, en prévision de la montée des tensions sociales.
C’est en brandissant l’image raciste de l’indigène des guerres coloniales perdues, avec son couteau entre les dents, des réfugiés et des immigrés clandestins qui nous envahissent, des familles polygames qui attaquent notre modèle familial, que les politiques et les médias matraquent l’opinion, qu’ils suscitent la peur qui divise. Mais pas d’illusions, le pouvoir se prépare, pour frapper, cette fois-ci, tous ceux qui dénoncent les dégâts du libéralisme, enlevant le voile « démocratique » qui cache les armes prêtes pour l’étape suivante.




> SUR LE VIF

Que veulent-ils de nous ?
« Une question que je me pose avec beaucoup d’inquiétude sur la position que prend le gouvernement, je cite : « retour de l’ordre et rétablissement de l’ordre public ». Mais qui trouble réellement l’ordre public ?
Nous, jeunes des banlieues, issus de l’immigration, sommes-nous des “islamistes modérés” ou des “racailles” ? Je ne crois pas ! Ou alors, peut être c’est ce gouvernement qui méprise une partie de son peuple. À Gennevilliers (92) la nébuleuse, la violence a été créée par les discours du ministre de l’intérieur, elle n’est apparue que quand les CRS ont commencé à quadriller le quartier.
Oui, des voitures ont été brûlées (des cas isolés dans la ville), mais ces faits ne justifient pas l’attaque menée par les forces de l’ordre. Bien sûr, la rage de certains ne tarde pas à être étendue, on brûle, on casse, on affronte la police. Dans les médias, on parle de la responsabilité, mais qui sont les gens qui fabriquent de la peur en véhiculant des images violentes ? Tout ceci n’arrange pas le climat.
Mais pour moi, les causes de la révolte restent les 30 ans de non-reconnaissance et de stigmatisation d’une certaine catégorie de la jeunesse française. »





> CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE

Répression, condamnations à la chaîne
Police, justice, prison, l’arsenal répressif s’abat sur tout ce qui ne se soumet pas à l’ordre d’une société d’exploitation qui génère inégalités, chômage, précarité...
En mai dernier le GIGN cagoulé intervient en hélicoptère au centre de tri postal de Bègles pour déloger les postiers en lutte, puis de nouveau pour les marins de la SNCM. Face à l’insubordination salutaire des lycéens, le gouvernement répond par des condamnations lourdes et nombreuses. Et, dans cette suite logique, la politique répressive s’abat de nouveau sur les évènements de ces dernières semaines, à coup de matraque, de flash-ball et de peines de prisons. À la date du 14 novembre, la justice avait emprisonné 593 des 2646 personnes placées en garde-à-vue, 107 mineurs et 486 majeurs. Sans faire de distinction, la police provoque, insulte, frappe et embarque... révoltés ou non, jeunes et pères de famille, et la justice s’occupe de distribuer les peines de prison ferme. La liste s’allonge chaque jour...

Prison ferme pour comparutions immédiates
À Toulouse, un exemple parmi tant d’autres, extrait du témoignage de mères solidaires. « Lundi 14 novembre 13h30, nous arrivons devant le TGI de Toulouse. Il y a du monde devant l’entrée. Y a t il fouille ou contrôle pour que tous attendent ainsi sous la pluie ? Non, ce sont deux rangées de CRS qui occupent le couloir. Uniformes bleus ou noirs, porteurs de cartes de presse, ont eux le passe droit . Mais les familles, les amis, eux n’ont droit qu’à attendre dehors que les procès se fassent. Il y a eu quatre comparutions relatives aux « émeutes » sur Toulouse. Les résultats : pour une poubelle brûlée a Pibrac : 5 mois fermes ; pour avoir montré ses fesses aux CRS lors d’une manif nocturne : 3 mois fermes ; pour outrage (il était avec celui qui montrait ses fesses) : 2 mois fermes ; le quatrième accusé est maintenu en détention provisoire, le procès est reporté au 30/11/2005. »
À Lyon, pour être assis dans un snack où se sont réfugiés deux jeunes mineurs apeurés par une charge de CRS dans les environs, 2 mois fermes ; au même moment, au même endroit, pour se trouver tranquillement assis sur un banc après être rentré à pied de la Fac, 2 mois fermes ; pour incendie de déchets à Villeurbanne, 3 mois fermes ; pour l’incendie supposée d’une poubelle à St Priest, 3 mois fermes...

Ni prison ni répression : libérez nos proches !
Le 8 novembre la police effectue une descente dans le quartier du Clos d’Emery à Émerainville (77), ravage deux appartements, menottent deux mère et un père, confisque 1 000 euros, deux cartes de séjours, force tous les box du quartier. Un père de famille qui demande des explications face à son garage perquisitionné est pris à partie et molesté sous les yeux de ses enfants. Quatre proches tentent d’intervenir et se sont fait arrêter. Pendant la garde à vue, l’un des interpellés s’est fait rouer de coups par cinq policiers avant d’être conduit à la clinique de Meaux. Le lendemain, les cinq interpellés sont passés en comparution immédiate pour outrages et rébellion. Le plus jeune (mineur) a été remis en liberté dans l’attente d’un jugement tandis que les quatre autres ont reçu des peines de 18 mois, 15 mois, deux fois 12 mois de prison ferme.
Un comité de soutien s’est formé, il exige et agira pour faire appliquer l’abandon des peines, des sanctions à l’encontre des policiers auteurs des violences commises pendant la garde à vue, la fin des provocations policières.
D’après le communiqué de presse du 15/11/05 par le comité de soutien du clos d’Emery à lire sur http://resistons.lautre.net/.

La politique de l’amalgame
Les coups et la prison ne suffisent pas, c’est aussi l’expulsion qui menace près de 120 étrangers condamnés, en situation régulière ou non. Le 15 novembre le ministre de l’intérieur a annoncé que dix procédures avait déjà été engagées...

Punir les pauvres
Supprimer les aides aux familles « dont un membre a participé aux violences », c’est la participation du Maire de Draveil Georges Tron (UMP) à la surenchère répressive. Du coup « la suspension des allocations familiales pour les parents qui ne remplissent pas leur fonction parentale » est de nouveau en cours d’évaluation par le gouvernement.

Manifestations, rassemblements...
pour protester contre l’état d’urgence et le couvre feu ont eu lieu dans de nombreuses villes françaises, à Alençon, Bobigny, Lyon, Nancy, Paris, Rennes, Rouen, St-Denis, St-Etienne, Toulouse... mais aussi à l’étranger.

Venise : le consulat français occupé
Le 18 novembre, une cinquante de personnes a occupé les bureaux du consulat de France sur le campo de Santa Maria Formosa à Venise, pour protester contre la loi spéciale sur l’état d’urgence, qui impose le couvre-feu, et contre les déportations des protagonistes des affrontements dans les banlieues françaises.
Ils ont exposé des banderoles de protestation où l’on pouvait lire « Amnistie pour les délits sociaux » et « Sarkozy casse-toi ! ».

Athènes, le centre culturel français repeint
Le 11 novembre des dizaines de jeunes gens ont jeté de la peinture rouge et noire sur le centre culturel français situé au centre ville, en taguant des slogans de soutien aux émeutiers. La veille une attaque similaire avait été perpétrée contre l’Institut français de Thessalonique, dans le nord du pays.




> AGIR

Lyon : « collectif état d’urgence »
Un collectif pour soutenir les jeunes des quartiers, inculpés ou condamnés, a été formé le 11 novembre et a pris le nom de « Collectif état d’urgence ». Il a assuré des rassemblements au palais de justice et en banlieue, des présences aux audiences judiciaires et, notamment, de comparutions immédiates, des contacts avec les familles pour un soutien réel avec les quartiers. collectifetatdurgence@no-log.org

Une censure à peine déguisée
Le journal l’Envolée est cité a comparaître devant le tribunal correctionnel de Beauvais (60) le 7 décembre 2005 a 13h30 pour « diffamation publique envers une administration publique ». Écoutez l’Envolée sur FPP (www.rfpp.net) 106.3 à Paris le vendredi à 19h, http://lejournalenvolee.free.fr/

Pour enlever les pantoufles de sécurité...
Face à cet Etat d’urgence, promis à devenir permanent, proposition d’assemblées générales régulières pour discuter, élaborer, se rendre visible... et plus... Première rencontre : jeudi 24 novembre à 19 heures, Bourse du travail de Montreuil : 24, rue de Paris, métro Croix-de-Chavaux.

Réunion d’information débat...
sur le lancement d’une campagne de lutte « Anti-État d’urgence » pour une amnistie aux gens s’étant levées, insurgées, emprisonnées et condamnées par centaines... Vendredi 25/11 à 11h à la Fac de Saint Charles - Paris.
Contacts : oreste@altern.org indiquez « Amnistie ! » dans le sujet.