Pourquoi on s’est cassé·es de la manif ce samedi 26 septembre

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Lyon Manif

Après avoir participé à de nombreuses manif et autres événements à Lyon contre le pass sanitaire durant l’été, on avait levé le pied à la rentrée parce que ce mouvement en vase-clos commençait à nous saouler, bien qu’on y ait rencontré quelques belles personnes. Ce week-end, on a vu un appel pour une manif « Contre la précarité et la casse de la sécurité sociale ». Ça faisait plaisir de voir ce mouvement élargir (enfin) ses revendications. Du coup on y est allé·es.

On est arrivé·e devant le palais de justice. Il n’y avait vraiment pas beaucoup de monde. Pas un·e seul·e de nos potes qu’on croise d’habitude en manif n’était là. La plupart ne vont plus aux manif antipass parce qu’iels sont saoulé·es par les slogans et comportements oppressifs qu’on voit chaque semaine sans réaction collective des manifestant·es.

La manif se met en marche dans une ambiance chelou, pas de slogans, pas de banderoles, pas de références à la lutte « contre la précarité et la casse de la sécurité sociale ». Juste quelques pancartes antipass et antivax. On remarque direct une personne se pavaner fièrement avec une pancarte « mon corps, mon choix / non au pass nazitaire ». On va lui parler pour lui expliquer en quoi ces deux slogans posent problème.

Le premier « mon corps, mon choix », détourne à des fins antivax le slogan historique du mouvement pour le droit à l’avortement. Pour info, ce droit est encore bafoué dans de nombreuses régions entraînant la mort de dizaines de milliers de femmes dans le monde chaque année et détruisant des millions d’autres vies à cause de grossesses non-désirées. En parallèle, des groupes anti-IVG comme Civitas participent au mouvement antipass sans que ça ne semble déranger grand monde…

Autant pour le premier slogan on aurait pu se dire que le gars était juste pas malin et se rendait pas compte d’à quel point la comparaison posait problème, autant le second, « pass nazitaire », laissait peu de doute sur le type de personne à qui on avait à faire. Ça fait plus de deux mois que le mouvement antipass a commencé, de nombreuses personnes juives ont dénoncé presque chaque semaine ce slogan.

On a essayé de discuter, de faire de la pédagogie. Le mec en face de nous était pas là pour ça. Il nous a dit qu’on était les deux seul·es de la manif à l’embrouiller sur ça et que du coup ça voulait dire que le reste de la manif était d’accord avec lui (preuve que celleux qui ne réagissent pas à ce genre de slogan en sont complices). Face à son arrogance, son refus de se remettre en question et ses réponses agressives, on lui a pris sa pancarte.

Le ton est monté et de nombreux·ses manifestant·es sont venu·es nous embrouiller, au nom de la « liberté d’expression ». Une dizaine de personnes nous ont encerclé pour tenter de nous arracher la pancarte pour la rendre au gars. Parmi elleux, 4 membres du groupe « Street-médic 69 », qui a justifié ce coup de pression par le prétexte que « nous on est médic on est neutres » (comme d’habitude, la neutralité est juste un prétexte pour se ranger d’un côté quand on n’assume pas ses idées de merde).

Pendant ce temps, le gars à qui on avait pris sa pancarte sautillait ridiculement sur place en agitant ses poings comme un boxeur, nous invitait à venir nous battre, puis nous menaçait même avec un bâton sans que personne ne s’interpose. Les gens autour étaient trop occupé·es à nous hurler dessus qu’on était violent·es d’avoir pris sa pancarte.

Le groupe qui nous embrouillait s’est comporté de manière sexiste. On était deux, un mec et une meuf. On a tou·tes les deux gueulé, la meuf a été traitée d’ « hystérique ». Lorsqu’on essayait de discuter avec les gens, la plupart s’adressaient systématiquement au mec.

Après de longues minutes, il y a enfin quelques personnes (genre 2 ou 3, pas plus) qui sont venu·es nous soutenir et qui ont essayé de calmer les gens et de réaffirmer que c’était pas possible qu’on tolère ce type de slogans dans notre cortège.

Un autre gars est venu nous embrouiller. On a de nouveau essayé de dialoguer, mais il a fini par nous lâcher : « antisémite, ça veut rien dire ». Choqué·e d’entendre un truc pareil, on a interpellé haut et fort la foule en demandant si on pouvait tolérer qu’un mec qui dise ça puisse continuer la manif avec nous. Au moins une bonne cinquantaine de personnes (c’est-à-dire plus de la moitié des manifestant·es) nous a entendu. Il n’y a eu aucune réaction.

Des organisateurices de la manif sont venu·es nous dire qu’iels étaient d’accord avec nous, mais ont refusé de virer la personne en question. Iels ont prétendu qu’iels allaient réfléchir à des solutions pour la manif de la semaine prochaine. Ce sera sans nous. On s’est cassé·es après même pas dix minutes de manif. On ne reviendra pas.

Si la foule et les organisateurices (parmi lesquel·les des orgas supposé·es concerné·es par d’autres luttes sociales comme Fakir, le CNNR, ou encore ATTAC) tolèrent des individus antisémites au sein de leurs manifs, c’est qu’iels s’en foutent que des milliers personnes juives ne puissent plus venir à ces manif. Cette complaisance est antisémite : en acceptant l’antisémitisme dans la manif, on enlève le droit aux personnes juives de se sentir à l’aise dans nos manifs, on les dissuade de venir.

Là, c’était un cas d’antisémitisme. Mais on a pu voir plein d’autres oppressions largement tolérées au sein du mouvement antipass : sexisme, racisme, xénophobie, mépris de classe, lgbtqiaphobie, validisme, putophobie, et on en passe. Malgré nos efforts et ceux de nombreux·ses camarades pour aller soutenir les revendications contre l’autoritarisme des mesures sanitaires tout en affirmant des positions intersectionnels, ces oppressions perdurent et on ne voit aucune volonté d’amélioration au sein du mouvement. Ça pue la merde.

Deux manifestant·es contre le pass sanitaire et contre les oppressions

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