Prisons : à ceux de l’extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie

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Alors que beaucoup de gens, et c’est très bien, ont les yeux tournés vers les Etats-Unis et l’exécution dégueulasse de Troy Davis, peu se préoccupent de ce qu’il se passe dans nos propres prisons. Et surtout on continue de penser qu’en France, on a aboli la peine de mort. Dans un texte collectif, écrit depuis la centrale de Clairvaux, en janvier 2006, les « perpétués » dénonçaient cette hypocrisie.

A ceux de l’extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie

Silence ! On achève bien les chevaux !...

Nous, les emmurés vivants à perpétuité du Centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon) nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous.
Assez d’hypocrisie ! Dès lors qu’on nous voue en réalité à une perpétuité réelle, sans aucune perspective effective de libération à l’issue de notre peine de sûreté, nous préférons encore en finir une bonne fois pour toute que de nous voir crever à petit feu, sans espoir d’aucun lendemain après bien plus de 20 années de misères absolues. A l’inverse des autres pays européens, derrière les murs gris de ses prisons indignes "la République des Lumières et des libertés" de 2006 nous torture et nous anéantit tranquillement en toute apparente légalité, "au nom du peuple Français ", en nous assénant en fonction du climat social ou à la faveur d’un fait divers ou encore d’échéances électorales, mesures répressives sur mesures répressives sur le fondement du dogme en vogue du "tout sécuritaire"... érigé en principe premier supplantant tous les autres.
Qu’on se rassure : de nos jours, ici, même "les mauvaises herbes ne repoussent plus". I1 n’y a que le noir et le désespoir De surenchères en surenchères : la machine à broyer l’homme a pris impitoyablement le pas.
A quoi servent les peines de sûreté qu’on nous inflige quand une fois leur durée dûment purgée on n’a aucun espoir de recouvrer la liberté ? (depuis l’année 2000 à la Loi Perben II de 2005- on a fait mine de s’appliquer à légiférer en instituant de nouvelles « juridictions de libération conditionnelle », seulement, comme hier le ministre de la justice, les juges d’aujourd’hui à l’oreille de l’administration nous opposent... refus sur refus, nous vouant à des durées de détention à la Lucien Leger).

Pourtant sur « la finalité de la peine » l’Etat français, admettant que nous avons vocation de sortir un jour, et s’inscrivant dans le cadre des recommandations du Conseil de l’Europe a posé pour principe s’étendant aux longues peines et aux (700) condamnés à perpétuité que : « L’exécution des peines privatives de liberté (...) a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer sa réinsertion » ? En réalité : tout est au châtiment.

Combien d’entre nous - du moins pour ceux qui ne sont pas décédés depuis - ont déjà purgé plusieurs années au-delà même de leur peine de sûreté de 18 ans sans se voir présenter à ce jour une réelle perspective de libération ? Après de telles durées de prison tout rescapé ne peut que sortir au mieux sénile et totalement brisé. En pareil cas, qui peut vraiment se réinsérer socialement ? En fait, pour toute alternative, comme avant 1981, ne nous reste-t-il pas mieux à trouver plus rapidement dans la mort notre liberté ?
De surcroît, pour nous amener à nous plier à ce sort d’enterré vif, on nous a ces dernières années rajouté murs, miradors, grilles en acier et maintes autres contraintes. Le tout, pour faire taire toute velléité. assorti de « commandos » de surveillants casqués, armés et cagoulés, à l’impunité et aux dérives vainement dénoncées çà et là, dans l’indifférence générale (...n’en croyez rien : il y a ici une place pour vous et pour vos fils. C’est encore plus vrai que jamais à l’heure où l’on préfère supprimer à tour de bras dans les écoles du pays bien des postes d’instituteurs et d’éducateurs pour en lieu et place miser sur l’embauche de toujours plus de nouveaux policiers et surveillants de prison et en érigeant de nouvelles prisons et autant de QHS). Aussi, parce qu’une société dite « démocratique » ne devrait pas se permettre de jouer ainsi avec la politique pénale visant à l’allongement indéfini des peines, selon la conjoncture, l’individu ou les besoins particuliers : À choisir à notre mort lente programmée, nous demandons à l’État français, chantre des droits de l’homme et des libertés, de rétablir instamment pour nous tous la peine de mort effective.

Repris de l’Envolée.

PS : cet été, le plus ancien détenu de France Pierre-Just Marny s’est suicidé au bout de 48 années de détention.

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