Procès des maçons du PS ou la justice politique

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Lyon

En mars 2016, treize militantes et militants lyonnais·es étaient interpellé·es pour avoir muré l’entrée de la section PS de Villeurbanne – action en soutien à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Convoqué·es devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon le 2 octobre dernier, tout le monde a été relaxé. Youpi ! Cela n’a pas plu au représentant de l’État, M. Pierre Lauzeral, qui a immédiatement fait appel. Dans cette affaire comme dans plein d’autres, l’acharnement judiciaire est un moyen utilisé par l’État pour réprimer la contestation.

L’action était bon enfant, un peu à l’arrache, mais rien de très virulent. Quelques parpaings empilés devant la porte d’un local du PS. Des flics qui arrivent très rapidement. Quand on touche à un symbole du pouvoir (de l’époque !), ça ne plaît pas aux institutions.
La première punition institutionnelle contre celles et ceux qui sont perçu·es comme menaçant·es pour l’ordre social, c’est la garde à vue. Une nuit et une partie de la journée du lendemain au commissariat, sans savoir quand on va sortir, sans pouvoir communiquer avec l’extérieur. La bouffe est dégueulasse, les cellules puent, les flics vous mettent la pression, vous réveillent pour rien. Pour les militant·es comme pour les banlieusard·es, peu importe la gravité des faits, s’ils sont avérés ou pas. Si on rentre dans la mauvaise case, on est potentiellement déjà pas mal coupable. On ne va pas vous lâcher.

Le parquet fait partie de ces vénérables institutions qui défendent l’intérêt général, l’égalité de tous et toutes devant la justice, les valeurs de la république, tout ça tout ça. Dépendant directement du pouvoir politique, il déploie plus ou moins d’effort dans sa principale mission : engager des poursuites judiciaires contre les contrevenants à la loi, au nom de la société. En l’occurrence, pour les militant·es, il fait plutôt du zèle.

Le groupe des gentil·le·s petit·es maçon·ne·s est sorti de GAV un peu décalqué avec une convocation pour une « composition pénale ». Le principe est simple : on y va, le procureur vous propose une peine qui est censée être plus légère que si on passait au tribunal, et si on accepte (ce qui veut dire qu’on reconnaît qu’on est coupable), eh bien ça s’arrête là.

À première vue ça a l’air plus sympa qu’un procès. Mais c’est aussi un moyen pour le parquet d’avoir les coudés franches sans avoir à se justifier devant un juge. Pour l’action en question, tout le monde fut convoqué à des dates différentes, dans des « maisons de justice » différentes, étalé sur 4 mois. L’objectif de briser la dynamique collective était assez clair. Impossible de prendre un avocat à chaque fois (trop cher), impossible d’y aller ensemble. Avec le risque que certaines ou certains n’y aillent pas et soient potentiellement poursuivis en procès ensuite, ou que les peines soient plus ou moins lourdes selon les personnes.

Face au petit jeu du parquet, les maçon·ne·s sont allé·es voir un avocat et ont discuté d’une stratégie commune. La première personne convoquée en composition pénale s’y est rendue pour voir. Après lui avoir fait la morale et l’avoir traitée comme un enfant de 5 ans, la proposition « sympa » du procureur fut la suivante : une amende (100€), un stage de citoyenneté de 3 jours (sic ! et 150€ de plus de sa poche), et l’« interdiction de fréquenter les coauteurs ou complices de l’infraction pendant 6 mois ». Où l’on voit clairement la volonté de diviser le groupe.

Personne n’est plus allé à sa composition pénale. Un an et demi après, tout le monde a été convoqué devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon, pour dégradation en bande organisée et, pour certaines personnes, refus de prélèvement ADN. Onze des treize accusé·es étaient présent·es au procès. Être onze ou tout·e seul·e devant un tribunal, ça change tout. Chacun et chacune a assumé les actes du groupe en restant droit dans ses bottes. L’avocat s’est exprimé pour défendre tout le monde. Il a démonté l’accusation de manière assez efficace. Le PS qui s’était fait muré et avait porté plainte n’était même pas présent. Le procureur n’avait rien à dire pour réfuter les arguments de l’avocat, à part que les militants et militantes étaient de dangereux·euses ennemi·es de la société, qui ne s’étaient même pas présenté·es à leur composition pénale et qu’on ne pouvait pas laisser faire ça, bien entendu.

Rester soudé et s’organiser ça paye : au lieu d’infliger au groupe une amende avoisinant les 10.000€ comme demandé par le procureur, les juges ont suivis l’avocat de la défense et tout le monde a été relaxé. Cela n’a pas plu au parquet, qui a fait appel dès le lendemain. Il y aura donc un nouveau procès.

Dans cette affaire comme dans plein d’autre, ce n’est pas la « victime » (le PS) qui trouve que l’affaire à été mal jugée, que les militants et militantes n’ont pas été assez puni·es : c’est le représentant de l’État, soit-disant au nom de la société. La politique anti-militante du parquet est assez claire... et assez efficace. Tout ce qui peut l’être doit faire l’objet de poursuites judiciaires systématiques, et cela concerne à peu près tout type d’action militante quand on y regarde de près. Même si les preuves sont maigres et que la procédure judiciaire ne débouche pas forcément sur de lourdes peines (encore faut-il bien se défendre !), elle coûte de l’argent pour payer l’avocat. Elle prend du temps et de l’énergie, qu’on ne peut pas mettre sur autre chose. Au bout de quelques procès, le risque d’avoir un casier judiciaire devient important. Et donc d’être encore plus vulnérable devant la justice. Au final, ça fatigue, ça use, ça stresse et ça finit par faire peur et par en démotiver plus d’un et d’une. C’est exactement ce que cherche à faire le parquet.

Tout est fait pour individualiser au maximum la répression : une fois isolé·e du groupe, on est beaucoup plus vulnérable. Adopter une stratégie collective, résister aux tentatives de division et d’individualisation du parquet est donc super important. On ne saurait que trop louer l’action des caisses de solidarité dans ce domaine. Lyon aussi possède la sienne, soutenez-là !

La Caisse de Solidarité de lyon, un outil contre la repression

La caisse de solidarité lutte contre la répression depuis une dizaine d’années. Ce texte résume son histoire et son mode de fonctionnement. « La Caisse de Solidarité est un outil au service de ceux et celles qui veulent s’organiser contre la répression. Elle assure une activité de production (...)

19 septembre 2016

Quant au groupe des petit·es maçon·ne·s, qui pour la plupart ne se connaissaient pas avant de passer vingt heures en GAV ensemble, ils et elles ont appris à se connaître et à s’apprécier. Et ressortent bien plus soudé de cette affaire qu’ils ne l’étaient il y a un an et demi. Ils sont d’ailleurs prêt·es à proposer de nouveau leurs services au PS en faillite : pour éviter que ses locaux dont ils ne peuvent plus assumer le loyer soient squattés, il faudra certainement le re-murer bientôt !

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