Rassemblement du samedi 16 mai à Lyon : violences policières, intimidations, arrestations, verbalisations

2293 visites
Lyon Manif | Gilets Jaunes 1 complément

Le samedi 16 mai, de nombreux groupes Gilets Jaunes et différents collectifs en lutte s’étaient donné rendez-vous à partir de 14h place Lyautey pour "demander des explications à Macron et son gouvernement sur la gestion de la crise et demander le retrait des nombreuses lois liberticides et antisociales qu’ils ont mis en place durant et avant le confinement". Le Comité de liaison contre les violences policières (« Surveillons les ») note que les personnes présentes étaient pacifiques, ce qui n’a pas empêché des violences policières, entre 3 et 5 arrestations et des amendes.

Comme pour chaque manifestation, nous appelons toutes les personnes victimes ou témoins de violences policières ou d’amendes injustifiées le samedi 16 mai à nous contacter.

"La PJ est arrivée, c’est parti en vrille"

Plusieurs dizaines de personnes étaient présentes place Maréchal Lyautey dès 14h dans le respect des règles sanitaires, sans groupe de plus de 10 personnes : "t’avais la [gendarmerie] mobile sur la place, juste ils regardaient si il y avait pas de rassemblement, ils ont parlé à quasiment personne, ils surveillaient. La PJ est arrivée, c’est parti en vrille". Les forces de l’ordre se positionnent d’emblée de manière agressive. Le ton du commissaire dispute le menaçant au dérisoire : "vous êtes tous connus comme appartenant à la mouvance gilets jaunes". La police a rapidement arrêté une personne... parce qu’elle était assise contre un mur et ne voulait pas se lever ! "Ils l’ont prise comme un sac à patate. Tu prends un sac de patates sur le marché c’est pareil. Ils l’ont prise, ils l’ont levée, ils ont ouvert les portes du camion, teminé ! ". Un autre personne à côté de la personne interpellée a été contrôlée, "ils lui ont mis une amende et ils l’ont libérée". Selon d’autres témoins, il pourrait y avoir eu une autre interpellation place Maréchal Lyautey à la même période. Le nombre d’amendes distribuées par la police est incertain.

Pas de respect des gestes barrières pour la BAC

Après ces manœuvres policières empêchant tout dialogue, la place se vide progressivement. Des personnes se retrouvent rue de la République, ou des contrôles et fouilles de sacs ont lieu, notamment vers Cordeliers, au milieu de la foule des consommateurs. Aux alentours de 16h30, la police tend la situation, jusqu’alors particulièrement pacifique, en interpellant une première personne rue de la République. Deux minutes plus tard, une deuxième personne est jetée à terre par au moins cinq bacqueux (puis rapidement rejoints par une petite dizaine d’autres policiers). Les policiers pointent leurs LBD à l’horizontal sur la foule et lancent un agressif "ferme-la !" lorsqu’on leur fait remarquer. Dans ce mouvement, un autre homme est blessé au coude et derrière la tête, parce que les policiers l’ont poussé violement par terre. Moins de dix minutes après, la police charge de la rue Thomassin vers la rue de la République et interpelle au moins une personne. La foule est visée au LBD. Entre 16h20 et 16h40, il y a eu au moins 2 ou 3 interpellations rue de République selon les témoignages.

La police attaque manifestant.e.s et passant.e.s

La police ne vise pas que les manifestants. Un passant a été pris à partie par la police, rue Thomassin : "Je faisais des achats et je me suis approché pour voir qui criait et pourquoi. Et donc j’étais derrière les flics, alors il y a un flic qui m’a vu et m’a pris comme ça, [il fait mine qu’on le prend par le col, et qu’on le retourne vers le côté opposé] il me tire et il me dit allez par là-bas. Lui, il me force à ce que je fasse partie du groupe des gilets jaunes. Il m’a cogné, il m’a tiré. Là j’ai mal". Il nous montre sa nuque et nous expliquera plus tard qu’il a reçu un coup à la base du crâne et qu’il a déjà une douleur au crâne assez diffuse. "Heureusement que je tenais bon. Un peu plus je tombais. C’est très méchant. Ils agissaient comme si moi je leur avais fait une méchanceté. Je ne comprenais rien. Je disais : mais qu’est ce qu’il se passe, je ne vous ai rien fait, je n’ai rien fait. Il [le policier] me dit : mets toi de ce côté. Il voulait vraiment que je sois de l’autre côté. Sans avoir rien fait". Il a décidé d’aller passer des radios et garde une mauvaise image "envers ceux qui sont censés protéger les gens". Cet exemple montre bien que les violences policières n’arrivent pas qu’aux manifestant.e.s : elles touchent tout le monde. La police considère chaque simple passant.e comme suspect.e et comme cible. Choquée, la victime décrit les fonctionnaires de police présents rue de la République "ils sont violents et tu ne peux rien faire". Le préfet avait d’ailleurs prévenu "Les gestes barrière ne pourront être respectés dans le contexte des manifestations". Visiblement, les policiers ont pris cette déclaration au pied de la lettre.

Il m’a dit « on va vous mettre une amende, vous êtes verbalisée ». Je lui demande pourquoi et il me dit « on trouvera », ça n’a aucun sens.

"Ils ont arrêté une nana qui était juste devant moi, et j’avoue que je m’étais un peu approchée mais voilà j’étais seule alors ils m’ont vite éloignée. Je leur disais : mais regardez ce qu’il se passe autour de vous, pourquoi est-ce qu’on est là ?!. Ils m’ont dit de fermer ma gueule, qu’il valait mieux que je circule, que c’était mieux pour moi. [...] Je n’ai pas insulté, je ne les ai pas traités de fils de je sais pas quoi, pas fait de doigt d’honneur, rien du tout, j’avais mon petit masque. Pendant la manif il y a peut-être eu deux petits cailloux qui ont été lancés, c’est tout il n’y a pas eu de vitrine cassée, il n y a rien eu, il n’y a même pas eu de dégradations. [...] Au moment où ils ont décidé de m’interpeller, ils m’ont prise par surprise, alors que je partais et que j’étais dos à eux. Au départ j’étais face à eux, ils n’ont rien fait. C’est au moment où je suis partie, j’ai fait quelques pas et c’est là qu’ils sont venus me choper. Tenue fermement, clef de bras mais pas prononcée, je faisais juste en sorte de ne pas tomber, parce qu’évidement il te mette dans une position malaisante, et pas confortable. Je résistais légèrement pour ne pas tomber par terre ni perdre l’équilibre. En soit franchement j’ai pas à me plaindre parce que ça va. Et le policier qui m’a verbalisée, il n’a pas été agressif. J’ai vraiment eu de la chance de ne pas tomber sur quelqu’un de teigneux... mais ça allait, j’en ai vu qui se sont fait arrêté c’était beaucoup plus musclé que ça. J’ai eu de la chance dans mon malheur [...]. Je ne sais pas quel sera l’intitulé de mon amende. Je leur ai bien demandé pourquoi est-ce qu’ils m’arrêtaient. Ils m’ont dit que c’était un contrôle d’identité. Après j’ai vu que l’autre flic relevait mon identité, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit : on va vous mettre une amende, vous êtes verbalisée. Je lui demande pourquoi et il me dit : on trouvera. [...] Ça n’a aucun sens. [...] On vous met une amende. Pour quelle raison, bah on trouvera plus tard ! [...] Ils prennent ton identité et ils trouveront un truc ? Je ne sais pas de combien, je ne sais pas pourquoi je suis verbalisée. J’avais vu des gens se faire verbaliser dans la journée donc je me doutais bien que ça allait tomber à un moment donné".

C’est le dispositif policier, non les manifestants, qui dérange la consommation !

La préfecture pointait le Covid-19 et l’impossibilité d’assurer les gestes barrière pour justifier l’interdiction de manifester sur la presqu’ile et ajoute "Les manifestations auraient pour conséquence d’accroître les difficultés des commerces, soyons solidaires avec nos commerçants !" . Le préfet en appelle à la responsabilité et à la solidarité de chacun au regard de la situation d’aujourd’hui. Cette justification relève de l’hypocrisie car les manifestations étaient déjà interdites bien avant la pandémie de Covid-19. Selon les termes du journal Lyon Capitale, à propos des arrêtés d’interdiction de manifester sur la presqu’ile, "le provisoire [était] devenu permanent" depuis au moins un an maintenant. D’ailleurs, comme le notait un rapport du Comité en janvier, les forces de police font plus de tort aux commerces que les cortèges eux-mêmes. Les cordons de police bloquent les accès, modifient arbitrairement les itinéraires et obligent les passants à faire des détours pour atteindre les commerces. A Lyon, ce 16 mai comme toujours, les petits commerces n’ont pas été la cible des manifestants. Il n’y a pas eu d’altercations entre manifestants et commerçants, comme ce fût le cas à Toulouse, où un membre d’une association de commerçant de centre-ville va jusqu’à personnifier les enseignes et considère "les commerces [...] sous assistance respiratoire".

Comment manifester après un recul massif de nos libertés ?

Il n’y a eu aucun acte de violence de la part des manifestants lors de cet après midi. La police, en revanche, a violé à plusieurs reprises les règles sanitaires tout comme leurs obligations réglementaires, puisque plusieurs policiers portaient cagoules (ce qui est interdit*) mais n’affichaient pas leur matricule RIO (Référentiel des Identités et de l’Organisation », ce qui est interdit aussi*). Les cagoules, pourtant prohibées en maintien de l’ordre, restent malheureusement quasiment systématiques. Ce premier samedi de manifestations pacifiques dans plusieurs villes de France a lieu après une phase de recul massif de nos libertés et de nos droits, sous couvert de confinement de la population. Alors que la police aurait été la cause de la mort de 12 personnes durant le confinement, qu’elle a été déployée pour faire taire le mouvement des Gilets jaunes, puis pour entraver la mobilisation politique contre la réforme des retraites, le gouvernement ne semble pas user du confinement pour réfléchir à d’autres rapports entre la police et la population ou à d’autres techniques de maintien de l’ordre. "Aujourd’hui [...], on va au contact, on interpelle, on rentre dans la manifestation, les cortèges, on crée des points de blocages, et ça c’est une évolution qui est nouvelle. Au même titre que l’ancienne doctrine limitait la violence, celle-là, très clairement, la suscite et la provoque" rappelait en février 2019, Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste des politiques de sécurité. Les Françaises et les Français se méfient de leur Gouvernement tout comme de sa police, qui n’a jamais connu un seuil de popularité aussi bas.

Un contexte de deux mois de champ libre pour la police…

Nous sortons d’une période de confinement due à l’impréparation, la casse du service public hospitalier et la confusion de l’exécutif, les mesures liées à l’état d’urgence persistent. La police a bénéficié du confinement pour déployer des drones par dizaines en dehors de tout cadre légal, comme le Conseil d’Etat vient trop tardivement de le reconnaitre et de l’interdire. Des politiques ne reposant pas sur la surveillance et la suspicion, mais sur des relations plus apaisées entre la police et les habitants pourraient toutefois être proposées. Ce n’est pourtant pas ce qu’envisage le gouvernement au vu des deux derniers mois écoulés. Les forces « de l’ordre » s’en sont donner à coeur-joie et les violences ont été nombreuses. Dès le 27 mars, une vingtaine d’organisations dénonçaient les violences commises par les forces de l’ordre durant le confinement. A Vaulx-en-Velin, dès le 17 mars, un barrage composé de trois voitures de police et une dizaine de policiers, flash-ball en main, opérait des contrôles à la « frontière » entre Vaulx-en-Velin et le centre de Lyon. Dans certains quartiers, la police semblait tenir une liste de personnes à contrôler car déjà verbalisées, une habitude déjà observée par le passé. Des nouvelles infractions, à la légalité bancale, ont permis de criminaliser les passant-es, pour des motifs parfois extravagants. La police s’est retrouvé à produire les règles qui sont censées s’appliquer (la police fait la loi), avec un fort pouvoir arbitraire, alors que les voies de recours sont ineffectives en matière de contraventions.

… permis par un nouvel affaiblissement du pouvoir judiciaire

Même le pouvoir judiciaire, dernier rempart théorique contre l’arbitraire, est profondément affaibli par l’effondrement des garanties procédurales à cause de l’état d’urgence sanitaire (absence de garantie de confidentialité pour communiquer avec son avocat en garde à vue, prolongation des détentions provisoires sans aucun débat…). La démarche est en elle-même alarmante : la ministre de la Justice a cru nécessaire de publier une tribune dans le Monde pour affirmer que « L’État de droit n’est pas mis en quarantaine ». Dans ce contexte, nous exhortons les différentes composantes du pouvoir judiciaire à ne pas se laisser enfermer dans un « second rôle » de garantes du maintien de l’ordre mais à remplir pleinement leur mission constitutionnelle de gardiennes des libertés individuelles.

*Le Comité rappelle :
- qu’aux termes des articles R. 434-15 du Code de la sécurité intérieure et de l’arrêté du 24 décembre 2013, l’identification individuelle des forces de l’ordre est une obligation déontologique. Le « référent identité opérationnelle » ou « RIO » doit être systématiquement porté, y compris par les agents intervenant en civil ;
- que comme l’a rappelé récemment le Défenseur des droits (décision n°2019-299 du 110 décembre 2019), l’arrêté du 7 avril 2011 et la note du Directeur général de la police nationale du 22 février 2017 relative à la dissimulation du visage par le port de la cagoule n’incluent pas les services ou unités qui interviennent en maintien de l’ordre parmi ceux autorisés à intervenir le visage dissimulé.
- que pour la CEDH (Cour européenne des droits de l’Homme), l’absence d’identification des forces de l’ordre fait obstacle au bon déroulement de l’enquête et peut constituer une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants (CEDH, Hentschel et Stark c/ Allemagne, 9 novembre 2017). L’enquête sur des mauvais traitements infligés par la police « doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables » (CEDH,J.M. c/France, 5 décembre 2019).

P.-S.

Le communiqué est disponible ici : https://surveillonsles.art.blog/2020/05/18/18-05-2020-rassemblement-du-samedi-16-mai-a-lyon-retour-a-la-normale-violences-intimidations-arrestations-%e2%80%8cverbalisations/

Le comité de liaison contre les violences policières (Lyon) (« Surveillons les ») regroupe des individus et plusieurs collectifs et structures : Commission justice des assemblées des gilets jaunes de Lyon - Association des victimes de crimes sécuritaires - Collectif de blessés « Dévisageons l’état » - Caisse de solidarité - Ligue des droits de l’homme - Syndicat des avocats de France - Solidaires 69 - Planning familial 69 - Libre Pensée du Rhône - Collectif d’avocats : « les activistes du droit » - NPA - Ensemble - UD CGT 69 - Attac Rhône.

Si vous êtes témoin de violences policières, envoyez votre témoignage : surveillonsles@riseup.net.

Blog : https://surveillonsles.art.blog/

Photo : Le Progrès

Groupes associés à l'article

Flagrant Déni

  • https://www.flagrant-deni.fr
  • contact@flagrant-deni.fr
  • Autres infos : Twitter: @FlagrantDeni insta : https://www.instagram.com/flagrantdeni/

Proposer un complément d'info

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Publiez !

Comment publier sur Rebellyon.info?

Rebellyon.info n’est pas un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment être publié !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail contact [at] rebellyon.info

Derniers articles du groupe « Flagrant Déni » :

› Tous les articles "Flagrant Déni"

Derniers articles de la thématique « Manif » :

› Tous les articles "Manif"

Derniers articles de la thématique « Gilets Jaunes » :

>🟡 La France en Jaune - 18/11 à 14h place Bellecour

Les 17 et 18 novembre, pour la 5e fois de leur existence, les groupes Gilets Jaunes de toute la France appellent l’ensemble des colères à se refédérer (sans étiquette partisane) contre le pouvoir libéral, répressif, écocidaire et fasciste qui nous opprime toutes et tous, avec ou sans gilet. A...

>L’industrie du complotisme

Vous en avez marre des conspirationnistes qui voient des lézards géants partout ? Et en même temps vous ne supportez plus la petite musique des médias qui traitent de "complotiste" chaque personne qui remet en question l’ordre établi ? Pour nourrir la réflexion des mouvements sociaux...

› Tous les articles "Gilets Jaunes"