Une drôle de journée sur l’autoroute (ZAD partout !)

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Samedi 27 février, on était 60 000 à arpenter une quatre voies à proximité de Notre-Dame-des-Landes pour clamer notre opposition au projet d’aéroport. Parmi les manifestant·e·s, quelques Lyonnais·es venu·e·s en bus ou en bagnole. Récit et photos d’une journée particulière.

Avec les potes, on s’est levé·e·s tôt dans une ville de l’Ouest de la France où on a fait un saut la veille au soir, histoire de croiser quelques connaissances et de faire une halte entre Lyon et Notre-Dame-des-Landes. Pas trop réveillé·e·s, on a mis le cap sur Nantes. Trop enthousiastes, on a décidé de sortir un peu tard du périph et on s’est retrouvé·e·s coincé·e·s quelques minutes dans les bouchons sur la route nationale qu’on se destinait à bloquer. Celle-ci allait rester fermée toute la journée et à, quelques exceptions près, on allait passer la journée entière dessus.

Après avoir évité une biche de justesse sur une petite route, on se gare à Vigneux-de-Bretagne et on rejoint en compagnie de pas mal de monde l’un des deux points de rassemblement, sur la N165 (quatre voies entre Nantes et Vannes, l’autre étant sur la N137, entre Nantes et Rennes). Quand on descend sur la route, il y a déjà masse monde et on ne voit pas le bout du cortège qui nous précède. D’ailleurs, on ne le verra jamais et, à part être sûr·e.s qu’on était très nombreu·se·s, on ne se rendra jamais compte de combien de personnes pouvaient déambuler avec nous sur cette quatre voies.

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Pas de bleusaille à l’horizon, des gens déguisés, des drapeaux de toutes les couleurs, un temps splendide (mais froid), la journée s’annonce bien. Le premier truc qui nous marque, c’est l’ambiance sonore. Une sorte de bruit continu et vibrant emplit l’air. On croit d’abord que c’est l’hélico des gendarmes mais nos oreilles ne sont pas d’accord avec la position que nos yeux nous indiquent. On comprend alors que ce son est celui de la résonnance des coups que les manifestant·e·s assènent plus ou moins en rythme aux barrières de sécurité. On a essayé d’en faire une captation sonore (vous pouvez écouter ci-dessous), ça rend pas forcément grand-chose mais en vrai c’était assez dingue.

Ambiance sonore sur la quatre voies
Son des personnes tapant sur les barrières de sécurité.

Le deuxième aspect qui nous saute aux yeux, c’est le fait qu’on a traversé la moitié de la France pour venir défendre un coin de bocage et qu’on se retrouve pour la première fois de notre vie à marcher sur une quatre voies désertée par les bagnoles. Des premières, il y en aura d’autres aujourd’hui et la plupart découleront de cette situation particulière. Ouais, ça fait drôle alors que tu t’es équipé·e pour affronter la boue de te retrouver les pieds bien au sec sur un béton bien lisse avec d’autres piéton·e·s, des vélos, des trottinettes et quelques tracteurs. À mesure qu’on avance, on croise des têtes connues, des pancartes originales (comme cette parodie du slogan de l’association de soutien au futur aéroport, « Des ailes pour l’Ouest », qui réclame des « teckels pour l’Ouest »), des déguisements sophistiqués et des musicien·ne·s dont les rythmes se mêlent à ceux que produit la foule qui continue de taper sur les barrières de sécurité.

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On continue notre progression vers le point de convergence où doivent se tenir à partir de 13h les prises de paroles, où sont installés les stands de bouffe et les bars ambulants et où une vigie destinée à surveiller l’arrivée des engins de chantier est en construction. On approche d’une station Total que le pétrolier a eu la bonne idée de fermer pour la journée. Certain·e·s s’en donnent à cœur joie et, à grands coups de bombes et de pinceaux, lui refont une beauté. On décide de squatter une des tables de pique-nique située dans le périmètre. On mange un bout dans cette station, là aussi c’est une première pour nous. L’ambiance est un brin surréaliste, entre une manifestation festive, une kermesse, une promenade dominicale et une scène de Mad Max ou de l’An 01.

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On rejoint ensuite l’échangeur du Temple (le point de convergence). Partout sur les taluts et au milieu, des personnes déjeunent, jouent aux cartes, piquent un roupillon. Le sol et les barrières ont été repeints pour colorer un peu leur habituelle grisaille. Quelqu’un·e a tagué « trop LOL la rando » sur le sol, ça résume pas mal ce qu’on ressent. Au Temple, on se procure rapidement une bière au stand du collectif ZAD de Rennes puis une seconde au tracto-bar. On baguenaude entre un concert de punk, le stand du collectif Mauvaise Troupe et celui de maraîchers du coin. On fait quelques pas vers la vigie en cours de construction. Elle est jolie. Pour y accéder, on marche sur un talus dont le sol boueux est rebondissant. Les gens s’amusent à sauter dessus, ça se marre bien.

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On fait un dernier petit tour sur le pont de l’échangeur histoire d’observer tout ce monde de haut et de se rendre compte que, même à cette heure avancée (il est déjà 17h), on est encore vraiment plein. Pour tout dire on commence un peu à s’ennuyer et à se demander ce qu’on fait là, sur la N165. On décide ensuite de repasser à la bagnole et dans un commerce pour s’équiper un peu en vue de la soirée qui se tient ensuite sur le champ de la Pointe. On redescend donc sur la quatre voies où nous attends un « taxi bouse » qui nous ramène jusqu’à Vigneux. On se tasse à quinze dans une bétaillère, ça aussi c’est une première pour nous. À l’intérieur ça ose quelques blagues sur le transport d’humains dans une véhicule dédié aux animaux. À l’extérieur une cycliste propose de nous libérer. L’ambiance est plutôt chouette et nos jambes sont heureuses de s’économiser quelques kilomètres.

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Sur le chemin de Vigneux, on croise deux bagnoles de fafs de 18 piges qui se sentent obligés de traiter une fille de pute et de nous signaler qu’il faut qu’on fasse gaffe parce que c’est chez eux. On rejoint rapidement le supermarché du village, dans lequel l’ambiance est assez amusante. Le patron est en effet sur les nerfs et, dès que quelqu’un·e s’approche qui ressemble de près ou de loin à ce qu’il imagine être un·e manifestant·e, il s’excite pas mal. On a évidemment un pote dont le portefeuille sonne, ce qui vaudra un premier sketch avec le patron puis un second avec un caissier au moment de quitter le magasin. On sort avec trois broutilles et, comme il n’y a plus de pain, on en est réduit·e·s à en acheter dans un distributeur situé dans le centre du village. Ouais, il a fallu qu’on aille à la ZAD pour tenter l’expérience absurde d’acheter du pain à une machine.

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Le temps de faire une photo de coucher de soleil charmante sur le bocage et on se rend devant la scène installé à la Pointe. C’est la première fois qu’on met les pieds dans l’herbe humide. On reste le temps de boire quelques bières devant un concert de rap donné par les participant·e·s de l’atelier d’écriture de la ZAD. Certains textes sont vraiment sympas, notamment un où la chanteuse propose aux « anarchistes libéraux » (terme employé pour désigner les faux anars commerçants et libéraux) d’aller « numériser l’enfer », « commander leurs transhumains augmentés » et « valoriser ce que je chie ». C’est vénère, ça sonne plutôt bien, mais le froid et la fatigue se font sentir et à la fin du concert on reprend la route.

C’était une drôle de journée sur une autoroute. On reviendra. Il n’y aura pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

Des marcheuses et des randonneurs autoroutier·e·s

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  • Le 3 mars 2016 à 09:53, par

    Et sur un des ponts au-dessus de la 4 voies, les gens du coin, en passant faire un petit tour en vélo, disaient : « on a jamais vu ça ici, il faut que je prenne une photo ! Vous venez d’où ? De Lyon ?! Ah ben moi j’habite à 3km ! Non mais c’est dingue, on a jamais vu ça ici ; de toute façon l’aéroport ça va pas se faire ! »
    Toute l’aprèm on a essayé de calculer combien on pouvait bien être, 10 000, 20 000, 50 000... Ben ouai, 60 000 !
    Et le soir, de belles rencontres encore et des échanges très chouettes avec les gens du coin, dans une ambiance entre festoche, fest-noz et teuf-tek, les pieds bien ancrés dans la boue, un bon verre de piquette à la main et le sourire aux lèvres.

    Allez, craque vieux monde, les fleurs de la vie percent ton béton !

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