Au TGI de Lyon le handicap mental est un délit puni de prison

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Abdelatif a 41 ans, il est dans le box des accusés de la salle d’audience des comparutions immédiates du Tribunal de Lyon, ce 10 décembre 2012.

Il est sourd et n’entend pas ce que lui dit le Tribunal. A plusieurs reprises il fait répéter le juge dont il n’entend pas les paroles. Finalement il passe sa tête entre les barreaux vitrés qui le séparent du Tribunal et tend l’oreille, pour comprendre ce qu’on lui dit.

Abdelatif a 41 ans, il est dans le box des accusés de la salle d’audience des comparutions immédiates du Tribunal de Lyon, ce 10 décembre 2012.

Il est sourd et n’entend pas ce que lui dit le Tribunal. A plusieurs reprises il fait répéter le juge dont il n’entend pas les paroles. Finalement il passe sa tête entre les barreaux vitrés qui le séparent du Tribunal et tend l’oreille, pour comprendre ce qu’on lui dit.

Le juge ne s’en émeut pas et poursuit l’habituelle énumération des faits (ou plutôt la lecture des PV des policiers).


J’ai pas pris mes médicaments depuis 4 jours

J’ai pas pris mes médicaments depuis 4 jours… tout à l’heure je suis tombé précise Abdelatif dés que le juge l’interroge. Puis il pleure : ça fait 4 jours que je suis « encastré », je suis pas bien, je sais pas pourquoi je suis devant ce Tribunal, je n’en peux plus. Le tribunal propose qu’on le juge après que les médicaments aient fait leur effet, le prévenu refuse puis son avocat intervient : mon client a été hospitalisé récemment à l’Hôpital Psychiatrique du Vinatier, je vais demander un délai pour qu’une expertise psychiatrique soit effectuée.

Cette demande de délai pour permettre de faire une expertise psychiatrique change le cours de l’audience : le Tribunal ne juge pas Abdelatif aujourd’hui, il décide seulement s’il le libère ou l’incarcère jusqu’à la date de son futur procès.

Le juge prend note de la remarque de l’avocat puis reprend la lecture des PV. Le prévenu est accusé d’avoir le 8 décembre tenté de forcer sans y arriver une voiture, puis brisé la vitre d’une autre voiture pour finalement ne rien prendre...et briser la vitre d’une autre pour prendre un coussin, un sac poubelle et une cordelette…

Adulte Handicapé à 95% depuis ses 18 ans

Quand c’est à la défense de parler, l’avocat demande un délai afin de rassembler les informations nécessaires comme l’expertise psychiatrique. Ensuite il présente brièvement la vie de son client, antidépresseurs, crises d’épilepsie, tentatives de suicide, rendez vous réguliers chez le psychiatre, classement Adulte Handicapé à 95% par la Cotorep [1] dès 18 ans.

L’avocat explique aussi que l’état de santé de son client explique son passage à l’acte : son traitement médicamenteux ne lui permet pas de boire de l’alcool et malgré cela, samedi le jour du délit, il a bu. C’est ce qui a déclenché le passage à l’acte. Aujourd’hui, ayant repris ses esprits, il ne se souvient plus de rien.

Enfin l’avocat précise que les frères et sœurs ainsi que la mère d’Abdelatif sont présents dans la salle, ils ont chacun pris une journée sur leur temps de travail pour assister à l’audience et font bloc au quotidien pour aider et entourer Abdelatif.

Excusez moi mademoiselle

Le juge reprend la parole et énumère la douzaine d’annotations sur le casier judiciaire d’Abdelatif : des petits vols et des tentatives échouées. Le juge interroge le prévenu sur les raisons de ces vols : je suis seul, j’ai envie de parler alors je boisje me sens bien après mais j’ai pas le droit répond Abdelatif. Vous souvenez vous de la condamnation du 11 novembre ? Interroge le juge je ne sais plus, je perds beaucoup la mémoire, excusez moi « mademoiselle » bafouille Abdelatif…

Le procureur ne s’encombre pas de ces réponses étranges, il déclare que si Abdelatif connaît des difficultés, il sait en jouer devant le tribunal et risque de renouveler les faits d’ici la date du prochain procès ; le procureur réclame la mise en détention d’Abdelatif jusqu’à la date de son prochain procès.

L’avocat prend la parole une dernière fois, évoque la famille de son client qui est présente à l’audience et assure qu’elle est la garantie du non renouvellement des faits. Il demande qu’Abdelatif ne soit pas mis en prison mais placé sous un contrôle judiciaire stricte avec une obligation de soins psychiatriques plus fréquents qu’au moment des faits, jusqu’à la date du futur procès.

Il est handicapé !

Après avoir délibéré en huis clos, le tribunal reprend place dans la salle d’audience et rend sa décision. Les juges demandent un délai pour juger l’affaire et ordonnent qu’une expertise psychiatrique soit effectuée, puis ils fixent la date du prochain procès au 9 janvier 2013 ; ils prennent la décision d’envoyer Abdelatif en prison jusqu’à cette date.
Je ne suis pas d’accord, je ne sais pas ce que j’ai fait ou pas fait, je ne comprends rien dit Abdelatif, il est handicapé ! crie sa famille depuis les bancs de la salle d’audience.

Notes

[1Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel

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