Face à l’annonce du gouvernement libéral d’une augmentation des frais de scolarité à l’université de 325$ chaque année pour arriver à 1625$ de plus en 2017, le mouvement étudiant prend péniblement son envol au Québec. Une augmentation de 70% qui s’ajoute à l’augmentation de 30% en vigueur depuis 2007. Contrairement à la propagande gouvernementale, les fonds transférés en prêts et bourses ne sont destinés qu’aux personnes déjà éligibles aux prêts et bourses. Mêmes parmi ceux-ci, 80% des gens ne recevront pas de compensation pour la hausse. Pour éclairer très brièvement la situation sociale des étudiants québécois : le niveau moyen d’endettement étudiant est de 13000$ à la fin d’une licence et le travail étudiant est en hausse constante (en moyenne 17h par semaine).
Au Québec, le mouvement étudiant est largement assujetti à la gestion des associations étudiantes. Ces structures n’ont pas d’équivalent en France, elles jouent le rôle de syndicat et de bureaux des élèves et disposent d’un mandat de représentation des étudiants. Ces entités existent au niveau d’une faculté, d’un département, et par truchement fédératif au niveau des université et du pays. On ne choisit pas de s’affilier à son association de faculté, de département ou d’université, on y adhère automatiquement quand on paye des frais. Elles seules ont le pouvoir de tenir des assemblées générales, c’est à dire que l’idée d’une Assemblée générale autonome, voire au niveau de l’université ne fait aucun sens ici.
Ces assemblées sont alors régies par un recueil de procédure qui permet (dixit wiki) « de tenir des assemblées générales démocratiques et ordonnées. » : le code Morin, hérité d’un notaire québécois en 1938 et dont la majorité des associations étudiantes ont fait leur charte, parfois modifiée. Au Canada anglophone et aux États-Unis, son équivalent est le Robert’s Rule Of Order.
Seule une association peut se déclarer en grève, pas un étudiant seul, encore moins une université. Le code Morin est un dispositif qui donne à ceux qui le connaissent, en général des semi-pro de l’associatif étudiant, un pouvoir certain sur le déroulement d’une AG, un bureaucrate affûté peut par exemple demander une question préalable pour couper un débat et passer immédiatement au vote... etc etc, les exemples sont nombreux. Ce système fonctionne largement comme un dispositif de verrouillage de l’autonomie du mouvement étudiant et est inséparable d’une autonomie des universités accomplie depuis longtemps (et du verrouillage de la politique en Amérique du Nord). Cela ne veut pas dire que tous les militants associatifs soient des ennemis, un département mobilisé d’une université radicale le sera aussi mais même dans ce cas la gouvernance associative « cadre » les mouvements. Les plus grandes de ces associations, celles des universités, sont considérées comme de « véritables partenaires sociaux », avec qui le gouvernement négocie durant les mouvements mais aussi tout au long de l’année. Monstres financiers, ces associations possèdent souvent les bars, cafés, épiceries des universités en plus de disposer de sommes très importantes (les rumeurs les plus folles courent sur les possessions immobilières à Montréal de l’association étudiante de l’UQAM).
Alors qu’au cours de l’année 2010, seule des manifestations sporadiques bien que massives (1er avril et 24 septembre), l’annonce du montant de la hausse en hiver 2011 a immédiatement été saluée par de nombreuses initiatives locales (occupation de bureaux des rectorats universitaires, déploiement de bannières, pétitions...). Le mouvement a alors repris son rythme de manifestations très écartées et d’actions sporadiques. Pendant l’été, 200 associations étudiantes représentant plus de 200000 étudiants se sont prononcées contre la hausse des frais de scolarité. L’association étudiante considérée comme la plus radicale, l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) a crée la CLASSE (Coalition large de l’ASSÉ) , qui est devenu l’organe de représentation du mouvement.
A l’hiver 2012, la pression monte enfin ! Le mouvement se radicalise et s’oriente vers une grève générale illimitée. Actuellement, 73 associations regroupant plus ou moins 92000 étudiants l’ont voté. Les cégeps (institution scolaire payante divisé en sections générales et technologiques qui se situe entre le lycée et l’université et qui est aussi la ligne de fracture de la déscolarisation des classes populaires au Québec) comptent pour 52000 étudiants de ce chiffre. L’UQAM (Université du Québec à Montréal), université historiquement la plus mobilisée (la plus à gauche et la plus mixte socialement des 4 universités francophones) compte 22835 étudiants en grève. Ce mouvement est le premier mouvement étudiant d’ampleur depuis le mouvement de l’hiver 2005 contre les coupures de l’aide financière (l’UQAM avait là aussi joué un rôle important). Cette grève de 6 semaines, qui a fait reculer le gouvernement, fut la plus longue grève étudiante au Québec (sic).
Pour un tas de raisons (la mobilisation des départements traditionnellement peu mobilisés, scientifiques en particulier, l’ambiance des manif’, des AG, des couloirs de fac et des comités de mob...), on a l’impression que quelque chose pourrait se passer... quoi que ce soit qui briserait la torpeur gelée d’une université québécoise en hiver serait déjà bien.
Total des associations étudiantes EN GRÈVE ILLIMITÉE :
73 associations étudiantes
Regroupant +/- 91 557 étudiantes et étudiants
Total des associations étudiantes ayant un mandat de grève illimitée – en attente du déclenchement :
34 associations étudiantes
Regroupant +/- 34 769 étudiantes et étudiants
Total des associations étudiantes qui seront en grève illimitée le lundi 5 mars :
94 associations étudiantes
Regroupant +/- 116 865 étudiantes et étudiants
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