La Fête Des Merveilles : Un Carnaval Médiéval Lyonnais.

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Un résumé d’un carnaval populaire médiéval lyonnais pris dans la thèse de Jérôme Nicolas titrée Le Carnaval : Un Imaginaire Politique.

Le Carnaval : Un Imaginaire Politique

Pour comprendre l’intérêt politique et contestataire des carnavals je propose ici une petite introduction au morceau d’histoire lyonnaise présenté dans la thèse.

Aujourd’hui les Carnavals médiévaux et ceux inspirés de traditions médiévales comme à Pau ou Chalon-Sur-Saône en France dite "métropolitaine" nous apparaissent seulement comme un mélange de traditions chrétiennes et païennes, mais il faut comprendre que ce mélange est de manière absolue une sorte d’impossibilité. En effet les "païens" n’étaient pas un groupe précis mais simplement ceux que les chrétiens identifiaient comme refusant leurs normes/culture. Ainsi il faut moins voir ces Carnavals comme un heureux hasard qui mélange des cultures qui survivent et plus comme un processus volontaire qui cherche a renverser les normes chrétiennes en les "paganisant".

En effet, lors de ces Carnavals qui se situent plus vers la fin du moyen âge le paganisme a déjà bien été effacé par la colonisation chrétienne. Ainsi les personnes cherchant par exemple a satiriser l’église ou le seigneur local utilisent le Carnaval comme moment de liberté ou les lois religieuses ou féodales ne s’appliquent plus et où on peut créer soit même ses propres règles, lois, cultures.

L’appel à la dimension païenne semble à mon sens servir deux intérêts, un il justifie l’existence du Carnaval et de ses pratiques que l’église a pourtant toujours chercher a réprimer, et deux donne une base historique sur laquelle les acteurs du Carnaval peuvent s’appuyer pour réimaginer leurs propres vies en dehors des rapports de domination existants.

Pour comprendre le coté subversif il faut comprendre ce que l’église cherchait à réprimer et ce qui se développe dans les espaces du carnaval, que ce soit les rôles de genre, les pratiques sexuelles, le rire tout simplement, la "folie", la propriété, les chants, les régimes alimentaires, la hiérarchie ecclésiastique ou féodale etc.. autant de normes sociales que le Carnaval tend à inverser, par la satire, par les effigies, par les costumes, par les jeux, par les chants, par la musique ce qui permet aux personnes dominées de la société de reprendre la main sur la direction de leur vie.

Après cette explication du coté subversif du carnaval, voici l’extrait de la thèse montrant que le Carnaval a toujours un peu existé d’une manière ou d’une autre à Lyon que ce soit au moyen âge en mêlant chrétienté et paganisme ou de nos jours par le Carnaval Populaire contre la réforme des retraites :

La Fête Des Merveilles

Entre les XII et XIVe siècles, à Lyon, sur la Saône, une fête populaire animait le Pont de Pierre [1] . La première arche de ce pont, côté Empire - rive gauche - s’appelait l’« arc merveilleux » ou l’« arche des merveilles ».

La fête des Merveilles, tirée du nom de cet arc se déroulait ainsi : depuis l’église Saint-Pierre de Vaise, une procession composée des membres du clergé, des magistrats et des représentants des corporations lyonnaises descendait la rivière sur des barques décorées, en chantant des antiennes et des psaumes catholiques, jusqu’au pont d’Ainay, situé au niveau de l’Église Saint-Nizier pour y vénérer les reliques de Saint Pothin. Le cortège nautique continuait ensuite jusqu’au Pont de Pierre sous l’arche des Merveilles. C’est à cet instant que la fête populaire reprenait ses droits : une trappe dans l’arche des Merveilles permettait de précipiter vivant un ou plusieurs taureaux blancs dans la Saône. Le peuple des berges, composé alors essentiellement de mariniers, livrait, dans l’eau, combat aux animaux.

Après les avoir égorgés sous les yeux de la foule, leurs dépouilles étaient portées sur le rivage afin de les manger dans un immense banquet.

On estime que la symbolique chrétienne du taureau blanc a la fonction de racheter l’âme des martyrs pour lesquels les portes du paradis ne s’étaient pas encore ouvertes.

La fête des Merveilles, mélange de pratiques du paganisme et des espérances de la religion chrétienne, utilise les eaux de la Saône à des fins purificatrices, comme à Chalon avec son mannequin.

P.-S.

Lien vers la thèse de Jérôme Nicolas d’où vient ce texte : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2006/nicolas_j#p=92&a=top

Notes

[1Actuel Pont du Change [ma note : aujourd’hui appelé Pont Maréchal Juin]. C’est le premier pont jeté sur la Saône en 1076 et construit avec des pierres arrachées à d’antiques monuments romains.

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