Francesco Ragazzi est maître de conférences en relations internationales à l’Institut de science politique de l’Université de Leiden (Pays-Bas). Spécialiste des politiques antiterroristes en Europe, il analyse pour Quartiers XXI les failles de la politique antiterroriste française.
Le cadrage politique et médiatique dominant interprète ces attentats comme un « conflit de valeurs » ou de « civilisations », en déniant la dimension politique de ces attaques. Comment expliquer ce déni du politique ?
Le problème principal à mon avis vient d’un double rejet : des méthodes de la violence politique et de l’idéologie qu’il y a derrière. Le projet de société de Daech et d’Al Qaida ne trouve d’écho nulle part dans notre société – contrairement à ce qui a été le cas d’autres groupes qui ont fait usage de la violence politique dans le passé : anarchistes, extrême gauche ou nationalistes corses, basques ou bretons. Plutôt que d’affronter donc un projet politique qui semble inimaginable, on préfère se réfugier derrière des idées fausses, que l’on entendait déjà après 2001 aux Etats-Unis, du type « ils détestent notre liberté ». Maintenant on a ajouté « ils détestent notre vin rouge » ou « ils détestent nos mini-jupes ». C’est évidemment assez idiot.
Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut comprendre le croisement d’une série de logiques transnationales qui articulent des processus régionaux et internationaux à des questions extrêmement locales et des trajectoires personnelles. Pour comprendre l’existence de Daesh, il faut comprendre : l’invasion de l’Irak par la coalition menée par les Etats-Unis ; le démantèlement de l’armée et des services de renseignement de Saddam Hussein, qui a privé du jour au lendemain tous ces professionnels de la sécurité de leurs revenu et statut social et qui forment maintenant le noyau dur de l’organisation ; le choix catastrophique fait par les Etats-Unis de jouer sur les différences confessionnelles entre chiites et sunnites dans le pays ; et enfin la dimension régionale du conflit, impliquant de façon trouble l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et bien sûr les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France.
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