Après 10 ans de présence en France, Jean de Dieu, 24 ans, est menacé d’expulsion

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Une histoire ordinaire de la fabrique des « sans-papiers ». Communiqué du RUSF-69, RESF-69 et RUSF-Paris 8.

Le Gouvernement justifie l’arrestation, l’enfermement et l’expulsion de dizaines de milliers de personnes, enfants, jeunes, vieux, étudiants, parents, travailleurs, en arguant que ces personnes-là n’ont rien à faire ici, aucune raison « valable » d’être en France et, par conséquent, aucune raison « valable » de ne pas en partir. Il les réduit à ce qu’elles n’ont pas, à savoir : des papiers. Or qui fabrique ces « sans-papiers » ? Le Gouvernement, le Parlement et le Président, en réformant depuis plusieurs années les lois et les règlements qui encadrent l’immigration en France. Toutes les réformes tendent à rendre plus difficiles l’accès au territoire national, l’obtention d’un premier titre de séjour et son renouvellement. Elles s’accompagnent d’un accroissement de la répression à l’encontre des étrangers : multiplication des arrestations au faciès dans les espaces publics et des arrestations à domicile, organisation de rafles, placement en rétention administrative, construction de camps et instauration de quotas d’expulsions. Afin de faire accepter ces réformes et ces pratiques par l’opinion, le Gouvernement agite, face à elle, la menace d’une invasion massive de « barbares ».

Dans les faits, rien de tel. Voici la chronique d’un (étudiant) étranger qui se retrouve sans papier et menacé d’expulsion après avoir passé presque la moitié de sa vie en France.

Jean de Dieu, étudiant camerounais à l’université Paris 8, a été arrêté suite à un contrôle d’identité à la gare d’Annemasse en Haute-Savoie (74) le 12 août 2008. Il est depuis enfermé au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon-Saint-Exupéry.

Jean de Dieu est arrivé il y a 10 ans en France, à l’âge de 14 ans. Depuis son arrivée, il a toujours été scolarisé ; d’abord dans le secondaire, dans la région nantaise, puis à l’université Paris 8. Il obtient en 2003 un baccalauréat série Sciences économiques et sociales avec mention. Bachelier, il commence une licence Eco-gestion à l’université Paris 8. Il est aujourd’hui en troisième année (L3). A sa majorité, il obtient un titre mention « étudiant », qu’il renouvelle jusqu’en novembre 2007.

Entre temps, les liens que Jean de Dieu entretient avec le Cameroun se sont peu à peu rompus. Jean de Dieu n’est pas retourné dans ce pays depuis dix ans et son arrivée en France. Depuis 1999, il subvient seul à ses besoins. Comme son titre le lui permet, il travaille à côté de ses études. Depuis quelques années, il est vacataire à l’UNESCO, à Paris. Son père, avec qui il maintenait un contact distant, est décédé l’année dernière. En raison des engagements politiques de celui-ci, sa mère a reçu des menaces et a dû déménager. Depuis la mort de son père, Jean de Dieu n’a plus de nouvelles de sa mère ni de sa sœur et n’a plus de contact avec sa famille au Cameroun.

A la rentrée 2007, Jean de Dieu demande à la préfecture de Paris le renouvellement de son titre « étudiant ». Malgré des matières non validées de L2, l’université Paris 8 et les responsables de licence Eco-gestion acceptent son inscription en L3. En novembre 2007, la préfecture de Paris refuse le renouvellement de titre demandé par Jean de Dieu au motif que celui-ci manquerait d’assiduité dans ses études. Ce faisant, la Préfecture s’oppose à l’Université et refuse à Jean de Dieu le droit de poursuivre ses études, droit que lui avaient accordé les responsables de la Licence en acceptant son inscription. En quelque sorte, la Préfecture se substitue aux professeurs pour juger de la qualité de leurs élèves. Elle assortit son refus de titre d’une obligation de quitter le territoire français. Envoyé en recommandé au moment où Jean de Dieu est en plein déménagement, celui-ci reçoit trop tard l’avis de passage et ne peut pas récupérer le courrier à la Poste. Ignorant l’expéditeur de ce courrier, mais soupçonnant qu’il a à voir avec sa demande de renouvellement de titre, Jean de Dieu demande à la Préfecture ce qu’il en est de son renouvellement. N’ayant pas eu de réponse, il croit que son renouvellement de titre est en cours. Contrôlé le 12 août 2008, il apprend que son renouvellement de titre lui a été refusé et qu’il est devenu « sans-papier ». Le délai pour faire un recours contre la décision de la Préfecture est passé depuis longtemps : Jean de Dieu n’a aujourd’hui aucune possibilité de contester cette décision et de faire valoir ses arguments.

Arrêté le 12 août 2008, Jean de Dieu est placé en rétention administrative. Il est présenté au Juge des Libertés et de la Détention le 14 août, qui valide son arrestation et son placement en rétention. Dès ce jugement, la Police des Airs et des Frontières passe à l’acte. Ne disposant pas du passeport de Jean de Dieu, elle sollicite le consulat du Cameroun pour obtenir un laissez-passer afin d’expulser Jean de Dieu vers ce pays. La réponse du Consulat est en cours. Une fois le laissez-passer délivré, l’expulsion de Jean de Dieu vers un pays autoritaire et qu’il ne connaît plus sera imminente.

Derrière la situation dramatique de Jean de Dieu, il y a les pratiques de notre Etat, pratiques que nous dénonçons. Le « traitement » des étrangers mis en œuvre par le Gouvernement depuis plusieurs années consiste en une immigration « choisie » ou « jetable », selon le point de vue adopté, c’est-à-dire en un appel aux « bons » immigrés et en une exclusion des « mauvais ». Le Gouvernement prévoit pour cette année d’« exclure » 26 000 personnes. L’évaluation des immigrés, entre « bons » et « mauvais », reste obscure, même quand elle tente de se justifier par des nécessités économiques. Ces distinctions concernent tous les immigrés et les migrants. Dans tous les cas, elles tendent à une hiérarchisation parmi les hommes et les femmes et à une banalisation de théories comme le racisme ou le sexisme.

Nous refusons cette vision utilitariste de l’immigration, l’expulsion prévue de milliers de personnes et l’internement administratif qui l’accompagne. Nous appelons à la solidarité avec les étudiants sans papiers. Nous exigeons leur régularisation et une égalité de droit et de fait entre les étudiants. Liberté de circulation, d’installation et d’étudier pour tous.

C’est dans ce cadre que nous réclamons la libération immédiate et la régularisation de Jean de Dieu afin qu’il puisse terminer ses études et poursuivre sa vie ici.

Vendredi 29 août, Jean de Dieu sera présenté devant le Juge des Libertés et de la Détention qui décidera de son maintien ou non en rétention au CRA de Lyon-Saint-Exupéry. Nous appelons a venir manifester notre soutien à Jean de Dieu ainsi que notre refus de cette politique inhumaine menée en notre nom par l’Etat Français.

Rendez-vous Vendredi 29 août 2008 à 9h30 devant le Tribunal de Grande Instance, 67 rue Servient, Lyon 3e (Métro B arrêt « place Guichard », Tramway T1 arrêt « Palais de Justice »).

Réseau Universités Sans Frontières de Lyon (RUSF69), Réseau Universités Sans Frontières de Paris 8 (RUSF Paris 8), Réseau Education Sans Frontières de Lyon (RESF69)

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  • Le 3 septembre 2008 à 10:11

    L’adresse de la pétition a changé : http://www.educationsansfrontieres.org/?article15097

  • Le 31 août 2008 à 17:57

    Le juge a prolongé le placement en rétention pour 15 jours. Entre-temps, la préfecture a émis une demande de laissez-passer auprès du consulat du Cameroun. Si le consulat délivre ce document, Jean peut être expulsé sous 24h vers un pays qu’il ne connaît plus et où il n’a plus aucun lien. Ses ami-e-s et sa famille ont lancé une pétition : http://www.educationsansfrontieres.org/?article15112

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