Compte-rendu du procès des déboulonneurs lyonnais du 2 mai 07

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Bonjour !

Voici un compte-rendu du procès du 2 mai. Pour faire bref : le système publicitaire a passé un sale quart d’heure. Mais contre les barbouilleurs, le procureur a requis 800 euros d’amende (assortie éventuellement de sursis). Il faudra attendre le 16 mai pour avoir le jugement.

Nous tenons à remercier très chaleureusement les deux témoins qui sont venus à la barre, Claude GOT et Hélène BLANCHARD sans qui l’audience n’aurait pas été aussi profonde et vibrante. Un grand merci aux amis et aux sympathisants qui étaient là en vrai, et à ceux qui étaient là de coeur. Merci aux nombreuses personnes de toute la France qui nous ont apporté leur soutien moral et financier.

Nous préparons déjà notre second procès qui se tiendra le lundi 4 juin à 14h, cette fois au Tribunal correctionnel (67 rue Servient, Lyon 3è). Cette fois, trois barbouilleurs vont s’expliquer devant la justice suite à des actions de barbouillage. Le flamboyant François Roux assurera là encore notre défense. Il sera aussi à Rouen le 11 mai pour défendre les barbouilleurs. D’autres procès sont attendus, à Lille, à Paris, etc. Cette campagne de désobéissance civile prend de l’ampleur ! Selon l’association Paysages de France, qui milite légalement contre la pollution publicitaire, ça fait bouger les choses. La pression monte.

Barbouillons le tyran !

Les Déboulonneurs lyonnais

adresse postale : 187 montée de Choulans, 69005 LYON

contact : deboulonneurslyon AT no-log.org

site : www.deboulonneurs.org

COMPTE-RENDU DU PROCES DE 2 BARBOUILLEURS LYONNAIS LEMAI 07 AU TRIBUNAL DE POLICE

Mercredi 2 mai.

9 h 00. Tribunal de police de Lyon. Portique de sécurité, fouille. Chambre n°8 : moderne, des bancs de bois clair, un éclairage ajusté. La salle s’emplit. Elle est bientôt comble. De nombreux amis et sympathisants. Un élu régional. Des journalistes.

Bertille et Raphaël sont convoqués devant le tribunal après avoir barbouillé un panneau publicitaire JCDecaux, à Lyon, en janvier 2007, en inscrivant à la bombe "consomme, pollue". Ces militants du collectif des Déboulonneurs de Lyon prétendent convaincre la cour que leur geste est relève de la désobéissance civile pour protester contre le diktat de la publicité. La Cour l’entendra-t-elle de cette oreille ?

9 h 20
La Cour entre. On se lève. Le président est une présidente. Elle vérifie l’état civil des prévenus. JC Decaux, plaignant, n’est pas représenté.

La présidente s’inquiète que deux témoins, absents lors des faits, soient cités. Flottement. La présidente rappelle : "Le tribunal n’est pas une tribune ". Maître Roux intervient : "Madame la Président, c’est à vous que les personnes citées devant le tribunal s’adressent aujourd’hui, et à personne d’autre". Elle accepte d’entendre les entendre.

Premier témoin : Hélène Blanchard, ingénieur d’études, adjointe à la mairie de Caluire-et-Cuire et vice-Présidente de la Région Rhône-Alpes chargée de l’Environnement. A la demande de la Présidente, ellle lève la main droite et dit "je le jure". Non, elle n’a pas assisté aux faits, mais a réalisé à Caluire en 1995 et 2001 deux enquêtes sur l’affichage illégal, et constaté en tant qu’élue la difficulté de faire valoir le respect de la loi de 1979. Le maire a été saisi pour tenter d’interdire les panneaux illégaux. Mais "en tant que politique, on rencontre des difficultés pour faire respecter la loi". Entre les deux études, le nombre des infractions s’est même multiplié.

La Présidente : Le panneau barbouillé était-il légal ou illégal ?

- Je suis pas à même de répondre à cette question. La seconde chose que je tiens à dire, c’est la contradiction entre la mission éducative de l’élu et les messages de la publicité. L’éducation nationale tente de faire passer des messages éducatifs de responsabilisation par rapport à l’environnement, mais la publicité promeut des messages nuisibles sans contrôle. En outre, l’affichage dégrade le paysage.

- Merci, Madame. J’appelle le second témoin.

Claude Got est médecin, professeur honoraire de la Faculté de Médecine de Paris-Ouest, il est spécialiste de la sécurité routière et de traumatologie. Le Pr. Got fut associé sous dix ministres de la santé au travail législatif dans le domaine de la prévention et de la santé publique. Il a rédigé notamment un rapport sur la santé publique en 1989 qui a fondé un ensemble de mesures de santé publique dont la loi Evin (janvier 1991).

"Je viens porter témoignage d’une situation de blocage. Mme Weil, sous l’autorité de laquelle j’ai travaillé, introduisit dans la réformes de la publicité pour le tabac la distinction entre l’information que l’on cherche (dans les magazines, etc.) et celle qui s’impose (dans l’espace public). La Cour européenne des Droits de l’homme jugea à propos de la publicité sur l’alcool que toutes les publicités d’imposition devaient être interdites. Il a fallu 8 ans pour obtenir l’adaptation de la loi. Dans ce cadre, Claude Evin avait demandé aux médecins un rapport de santé : 45 000 morts prématurées étaient attribuables à l’alcool, et 60 000 pour le tabac.

"Et puis on a vu se développer les publicités pour les voitures sportives ou tout terrain, en contradiction avec le code de la route qui impose que "tous les véhiculent doivent assurer la sécurité des passagers."Alors comment peut-t-on tolérer des publicités pour des engins pouvant rouler à 200 km/heure ? De telles publicités incitent à la transgression du code de la route. Quand le conseil d’Etat a été alerté au sujet de ces pubs en contradiction avec la loi, cela n’a rien donné. Les publicités pour les 4x4 vantent des engins qui consomment 22 litres au 100km en ville, c’est absurde. On incite à la pollution."

"La mondialisation de l’économie, la paralysie du politique, la peur de faire de l’ombre à des ventes, tout cela détermine une situation de blocage."

"La sophistication des méthodes publicitaires, le neuromarketing, par l’imagerie cérébrale, étudient des techniques de conditionnement manipulatoire identiques dans leurs méthodes à la propagande. Cela crée une discrimination sociale majeure : la société s’inquiète de la désocialisation et du surendettement et autorise que l’on déverse en permanence un conditionnement manipulatoire. "

"Le développement publicitaire massif pour des aliments malsains qui constitue un problème majeur de santé publique. Avec l’obésité, nous savons parfaitement que nous faisons face à l’un problèmes sanitaires les plus graves des prochaines années. Or, on fait de la pub pour des produits qui provoquent cette épidémie ! Mais le législateur n’ose plus agir. Il a opportunément interdit la publicité politique, pour éviter les dérives. Mais la puissance publique faillit à encadrer les mêmes dérives dans la séduction marchande. La publicité contrecarre le libre développement de la personnalité. Cette logique marchande va à l’encontre de la liberté du développement de l’esprit."

- Je vous remercie. La présidente interroge ensuite les deux prévenus : "Ce barbouillage a été fait car vous avez eu accès à une information, ou parce que vous faites partie des organisateurs ? L’information, sur le site Rebellyon, c’était votre initiative ?"

"Oui. Nous faisons partie du collectif des Déboulonneurs "précise Bertille.

Quelles étaient vos motivations au fond ? "

"Au fond notre objectif est la loi, qu’on la change et qu’on l’applique "

Votre action avait-elle un rapport avec le contenu de l’affiche ? "

"Je crois que c’était une publicité pour un organisme d’incitation au surendettement, Cofinoga, et l’autre pour une marque automobile, mais ce n’est pas l’important. "

"Les mots ("consomme, pollue") ont-ils une signification particulière ? Est-ce en relation avec ce qu’a dit M. Got ? "

"C’est en lien avec ce qu’a dit C. Got. L’idée était d’exprimer le message de la pub, qui est « consomme », « pollue » : car c’est ça qu’elle nous pousse à faire !

- L’avez vous taguée seule, ou vous êtes-vous partagé la tâche ? "

"C’est un acte partagé ", intervient Raphaël

"Ce n’est pas un tag, Madame la Présidente, mais un barbouillage, corrige Bertille. Un tag n’a pas de message politique, un barbouillage oui. A la différence du tag, le barbouillage n’est pas un acte caché. Nous étions un groupe de trente personnes, bien visible. Et depuis nous avons participé à d’autres opérations légales contre la publicité. "

- Allez-vous au-delà du groupe toucher de gens sur votre démarche ? "

"Oui. Il y a eu des réactions de toutes natures. Des passants d’accord, des curieux, d’autres pas..."

- Avez-vous entrepris des démarches en direction des décideurs : des mairies, des responsables de l’environnement ?"

"Absolument ", réagit Raphaël. "Nous avons averti les élus locaux. La publicité prend le contrôle de l’espace public. 30 à 40 % des panneaux sont illégaux. Il y a une situation d’urgence. Nous avons obtenu des réponses d’élus, souhaitant créer un débat, faire progresser la loi, limiter l’affichage."On leur a fait part de notre proposition, qui est réaliste : réduire l’affichage à une taille limite de 50x70cm, pour ne pas recevoir le message à notre insu. Cette proposition permettrait de protéger les citoyens.

La Présidente : "Le Directeur technique de la société Decaux indique qu’il a constaté une dégradation pour un coût de nettoyage qu’il estime entre 400 et 500 Euros. Aviez-vous conscience qu’il y aurait un coût ?"

Bertille : "Oui "

Monsieur le Procureur ?, invite la Présidente.

- Juste une précision rapide. Votre démarche est générale sur la place de la publicité. Pourquoi avez-vous choisi ce panneau là ?, demande-t-il.

- C’était un panneau de grande taille, dans un lieu passant, avec de la place pour discuter avec les gens.

- Aviez-vous conscience de commettre une infraction ?

- Tout à fait, c’est un acte de désobéissance civile."

- Juge (rieuse) : "En fait, vous-même avez fait de la publicité sur de votre action ? "

- Non, nous avons fait de l’information. J’insiste sur la différence, ce n’est pas du matraquage publicitaire avec des panneaux 4x3m

Me Roux, défenseur des prévenus, demande que les prévenus s’expriment : "Pourquoi vous êtes-vous engagé dans cet acte ? "

- A l’école, répond Raphaël, on apprend la sociabilité, à se poser des questions, la sensibilité aux nuances. J’ai aimé cet aspect de l’école. Mais j’ai aussi fait l’expérience de l’exclusion et de la stigmatisation par les marques de vêtements. C’est une exclusion injuste. Ensuite, ça se transforme en dépendance aux MP3, à l’informatique, à la voiture mieux, plus belle. On se rend compte alors que la résistance à la pub touche un modèle beaucoup plus général de consommation. Mon engagement a résulté d’une rencontre à Paris dans le métro avec des anti-publicitaires alors que je faisais des études de gestion sur les méthodes d’endoctrinement publicitaire de masse notamment. La publicité pousse au déclenchement irréfléchi de l’acte. Je veux que la loi reconnaisse les préjudices que la publicité peut causer. Je crois que profondément ma démarche provient de ma confiance dans la loi.

Me Roux réitère sa question auprès de Bertille : "Et vous, Madame ? "

- Je suis militante écologiste. J’ai travaillé dans le développement du vélo comme mode de transport non-polluant. Aujourd’hui, la communauté scientifique nous enjoint de changer nos comportements rapidement. Le GIEC a démontré le lien entre les activités humaines comme le transport, et la dégradation de l’environnement. Or les citoyens ne changent pas leurs comportements nocifs en raison de la propagande totalitaire de la publicité. L’action des associations écologiques est inefficace en raison de la faiblesse de leur part de voix sous la pression publicitaire. En 2006, des milliards d’euros on été dépensés en publicité, et Renault est le premier annonceur en affichage extérieur. C’est une colonisation des cerveaux. Il faut recourir à la désobéissance civile, car toutes les autres actions, telles que celles menées par Paysages de France depuis des années, les 18 condamnations obtenues contre l’Etat pour ne pas avoir fait appliquer la loi, malgré tout cela, on n’arrive à rien. Pétitions, manifestations, questions à l’assemblée nationale, les prises de position avec les ministres n’aboutissent pas. Désormais, seule l’action illicite a des chances de porter des fruits. On réclame votre aide ! Nous sommes victimes de cet affichage, et on se bat contre un géant, on peut pas faire autre chose que de la désobéissance civile ! C’est donc en dernier recours que nous nous présentons à vous.

La présidente conclut l’interrogatoire et invite alors le Procureur à parler pour le ministère public.

- Je ne me situerai pas, bien évidemment, sur le terrain sur lequel les inculpés souhaitent entraîner la Cour. Il faut situer les deux prévenus. Ils ont transgressé la loi en commettant un acte en pleine conscience de son illégalité. Les prévenus expliquent leur passage à l’acte par l’impossibilité de convaincre par les voix légales, normales, banales. Mais, sans faire d’amalgame, personne ne peut contester que le terrorisme d’Action Directe avait le même argument ! Ce discours est inacceptable dans une société où la justice privée est intolérable. On a parlé de difficultés à faire respecter la loi. Mais ce n’est pas du tout le problème ! Il s’agit d’une dégradation légère : le débat doit se limiter à ça, rien ne peut justifier un acte infractionnel, même pas la philosophie, la sociologie ... on est dans une salle d’audience, non dans un café philo ! Il s’agit du respect de la loi, et cet acte est inacceptable. Le conseil des prévenus, dans les conclusions qu’il a remis au tribunal, sollicite une dispense de peine. Je ne suis pas d’accord, car si effectivement les conditions d’une dispense de peine sont remplies, au niveau symbolique il faut que le tribunal condamne par une amende, éventuellement assortie d’un sursis, cette infraction. Je demande que chacun ait une amende de 800 euros.

La Présidente : Si vous avez fini, la parole est à la défense

- Voilà une discussion intéressante. Je remercie nos deux témoins… c’est très important d’avoir une élue pour nous parler de l’impuissance des politiques, d’entendre C. Got parler du drame de la route, de l’obésité, tous vantés par la publicité. Et c’est la deuxième fois que j’entends un parquet dire ouvertement : "nous sommes dans les conditions légales de la dispense de peine".

Il faut aller plus loin : je demande la relaxe. Les magistrats ont le pouvoir de donner une réponse juste. Si les politiques n’ont plus les moyens d’agir, le pouvoir judiciaire a son mot à dire dans ce qui apparaît comme un désastre. On est dans une situation de blocage, par des intérêts financiers qui nous dépassent. "Qu’y pouvons-nous, nous ? ", demandent les citoyens. Vous, Madame la Présidente du Tribunal de police de Lyon, vous, magistrats, vous pouvez faire quelque chose. Oui, la situation est grave, pour vous, pour nous, pour nos enfants.

Tenez. Que dit le jugement du Tribunal de Grande Instance relaxant Charlie Hebdo pour des caricatures ? "Charlie Hebdo est une revue satyrique que nul n’est tenu d’acheter, à la différence d’une affiche exposée sur la voie publique."C’est là. L’affiche est une agression : impossible d’y échapper !

L’auto-publicité d’une agence d’affichage urbain (Insert-Communication) proclame : "Celui qui tient la rue tient l’opinion !"Une autre promet "une efficacité maximum par la sur-représentation des cibles". Nous sommes devenus des cibles, surtout les jeunes, les femmes. Patrick Le Lay a eu cette célèbre remarque, qui avait le mérite d’être loyale : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ’business’, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. [...] Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ».

C’est terrifiant ! Et on laisse faire ça ? Que vous ayez des citoyens, qui un jour se révoltent, qui disent, non comme action directe, on va utiliser l’action civile NON VIOLENTE pour interpeller les passants sur le problème, c’est une chose légitime ! Il y a de légitimes révoltes. Depuis Antigone, invoquant des lois de la conscience supérieure. Des révoltes civiques, dans l’esprit de Gandhi, non-violentes, en poussant à se faire interpeller, pour pouvoir se rendre auprès d’un tribunal trouver un interlocuteur, le Juge.

Monsieur le Procureur est dans son rôle en citant Action Directe. Mais si toute désobéissance civile est répréhensible, que dire du général de Gaulle condamné par les tribunaux français ? Et ces femmes et ces médecins pratiquant des avortements interdits, que Gisèle Halimi défendit dans un long combat, auprès de la justice ? En effet, c’est grâce aux tribunaux qui ont refusé de condamner ces actes que les lois sur l’IVG ont été votées par le Législateur. Il a fallu défendre longtemps les objecteurs de conscience avant que les tribunaux ne commencent à refuser de les réprimer, et qu’enfin change la loi. La loi a changé parce que les tribunaux avaient décidé de ne plus condamner. Le droit du travail s’est construit parce que des gens ont désobéi. La désobéissance civile est un moyen de créer du droit ! C’est dommage. Dommage que les hommes politiques n’agissent pas, notamment à cause du lobby du tabac, de l’alcool, de l’automobile… Les élus sont ficelés ! Mais vous, vous pouvez faire quelque chose ! Le professeur de droit Roger Perrot a dit : « L’ardeur combative du magistrat peut s’exercer dans le domaine qui lui est propre et qui est celui de l’interprétation. » Vous avez un pouvoir plus grand qu’on vous le dit.

Le principe de désobéissance civile ne doit pas nous effaroucher. Des textes nous permettent d’aller plus loin que la dispense de peine. Le code pénal reconnaît le « devoir de désobéissance » (après Nuremberg, cela est apparu comme indispensable) pour les militaires : la désobéissance est inscrite dans notre droit ! Elle est rappelée par la cours d’Appel de paris sur les écoutes de l’Elysée : on doit désobéir même au Président de la République s’il nous donne un ordre illégal. Et puis il y a l’état de nécessité, l’état de danger actuel au sens de l’article 122-7 du Code Pénal : "N’est pas responsable la personne qui face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace."Or, il y a danger ! L’article 211-15 du Code rural dit même : "Celui dont les volailles passent sur les propriétés voisines et y causent des dommages, est tenu de réparer ces dommages. Celui qui les a soufferts peut même tuer les volailles !".

Je plaide aussi pour le mouvement des faucheurs volontaires, grâce à qui aujourd’hui nous et nos enfants ne mangeons pas d’OGM : je disais au parquet : « comment ? Vous les condamnez, eux, et pas les multinationales ? » Au tribunal correctionnel d’Orléans et de Versailles, ils ont été relaxés, car nous sommes en situation de danger et ces personnes ont répondu à un état de nécessité par un moyen adapté, proportionnel au danger. On tue les volailles, on poursuit les petits, mais on n’a pas le droit de lutter contre la publicité qui envahit votre espace et cause de graves problèmes de santé publique.

L’état de nécessité a été inscrit dans le code pénal par les magistrats eux-mêmes, en 1956, sensibles au combat de l’abbé Pierre. On ne pouvait pas chasser des miséreux installés dans des cabanes illégales. Au nom de l’état de nécessité, les tribunaux ont constaté qu’ils ne pouvaient pas réprimer. Les magistrats ont du pouvoir. Montesquieu l’entendait ainsi. Exercez ce pouvoir ! Même si ce n’est qu’une audience du tribunal de police, c’est un petit grain de sable qui pourrait gripper une grosse machine ! La situation dénoncée aujourd’hui est grave. On ne pourra pas dire « on ne savait pas ». Les barbouilleurs ont fait un acte symbolique, tout petit, et pourtant...

Je vous recommande, Madame la Présidente, avant de prononcer votre jugement, d’aller au cinéma voir "Le marché de la faim"(1). Un documentaire éclairant et poignant sur les multinationales qui organisent, aujourd’hui même, les marchés de la faim. Les multinationales organisent la faim.

Pour terminer, je voudrais vous citer un texte. « Nous sommes face à un véritable conflit entre les multinationales et les Etats. Ceux-ci ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales, politiques, économiques et militaires à cause de multinationales qui ne dépendent d’aucun Etat. Elles opèrent sans assumer leurs responsabilités et ne sont contrôlées par aucun parlement ni par aucune instance représentative de l’intérêt général. En un mot, c’est la structure politique du monde qui est ébranlée. Les grandes entreprises multinationales nuisent aux intérêts des pays en voie de développement. Leurs activités asservissantes et incontrôlées nuisent aussi aux pays industrialisés où elles s’installent ». Ces mots, ce sont ceux de Salvador Allende, prononcés devant l’ONU en décembre 1972, un an avant sa mort pendant le coup d’Etat.

Madame la Présidente, vous pouvez, aujourd’hui, faire avancer le droit et la justice.

- Je vous remercie", reprend la Présidente. Les prévenus ont-ils d’autres choses à ajouter ?"

Bertille : "Eh bien... oui. Je voudrais expliquer les circonstances dans lesquelles j’ai décidé de barbouiller. J’étais sur le périphérique de Paris. Nous traversions à pied sur un passerelle avec un groupe d’amis. Dessous, il y avait des milliers de voitures arrêtées dans les bouchons. Et tout autour, on voyait une trentaine de panneaux défilant des publicités en même temps pour des voitures. Ca a été la concrétisation d’un ressenti encore flou. Quelle absurdité de délivrer ces messages qui rendent les gens prisonniers !"

Raphaël : "En tant que musicien amateur, quand nous souhaitons informer de nos concerts, nous constatons la disproportion entre la publicité commerciale et l’infomation associative. Nous sommes écrasés par la publicité, il nous est impossible de communiquer. On ne peut tolérer qu’au nom de l’argent, dans l’espace public, certains puissent conditionner tandis que d’autres tentent de communiquer. C’est une question d’équité et d’égalité qui rejoint de grands idéaux de la République."

"Bien. Le jugement est mis en délibéré au 16 mai."

10 h 25, peut-être. La chambre n° 8 se vide. Ne restent plus que quelques autres prévenus, un peu abasourdis. L’un d’eux, qui attend son avocat, glisse : c’était bien, ce procès.

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  • Le 5 mai 2007 à 21:14

    Excellent ce compte-rendu
    ça donne plein de cartouches pour les déboulonneurs qui s’ignorent, ceux qui hésitent, et ceux qui sont déjà passés à l’acte.

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