Nos élus et la souveraineté alimentaire.

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Voici un passage tiré du livre Emile écrit par Jean-Jacques Rousseau il y a plus de 200 ans. J.J Rousseau amène son élève (imaginaire) Emile manger dans un repas fastueux :

« Nous allons dîner dans une maison opulente ; nous trouvons les apprêts d’un festin, beaucoup de monde, beaucoup de laquais, beaucoup de plats, un service élégant et fin ; tout cet appareil de plaisir et de fête a quelque chose d’enivrant qui porte à la tête quand on n’y est pas accoutumé. Je pressens l’effet de tout cela sur mon jeune élève.

Tandis que le repas se prolonge, tandis que les services se succèdent, tandis qu’autour de la table règnent mille propos bruyants je m’approche de son oreille et lui dis : par combien de mains estimeriez vous bien qu’ait passé tout ce que vous voyez sur cette table, avant que d’y arriver ?

Quelle foule d’idées j’éveille dans son cerveau par ce peu de mots ! A l’instant voilà toutes les vapeurs du délire abattues. il rêve, il réfléchit, il calcule, il s’inquiète. Tandis que les philosophes égayés par le vin, peut-être par leurs voisines, radotent et font les enfants, le voilà lui philosophant tout seul dans son coin ; il m’interroge, je refuse de répondre, je le renvoie à un autre temps ; il s’impatiente, il oublie de manger et de boire, il brûle d’être hors de table pour m’entretenir à son aise. Quel objet pour sa curiosité ! Quel texte pour son instruction !

Avec un jugement simple que rien n’a pu corrompre, que pensera-t-il du luxe quand il trouvera que toutes les régions du monde ont été mises à contribution, que vingt millions de mains, peut-être, ont longtemps travaillé, qu’il en a coûté la vie, peut-être, à des milliers d’hommes, et tout cela pour lui présenter en pompe à midi ce qu’il va déposer le soir dans sa garde-robe [1] ? »

Commentaires :

*Dans la suite du livre, J.J Rousseau explique à son élève qu’ils auraient pu tout aussi bien manger à la table d’une famille de cultivateur, se nourrir de façon saine, prendre du plaisir, en toute simplicité, sans qu’aucune personne ne soit réduite à l’état d’esclave.

*En évoquant "toutes les régions du monde qui ont été mises à contribution" pour produire la nourriture servit lors du banquet, J.J Rousseau met le doigt sur ce que nous appelons aujourd’hui les méfaits de la mondialisation des échanges et son corollaire : La souveraineté alimentaire. En effet, si des produits de l’autre bout du monde se retrouvent dans notre assiette c’est qu’ils n’ont pas servi à nourrir les populations locales ! Par exemple, si nous pouvons manger de la viande à bas prix à tous les repas, c’est parce-que les céréales qui ont servit à nourrir nos bêtes ont été volées aux paysans du tiers monde !(Il ne s’agit pas de condamner le commerce mais de le réguler afin de limiter l’impact négatif qu’il peut avoir sur les populations.)

*Nos élus, ne font jamais référence à aucun philosophe du « siècle des lumières », il y aurait pourtant beaucoup d’enseignement à en tirer. De plus, alors que depuis plus de soixante ans leur politique ne mène qu’à la destruction de l’emploi, (les petits cultivateurs ont été exterminés économiquement et culturellement, l’exode rural de ces derniers a entrainé la fermeture des petits commerces de village, les usines ont fermé les une après les autres laissant les familles dans la souffrance), ils ont le culot de nous bassiner avec leur « valeur travail » !


Notes :

[1] Ce mot désignait sans doute les toilettes


P.-S.

Publié sur le site de l’Association pour la reconnaissance de la souffrance des familles paysannes. http://arsfp.blogspot.com/

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  • Le 25 mars 2008 à 14:18, par totof

    salut,
    C’est vrai que la lucidité de Rousseau est étonnante ! Finalement, ça montre que tout était déjà là à son époque.

    Mais honnêtement, si tu attends quoi que ce soit des « élus », bon courage.

    Et puis les philosophes des Lumières étaient, en gros, des platoniciens et donc avaient en tête d’en finir avec les sociétés traditionnelles pour instaurer la modernité avec cette merde qu’on appelle « république », c’est-à-dire le régime qui préfigure le totalitarisme. Ils ont toujours été aux ordres des puissants.

    En ce qui concerne les philosophes, qui ont été la plupart du temps des collabo, jette un oeil aux grecs et tu verras que ce qu’on nomme maintenant par ignorance des « élus » sont en fait des « oligarques » puisqu’ils sont des représentants élus. Il n’y a rien a attendre de ces mecs qui ne parviennent à leurs postes que parce que le système électoral, conformément à ce qu’il a toujours fait, met des conformistes à la tête des peuples.

    Enfin si toi tu conseilles Rousseau, moi, je conseillerais plutôt Theodor W. Adorno. Il arrive plus tard mais du coup, il peut prendre en compte les expériences totalitaires dans sa pensée. De toute façon, on s’en fout que les oligarques lisent quoi que ce soit : leur pratique restera toujours la même. Ils ne sont que les rouages d’un système.

    ciao

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