Lorsque j’arrive sur place sur les coups de 14h10 avec quelques camarades, les manifestants sont déjà rassemblés vers les bouches de métro, et quelques slogans « Israël assassin » se font entendre. Mais je suis surpris de voir que le S.O.(service d’ordre), en gilets jaunes, encadre de façon très visible la manifestation et la maintient dans un périmètre délimité par une bande de ruban de signalisation déployé autour du cortège. Pas vraiment ma conception d’une manifestation, mais bon...
Je dois donc passer sous ce ruban pour rejoindre la manifestation : un membre du S.O. m’arrête, me demande ce qui est inscrit sur le drapeau que je tiens à la main. Je lui réponds qu’il ne s’agit que d’un drapeau noir (quelle meilleure occasion que le conflit israëlo-palestinien pour afficher sa défiance vis-à-vis des religions et des nationalismes) sans pour autant lui expliquer le détail de la signification de ce drapeau.
Quelques mètres plus loin je retrouve des camarades et nous discutons de la manifestation, un peu désorientés du fait que seuls des drapeaux palestiniens y flottent au milieu des photos de martyrs palestiniens et de symboles religieux. Pour tout dire on se sent un peu mal à l’aise. Le mégaphone de tête fait des appels : « Personne de masqué dans la manifestation ; ne lancez pas de slogan antisémite ou communautaire ». Nous sommes choqués par cette déclaration, on dirait un cortège facho qui conseille à ses manifestants de rester présentables devant les caméras. Comme si les organisateurs craignaient ce genre de slogans de la part des manifestants, ce n’est pourtant pas le genre de ceux qui suivent la plupart du temps les appels du Collectif 69 de Soutien à la Palestine, par lequel nous avions eu vent de cette manifestation.
Je continue de parcourir la manifestation lorsqu’un autre membre du service d’ordre, sans gilet cette fois mais un talkie à la main, m’arrête. Il m’intime l’ordre de baisser mon foulard que je portais sur le bas du visage en raison du froid, et me dit que je ne dois pas être cagoulé. Je lui explique que je ne le suis qu’en raison du froid mais rien n’y fait. Il s’avise alors du drapeau que je porte à la main et m’ordonne de le ranger « pas de révolutionnaire anarchiste dans la manifestation, seul le drapeau palestinien y est autorisé ». Je m’offusque, lui explique brièvement que je suis moi aussi scandalisé par ce qui se passe à Gaza et que je dois pouvoir manifester sans le faire sous un drapeau nationaliste. Il s’énerve, exhibe la matraque téléscopique qui sort de sa poche et me laisse comprendre que si je reste dans la manifestation avec mes camarades ça finira mal. N’étant pas spécialement venu pour m’embrouiller je ne cherche pas plus loin, lui laisse entendre que j’irai en fin de cortège, ce qu’il n’accepte pas non plus. Je laisse tomber et vais voir d’autres camarades vus plus loin.
Un petit groupe de lycéens portant eux aussi des drapeaux noirs se font accoster de façon similaire et subissent sensiblement le même discours. Les autres organisations présentes dans la manifestation (LO, UJFP, PCF, etc) ont eux aussi reçu l’ordre de ranger leurs drapeaux pour rester dans la manifestation, ce qu’ils ont fait sans rechigner. Une lycéenne portant un drapeau « peace » reçoit le même ordre et se voit obliger de ranger son drapeau.
A la réflexion cette manifestation m’écœure de plus en plus, le S.O. se fait autoritaire pour faire rentrer les manifestants dans la zone balisée et le mégaphone ordonne de se mettre entre les deux rangs du S.O., si possible 15 par rangs, on se croirait dans un défilé militaire... Je ne m’attendais pas spécialement à entendre critiquer le Hamas et le Hezbollah que je suis très loin de porter dans mon cœur mais quand le mégaphone se met à faire l’apologie de Nasrallah, leader du Hezbollah depuis 1992, et encenser le Hamas. Je sens que je n’ai vraiment rien à faire dans cette manifestation.
Je partage mes impressions avec quelques camarades en fin de manifestation, la plupart sont dégoûtés. Je croise le camarade avec lequel j’avais mis l’appel en une de Rebellyon la veille, il est aussi blasé que moi. On remarque au passage que le deuxième appel à avoir circulé, celui appelant à 14h30, faisait lui aussi référence au Hezbollah. On se demande pendant quelques temps si le Collectif 69 et les autres orgas à l’initiative de la manifestation ne se sont pas fait débordés par des organisations religieuses ce qui expliquerait le ton de la manifestation. L’ambiance n’avait vraiment rien à voir avec les rassemblements de 17h00 de ces derniers jours dont l’ambiance restait pourtant bon enfant. Dommage.
Plus loin les quelques camarades à avoir poursuivi avec des drapeaux noirs se font virer de la manifestation, un petit groupe menaçant les empêchant de poursuivre. Visiblement les autres orgas présentes (PCF, LCR, etc) ont elles aussi fini par quitter les lieux...
Tout le monde se casse avec l’impression d’avoir assisté à une manifestation fasciste, juste dégoûté... La cause palestinienne méritait mieux que ça. Sans compter que de nombreux manifestants n’étaient vraiment pas venus pour une manifestation de ce type.
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