A noter que : « Le printemps s’annonce chargé, puisque le 3 mai se rassemble la Banque Centrale Européenne à Barcelone. Le 12 mai se tient la manifestation unitaire du 15M, avec certainement des nouvelles occupations d’espace public sur tout le territoire espagnol. Et enfin, le 15 mai, une journée mondiale d’action internationale contre le système financier est appelée par une coordination d’activistes des 15M espagnol, de Occupy Wall Street ou San Fransisco, de participant-e-s aux révoltes de Tahrir, de secteurs en lutte d’Amérique du Sud, etc. » A ce sujet voir http://nantes.indymedia.org/article/25423 (également pour une description plus factuelle de ce qu’il s’est passé jeudi dernier à Barcelone).
Cela ne fait que commencer. Barcelone 29 M 2012
Nous ne pouvons faire autrement. Nous ne voulons pas faire autrement. Nous souscrivons à tout ce qu’il s’est passé à Barcelone durant la journée du 29 mars. Nous avons fait la grève à la normalité, la grève à l’obéissance, la grève à l’impuissance.
« Regarde ta Rolex : l’heure de la révolte a sonné »
Notre violence n’a pas été aveugle, elle a été tactique et concentrée : blocage de la circulation, destruction de banques, sièges de multinationales et de grandes entreprises, attaques contre la police en réponse à ses attaques.
Barcelone a commencé à nouveau à brûler ce jour là. Ou, pour mieux le dire, ce jour là a permis de mettre au jour une force qui, depuis quelques années, a pris de la consistance. Les comités de quartiers et populaires, nous, avons démontrés une capacité de réponse, une rapidité et une coordination que nous n’avions pas quelques années auparavant. Des constellations de confiance, des nuages de groupes, nous nous sommes ancrés à une force de gravité qui a fait basculer Barcelone du côté du feu.
Nous avons mené la bataille durant une journée entière, de manière décentralisée et en même temps, concentrée. Maintenant nous avons des blessés, des prisonniers et et des accusés. Ils et elles sont des nôtres. Et défendre les nôtres signifie défendre les formes de vies que nous sommes en train d’élaborer depuis la base, avec les pratiques que nous réinventons a partir de ce que nous avons hérité de meilleur de l’histoire des luttes : les coopératives, les occupations, les assemblées locales, les réseaux d’appui mutuel, les maisons de quartier, les ateliers communautaires.
« Un reproche fait à la grève est de n’exister que négativement --- de ne rien proposer en lieu et place de ce qu’elle dénonce. Toutefois, ce pourrait être que l’incapacité à laquelle elle est confrontée, dans ce moment qui débute, d’avoir à dire ce que l’on veut, ne soit pas un défaut de cette grève --- qu’au contraire cette incapacité lui est essentielle et qu’il lui est indispensable de la défendre.
Il est nécessaire que la grève ait le courage, apprenne à avoir le courage de dire : « Rien ». Il est nécessaire qu’elle soit capable de pouvoir dire « Nous ne proposons rien. Nous n’avons pas de plan. Nous ne proposerons rien sinon en mettant en œuvre ». Il est nécessaire que la grève ait l’audace, l’arrogance de dire : « Rien », « nous ne proposons rien » ; « Mais attendez-voir, nous allons faire. Vous y verrez plus clair, vous allez voir ça. »
Toute bonne lutte est de longue haleine. Le feu et les armes offensives sont fondamentales, aussi fondamentales que de savoir lorsqu’il ne faut pas s’en servir. Aussi fondamentales qu’une force matérielle commune, des moyens et des savoirs partagés. Des moyens matériels avec lesquels poursuivre nos vies et la lutte. Parce que nos vies sont de tendresse et de combat, indissolublement. Parce que l’ordinaire de l’expérience est inséparable de la pensée et du spirituel : l’audace, l’amitié, l’humour, la tempérance, le partage, apparaissent ou disparaissent selon la tournure que prennent les évènements.
Nous ne sommes pas fascinés par le feu. Nous utilisons le feu au moment décisif.
Nous ne sommes pas fascinés par les moyens (l’argent, les espaces, les machines, les savoirs) que nous rencontrons . Nous utilisons des moyens, nous les partageons. Nous réapprenons à les partager et à les défendre.
Nous ne sommes pas fascinés par la théorie, la théorie est infinie, comme le démontre l’Académie mort-vivante. Nous ne sommes pas fascinés par les récits, nous les mettons entre parenthèse quand nous nous trouvons dans l’action, sur le territoire. Cela dit, comme l’a dit un de ceux qui ont le mieux pensé la guerre-politique, la force principale dans n’importe quelle stratégie, c’est la force spirituelle. Il n’y a pas de pire ennemi pour une voie stratégique que la confusion et le doute. Nous sommes passés du dire au faire, et ce qui a été réalisé, il va falloir le tenir dans le temps.
Notre lutte va bien plus loin que le feu, mais elle le contient. L’heure de vérité a sonné.
« Seule l’action est irréversible, c’est pourquoi le pouvoir la craint tant »
De quels moyens sommes nous en train de nous doter ? Nous avons besoin de machines, d’espaces, savoir nous soigner et nous alimenter autrement, nous avons aussi besoin d’argent pour en finir avec le Capitalisme. Nous devons nous renforcer partout, dans chaque localité. Qu’est ce que l’on partage avec les habitants de notre territoire de proximité et comment ? Nous devons expliciter et partager les meilleures formes pratiques de solidarités locales entre habitants. Avons nous célébré dans le quartier le succès de la grève métropolitaine naissante ? Nous avons besoin de nos fêtes et de nos banquets pour affirmer l’éthique-politique de la puissance commune. Parce que nous luttons contre la séparation imposée entre les vies, et au dedans de chaque vie, dans les infinies facettes gouvernées par la marchandise, l’argent, et toute la panoplie de dispositifs et appareils de gouvernement, dispersés sur le territoire, et présent à chaque moment de nos vies.
« Lorsque toute la ville est en feu ce n’est pas le moment de tenter de récupérer le bois, il est temps d’inventer de nouvelles formes. »
E. Jünger, Sur la douleur.
La Métropole est vulnérable, dans sa complexité et ses automatismes même. Elle est parcourue d’enclaves indéfendables, précisément ces appareils de gouvernement publics et privés qui nous rendent la vie impossible. Les insurrections arabes ont su s’en rendre compte au printemps dernier.
Le territoire métropolitain, tramé à partir de la circulation infinie des services, des objets, de l’énergie, de l’information, est en même temps plein de goulots de bouteilles facilement blocables. Le sabotage est l’art qui nous le permet. Le blocage de la métropole, le blocage de l’économie ne peuvent seulement rester temporaires, parce que c’est cette même complexité et circulation infinie qui soutient nos vies. Comprendre cela, c’est comprendre le défi auquel s’affronte une insurrection à la hauteur de l’époque.
Le 29 M la métropole s’est donnée à voir ingouvernable, grâce à une tactique bien menée.
« Ce qu’il y a de surprenant, ce n’est pas que les gens volent, ou que d’autres fassent la grève, mais bien plutôt que ceux qui ont faims ne volent pas tout le temps, et que les exploités ne fassent pas tout le temps la grève. »
Guattari/Deleuze, Mille plateaux.
« Nosotros ».
Barcelona 3 de Abril de 2012
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