vendredi 15 janvier 2010
Le 12e débat sur les nanotechnologies organisée par la Commission Nationale du Débat Public devait avoir lieu ce jeudi 14 janvier à Lyon. Encore une fois, il a été annulé par des opposants qui entendaient dénoncer une opération d’acceptabilité et refuser les nanotechnologies.
(Voir aussi la vidéo sonore et sous-titrée réalisée par la Télévision Paysanne : http://www.latelevisionpaysanne.fr/video.php?lirevideo=169#169 )
Le débat était organisé dans un amphi de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Une heure avant le début, la présence policière est déjà importante aux alentours. La CNDP s’attend à des débordements, et il s’agit d’impressionner les contestataires. Des flics en civil surveillent les bouches de Métro à proximité du débat, des camions de keufs tournent avec les girophares, les CRS ou gardes mobiles sont déjà en groupe, et casqués, et des groupes de BACeux sont prêts à intervenir.
A l’entrée du hall, on nous demande d’ouvrir nos sacs et nos vestes. Interdiction de rentrer nourriture et boisson. Sur une longue table, les documents de propagande de la CNDP sont en libre distribution. Avant d’entrée dans la salle, des hôtesses nous distribuent un questionnaire. Des vigiles sont disposés un peu partout, depuis les entrées, jusqu’à l’intérieur.
Dans la salle, ce qui choque d’abord, c’est le peu de personnes qui ont fait le déplacement pour une ville comme Lyon. Il y a là moins de 200 personnes ! Tout le monde est placé à l’avant de l’amphithéâtre, laissant plus de la moitié de la salle déserte. A croire que le boulot des opposants commence à payer, et que les gens ne veulent plus participer à cette mascarade. Cette semaine par exemple, l’association des Amis de la Terre, qui a participé à plusieurs pseudo-débats, a décidé de quitter cette opération, dénoncant un débat pipé, et qui n’a rien de public, et son instrumentalisation par la CNDP.
Des tracts sont distribués dans toute la salle par des opposants. Peu après 19h30, les experts installés à la tribune, Jean Bergougnoux, président de la CNDP Nanos s’avance pour ouvrir la réunion. En vain...
Comme à Grenoble et à Rennes, les applaudissements, huées, cris, coups de sifflet commencent immédiatement. Le bruit est impressionnant. Les slogans fusent, quelques chansons aussi, et beaucoup de projectiles : boules de papier, documents de la CNDP déchirés, avions...
Trois banderoles sont déployées à plusieurs endroits de la salle :
« Les nanos, c’est pas vert, c’est totalitaire. »
« Débat bidon, démocratie en toc »
« nanomonde = maxiservitude »
Deux de celles-ci sont déplacées jusque devant la tribune. Ce soir, les opposants lyonnais sont majoritaires puisqu’ils sont plus d’une centaine. Et de tous les âges. On remarque quelques mamies particulièrement dynamiques parmi les opposants. Bergougnoux tente de faire taire la salle. Une pluie de boules de papiers s’abat sur la tribune. Les opposants, non contents de perturber le débat, décident d’expulser la CNDP. « Cassez vous ! » « Le débat on s’en fout, on veut pas de nanos du tout » « Fermez Minatec et le CEA, après on débattra »...
Jean Bergougnoux annonce que le débat est annulé, et qu’il se poursuivra entre experts dans une petite salle, retransmis sur internet. Alors que les membres de la CNDP commence à se retirer, des opposants montent sur la tribune. La CNDP est expulsée. Les écriteaux avec le nom des intervenants jetés dans la salle, tandis que les techniciens débranchent les micros. Les contestataires s’installent sur les sièges des experts. Les banderoles sont déployées sur scène. Au pied de chaque siège, une bouteille d’eau pour les experts. Alors qu’on nous a refusé d’entrer avec le moindre liquide. Eh oui, parler ça donne soif, mais la CNDP sait que les citoyens ne sont pas censés parler dans ses débats, et n’ont donc pas besoin d’eau.
Les bouteilles de la tribune tournent dans la salle, pour rafraichir les manifestants. Les vigiles sont sur la tribune sans intervenir. Après un flottement, quelques opposants demandent l’attention de la salle. Le silence se fait, et une personne propose : « Maintenant que les experts ont été mis à la porte, nous pouvons organiser un vrai débat contre les nanotechnologies. » Alors qu’elle s’apprête à donner la parole à la salle, Jean-Pierre Chaussade, vice-président de la CNDP nanos, assisté de deux ou trois autres pingouins, s’empare d’un micro et revient sur le devant de la scène pour prévenir un tel sacrilège. Chaussade a peur qu’un véritable débat s’instaure dans la salle. Lui et la CDNP seraient complètement désavoués. Avec le micro au volume maximum, il tente de couvrir les huées. Il devient la cible des projectiles de papier. Les banderoles, qui couvrent toute la largeur de la tribune se déploient devant sa tête pendant qu’il parle. Ses sbires essayent en vain de les arracher. Obligé de descendre de la tribune, Chaussade se rend à l’autre bout de la salle, vers le fond de l’amphi, pour reprendre le crachoir. Sur la tribune, la situation manque de dégénérer à deux reprises : des personnes isolées du public et transformées pour l’occasion en citoyens-flics, agressent et font tomber deux opposants. Leurs camarades les calment rapidement. Chaussade tente toujours de parler, mais personne ne l’entend. On le sent prêt à craquer à plusieurs reprises. C’est un fait, à la CNDP, on n’a pas l’habitude de se retrouver du côté des perdants.
Il est un peu plus de 20 h 30. La réunion annulée, et la CNDP expulsée, les opposants sortent en chaînes, pour éviter toute interpellation, derrière les banderoles en chantant, et en scandant : « à chaque faux-débat on sera là ! » Les CRS et la BAC avec brassard sont présents. Pas mal de journalistes aussi. La dispersion se fait dans le calme.
Après Lille, Grenoble, et Rennes, la réunion de Lyon est la 4e de la CNDP annulée par les opposants. Presque toutes les autres ont été perturbées d’une manière ou d’une autre. Et plus personne ne vient assister aux réunions.
Cette campagne censée prévenir un « syndrome OGM » dans la population a pour l’instant l’effet complètement inverse, et ce, malgré l’explosion de son budget de plus de 2 millions d’euros par la CNDP. A croire que le travail des opposants n’a d’égal que l’incompétence des organisateurs... ou la réticence d’une population qui désavoue de plus en plus, à chaque réunion, les experts en acceptabilité.
Prochain faux débat de la CNDP : Marseille, le 19 janvier
Article initialement publié sur le site nanomonde.org
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