Virginie, arrêtée violemment lors de la manifestive du 30 avril, est accusée d’avoir dégradé la vitrine du poste de police de vidéosurveillance, d’avoir appelé à l’émeute et de s’être rebellée durant son arrestation. En première instance, après une enquête de l’IGPN qui prouvait les mensonges policiers et l’innocence de Virginie, elle a été relaxée, le juge et le procureur s’excusant de l’avoir mis 3 semaines en détention préventive et l’incitant à porter plainte contre la police pour les violences qu’elle a subies.
Ce jeudi 19 janvier, elle comparaissait devant la 4e chambre de la cour d’appel de Lyon. Elle était toujours du coté des accusés et les policiers des victimes. Ces derniers n’ayant pas apprécié le premier jugement, ils ont fait appel, appuyés par le procureur général (Voir les articles de Rebellyon : Les éboueurs de la BAC recalés pour faux témoignages - Relaxe totale pour Virginie - Les policiers et le parquet font appel). Le procureur de ce nouveau procès a requis une peine de prison assortie d’une peine avec sursis pour punir « la rébellion ».
La Cour d’appel est présidé par le juge Grégoire Finidori, de réputation nationale pour ses jugements abusifs. Ici il est le roi. Il trône entouré de sa cour ; ses deux assesseurs l’admirent, sourient à ses vannes, certains avocats viennent le saluer, il paraît fier de l’affluence exceptionnelle de l’après midi. Du monde pour soutenir Virginie mais aussi une vingtaine de policiers en civil, un escadron de CRS prêts à intervenir dans la salle des pas perdus. Et plusieurs fourgonnettes devant le Palais. Dans le murmure de la salle, un bébé pousse un petit cri.
« les enfants n’ont pas leur place ici » prévient le juge Grégoire Finidori, ici c’est lui le boss.
L’après midi commence avec deux affaires où les prévenus sont accusés d’ « outrage et rébellion ». Finidori interroge le second accusé : « qu’est ce que vous avez donc contre les policiers ? » Après une interruption, la cour rend le verdict pour ces deux premières affaires. Aucun des deux prévenus n’avaient agressé physiquement les forces de l’ordre mais les « outrageux » sont condamnés. Finidori commente « On ne va pas tolérer que les gendarmes se fassent tabasser dans les rues ». Et qu’une jeune fille se fasse tabasser par des policiers dans la rue, est-ce tolérable ? C’est la question à laquelle le juge doit répondre maintenant.
Procès en appel de Virginie
Un des deux assesseurs rappelle les faits. Le 30 avril 2005 a lieu à Lyon une manifestation d’ « anarcho libertaires », qui en fait était une manifestation festive. Virginie préférera le terme plus juste de « défilé ». Durant ce carnaval techno, les forces de police constatent des dégradations sur le poste de police qui commande la vidéosurveillance de la ville de Lyon. Les membres de la BAC infiltrés dans le cortège en civil reçoivent l’ordre d’arrêter les auteurs de ces dégradations. Arrivée Place des Terreaux, Virginie voit une bagarre éclatée, elle veut s’interposer ; mais dans la bagarre, trois hommes la traînent par terre, elle se débat, ils lui mettent 3 coups de taser et la menottent à la roue d’une de leur voiture. Elle sera ensuite emmenée au poste, elle comprend alors qu’il s’agissait de policiers.
Au premier procès, à l’aide des vidéos de surveillance ainsi que d’une vidéo et des photos amateurs, l’enquête de la police des polices a démontré que Virginie n’a pas participé aux dégradations. Par contre, ces films montrent bien le lynchage qu’elle a subi de la part des policiers qui ne portaient pas de brassard les identifiant. Malgré ces éléments, les policiers de la BAC continuent de maintenir leurs déclarations comme quoi elle est bien responsable des dégradations, en plus elle s’est débattue et a même essayé de dérober l’arme d’un des policiers selon les accusateurs. Arnaud Mandon, un des policiers de la BAC persiste : « j’étais sur les lieux, je sais ce qui s’est passé, pour moi c’est elle, si on me demande, c’est elle ».
Virginie rappelle qu’elle ne savait pas que c’était des policiers. Ils reconnaissent ne pas porter de brassard à ce moment là, mais affirment qu’on pouvait les reconnaître car ils avaient une radio et une arme dissimulée (mais si en civil, le citoyen doit les reconnaître, pourquoi se mettre en civil alors ?) Ils précisent qu’elle était hystérique, qu’ils ont du mal à la maîtriser d’où l’utilisation du taser. (Pour les trois cowboys baraqués d’un mètre 90 contre une jeune fille de 19 ans de 1 mètre 60, ils disent que l’utilisation d’une arme est justifiée). Virginie n’apprécie pas et demande des excuses quant à l’utilisation de cette arme, qu’elle a eu à subir sans raison non pas une fois, mais plusieurs fois..
Après le rappel des faits, l’avocate de Virginie lui pose quelques questions pour bien rappeler que c’est elle qui a décidé d’aller vers la bagarre, pour « séparer » les gens. Virginie précise qu’au vu de ce que cela lui a coûté de vouloir interrompre un affrontement, elle ne recommencerait plus. Elle a l’air fatiguée de s’expliquer une nouvelle fois sur cette affaire où les preuves de son innocence ont été apporté en première instance.
Mais Me Versini, qui défend la police depuis 10 ans avec fierté (il va le rappeler plusieurs fois), lui, ne croit pas à ces preuves. Il va pendant 25 minutes faire un plaidoyer avec beaucoup de forme et peu d’arguments. D’abord, Me Versini ne croit pas à l’audiovisuel (le style 19ème siècle qu’il donne à son phrasé et ses gesticulations l’empêche-t-il de croire à la technologie du XXe ?). Pour lui, les photos ne sont que des instants et on peut leur faire dire ce qu’on veut. Il se gardera d’évoquer la vidéo surveillance, dont il est sans doute par ailleurs un ardent défenseur, sûrement parce qu’elle n’est pas prévue pour filmer les bavures policières. Ensuite, pour lui, on ne peut pas remettre en cause la parole de la BAC. Il nous a fait une belle apologie de ces policiers qui « passent leur journée à reconnaître les délinquants, c’est leur travail » donc « ils n’ont pu connaître une telle bévue, on ne peut douter ». Quant à la visibilité obligatoire durant une intervention, il estime que le tonfa était un signe distinctif suffisant pour comprendre qu’il s’agissait de policier, et l’utilisation du taser est justifiée par une note du ministère de l’intérieur précisant que l’usage de cet arme est permis « pour réduire la résistance d’un manifestant ».
Malheureusement pour lui comme le précisera ensuite une des deux avocates de la défense, Me Frédérique Penot et Me Stéphanie Zahnd-Cartier, cette terrible note ministérielle est ultérieure au fait, elle rappelle donc qu’on peut utiliser le taser uniquement en cas de légitime défense. Elle rappellera aussi les nombreux témoignages recueillis par l’IGPN qui attestent la non visibilité policière ainsi que la violence disproportionnée des policiers. Aux photos qui « ne sont que des instants », elle opposera la vidéo surveillance qui prouve l’innocence de Virginie.
Versini a terminé son show en rappelant qu’il était un avocat propre, un vrai, que ça faisait 10 ans qu’il « officie à la défense de la police » et qu’il ne serait pas ici si ses clients avaient commis de tels agissements. Sa seule présence ici prouve que les policiers ont raison et « il en va de la dignité de la robe » de rétablir la loi qui n’a « pas été respectée par la première juridiction ». Un peu plus on aurait dit qu’il allait menacé de démissionner si on ne lui donnait pas raison ! Bref un argumentaire musclé.
C’est au procureur général Renzi de partir dans un monologue de vingt minutes. Monologue qui commence par une sombre explication pour rappeler que la justice est une institution respectable qui fait bien son travail, preuve en est la présence de Virginie ici même qui a le droit de se défendre. Il a aussi rappelé que si on commençait à remettre en cause les PV des policiers, on ne s’en sortirait pas et il a rappelé la règle : « les PV sont des preuves jusqu’à preuve du contraire ».
Sur le fond, il a laissé « le soin à la Cour de juger », ne savant pas trop quoi penser hormis le fait que pour lui, il y avait bien eu délit de rébellion de la part de Virginie, puisqu’elle-même affirmait s’être débattue. Il a oublié d’entendre qu’elle s’est débattue par « instinct de survie » et non pas pour casser la gueule à 3 policiers, qui faisaient tous 2 fois son poids. Mais pour le procureur, « peu importe qu’elle soit coupable », elle s’est débattue, donc il y a eu rébellion. En gros, si des flics vous tabassent dans la rue sans raison, surtout ne vous débattez pas, ils ont raison. Pour ce délit, il réclame une peine de prison assortie à du sursis.
Ensuite, la défense a, comme on l’a dit, démonté point par point l’argumentaire du Versini show. Elle a rappelé qu’on peut s’opposer à des décisions injustes, que la rebellion dans ce cas est même un devoir et non un délit. Puis la seconde avocate a rappelé que Virginie a subi depuis presque un an un acharnement judiciaire, avec notamment trois semaines de cellule ; enfin elle a élargi le débat sur la confiance en la justice, et faisant un parallèle avec l’affaire d’Outreau, elle a dit qu’on ne peut plus condamner désormais sur des mensonges policiers avérés.
Finidori, plus attentif à savoir le nom du journaliste qui est entré dans la salle en lui demandant sa carte de presse, qu’aux argumentaires des avocates de la défense a annoncé le rendu du verdict pour le 23 février.
Le scrountch
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