Des dizaines de milliers de militaires ont été mobilisés pour arrêter les frères Kouachi, et cela dans le cadre du plan Epervier, qui permet la mobilisation importante des forces de l’ordre pour rattraper des fugitifs. Depuis le 9 janvier, le plan Vigipirate a été relevé au niveau « alerte attentat » dans les régions Ile-de-France et Picardie.
Qu’est-ce que le plan "Vigipirate ?
Le plan vigipirate consiste en une surveillance constante des lieux « sensibles » c’est-à-dire rassemblant beaucoup de public (écoles, gares, centres commerciaux, places...) ou symboliquement important pour l’Etat français (monuments, établissements publics tels que préfectures...) et à la mobilisation importante des forces sécuritaires.
Le dernier plan vigipirate a été mis en vigueur en février 2014. Il supprimait les différents niveaux de vigilance de l’ancien modèle (jaune, orange ou rouge) puisqu’ils étaient devenus inutiles après le maintien permanent en vigilance rouge depuis 2005 (donc pendant à peu près neuf ans...). Ce nouveau plan contient deux niveaux, le niveau de vigilance et le niveau « alerte attentat ». Depuis les attentats à Charlie Hebdo, les régions Ile de France et Picardie sont en alerte attentat, et le reste de la France doit composer avec un « renforcement de la vigilance ». Ces mesures sont cependant sensées être temporaires, et on l’espère, mais le risque est élevé d’un nivellement par le haut des mesures sécuritaires, comme cela a été fait l’année dernière.
Concrètement, plus de 10000 militaires sont déployés pour contrôler les lieux « sensibles ». Cela va des places publiques, aux transports (train comme transports en commun) en passant par les écoles, les centres commerciaux, les universités... De plus, 5000 policiers et gendarmes sont spécialement affectés aux lieux de culte juifs. Cazeneuve a précisé quand même, lors d’une visite à la mosquée de Sarcelles, que « tous les lieux culturels sensibles seraient protégés ». Attendons-nous donc à une présence policière et militaire renforcée.
On va en baver...
Pour être préparé et savoir ce à quoi on va faire face au quotidien, il peut donc être utile de connaître ses droits et les prérogatives de tous ces gros bras.
Les seules personnes habilitées à vous demander votre identité, c’est-à-dire votre prénom, nom, date de naissance et adresse, sont les policiers ou gendarmes quel qu’ils soient (municipaux, nationaux, douaniers...). Ils peuvent également fouiller vos sacs et procéder à des palpations corporelles.
Cependant si il s’agit d’agents de sécurité privés (par exemple vigiles dans les grands magasins), on ne peut pas vous demander votre identité. Ces agents peuvent seulement regarder dans vos sacs sans fouiller et procéder à des palpations corporelles. Ils ont besoin de votre accord pour effectuer ces contrôles. Mais dans le cadre du plan Vigipirate alerte attentat, un refus de contrôle peut amener les agents à vous refuser l’accès au site qu’ils surveillent (gare, centre commercial, bref tout lieu ouvert au public), et même faire appel aux forces de l’ordre étatiques qui peuvent elles vous forcer à obtempérer. Votre refus de vous faire contrôler vous met l’étiquette d’individu « suspect ».
Attention également aux contrôles renforcés dans les transports.
Des mesures internationales pas moins dangereuses
À un niveau international aussi les derniers événements sont le prétexte à un renforcement des mesures de sécurité, avec une rencontre au sommet dimanche dernier entre Bernard Cazeneuve, les ministres de l’Intérieur européens, le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, le commissaire européen et le ministre de la justice des Etats-Unis, et autres sympathiques personnages... Cette réunion met en place des « contrôles approfondis sur certains passagers, sur la base de certains critères objectifs » pour les ressortissants de l’Union Européenne qui sortent de l’espace Schengen. Il est prévu également qu’Interpol et Europol (services policiers de coopération entre les Etats) soient renforcés.
La directive PNR, pour Passenger Name Record, qui est un dispositif de recueil de données qui permet d’utiliser les données collectées par les compagnies aériennes sur les passagers à des fins policières, va également être rediscutée malgré son rejet par la commission des libertés civiles du Parlement européen en avril 2013. Il existe déjà des PNR dans certains pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, France à l’état d’ébauche...). Ces données peuvent être utilisées dans le cadre d’enquêtes, mais également de manière proactive, c’est-à-dire pour évaluer les risques potentiels présentés par une personne avant tout acte délictueux.
Et sur le Web ?
Concernant l’usage d’internet, Bernard Cazeneuve souhaite « qu’il demeure un espace de libre expression, mais dans le respect rigoureux des lois », et veut travailler en collaboration avec les entreprises (comprendre Google, Facebook...), pour surveiller efficacement les propos tenus. Il veut également y déverser des « contre-discours facilement accessibles, destinés au public jeune, particulièrement exposé à la propagande des organisations terroristes ». D’autre part, le gouvernement appelle à la délation des propos potentiellement terroristes sur internet. Un procès en comparution immédiate a d’ailleurs été reconduit à fin janvier pour une apologie de l’attentat. En bref, la guerre idéologique est déclarée, avec son lot de propagande louant les vertus de la République.
En tournant la tête juste un petit peu vers la réaction internationale, on apprend que la presse mainstream anglaise appelle à l’utilisation des moyens de surveillance pour intercepter toutes les communications afin d’arrêter, apparemment, une attaque inévitable au Royaume-Uni.
Au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, le gouvernement belge a notifié à Bruxelles de la parution prochaine du décret d’application de la LOPPSI, permettant le blocage administratif, sans juge, de sites faisant l’apologie ou la provocation au terrorisme. Nous n’allons pas vraiment tarder à voir ce type d’argumentation dans la presse française d’une part pour défendre la « liberté d’expression » et d’une autre pour combattre le « terrorisme ».
Or, il est important de noter comme il est absurde que les leaders et la presse occidentale discutent de la liberté d’expression alors que Jeremy Hammond, Chelsea Manning, Julien Assange, Edward Snowden et certainement beaucoup d’autres personnes se trouvent en taule ou en fuite ou encore enfermées dans des ambassades justement pour avoir exercé cette liberté.
Quel serait donc l’intérêt d’une forte augmentation de la surveillance ? On savait déjà en 2013 que la France collectait systématiquement les communications effectuées dans le pays ainsi que celles qui la traversent. Un article dans Le Monde argumentait que les emails, les sms, les appels, les messages sur facebook, les tweets, les métadonnées qui indiquent qui, où et comment des personnes communiquent sont stockées. Et malgré tout ça, ils n’ont pas réussi à prévenir cet attentat. Cet exemple n’est certainement pas une exception, car on a vite fait de se rappeler des attentats à Boston et à Oslo récemment. Depuis le 9/11, nous n’avons aucune information sur la manière dont ils utilisent toutes les données qu’ils sauvegardent et encore moins contre qui ils l’utilisent. Finalement, ce type de masse-surveillance ne sert pas à combattre le terrorisme, mais plutôt de garder dans les mains des informations contre toutes les personnes qui luttent contre eux.
Il est bien ironique que l’Union Nationale se mobilise pour la liberté d’expression et de penser quand on voit ces mesures liberticides se répandre insidieusement à tous les niveaux...
Malgré toutes ces nouvelles déprimantes, il va falloir tout faire pour continuer à faire vivre un idéal de liberté individuelle, d’égalité et de paix dans un contexte envahi de nationalistes, de fascistes, de républicains et d’extrêmistes religieux.
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