C’est ton proprio le parasite, pas les squatters !

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Le journal le Parisien a sorti début juin un papier participant de la longue campagne de la PQR contre les squats, alors que plus d’un mois après sort enfin la version de la famille expulsé à cause de l’article, revenons un peu sur cette affaire.

La presse quotidienne régionale se fait régulièrement la porte voix de propriétaires peu scrupuleux qui désirent s’affranchir des règles de droit en matière de squat. Il y a quelques semaines, c’était au tour du Parisien de s’essayer à cet exercice. Ce dernier épisode en date, situé sur la commune d’Ollainville (Essonne) est des mains, et de la caméra, d’une journaliste connue pour sa participation à des journaux d’extrême droite.

Sous la plume de cette journaliste, tout est simple. Il y a un jeune couple qui a réalisé le rêve d’une vie d’un coté et de l’autre une famille de squatter peu scrupuleuse venue bousiller le rêve américain. La péripétie c’est que la famille de squatter habite dans le rêve de notre couple. Et là patatra on sort le violon. La justice laxiste ne voudrait pas ordonner d’expulsion dans des délais raisonnable. Malgré toute sa bonne volonté, le jeune couple va se retrouver sur la paille, pris dans un piège financier qui le mettrait à la rue contrairement aux squatters qui habiteraient encore leur nouveau bien.

La vidéo qui accompagne l’article devient virale. Celle-ci, ne brillant pas par sa rigueur journalistique, y est sommairement résumée à ces aspects les plus mélodramatiques. En même temps que des gens commencent à prendre fait et cause pour le jeune couple, un Croque-mitaine apparaît, c’est le squatter-bernard-lermite qui vient se glisser dans ton logement quand tu pars en vacances ou quand tu vas acheter des clopes. La panique morale envahit les internets. Les figures de l’extrême droite surfent sur la défense des petits gens dans un concert de sous-entendus racistes pendant que les libéraux se déchaînent au nom de la sacro-sainte propriété. Internet déraille quand Darmanin, sinistre agent immobilier de la région de Tourcoing, s’empare de l’histoire en ordonnant au préfet de se saisir du dossier en vitesse. La préfecture va utiliser un dispositif de la loi DALO qui lui permet de procéder à des expulsions arbitraires. La famille doit évacuer. Le soir même, alors qu’ils doivent quitter en urgence la maison dans laquelle ils vivent depuis quelque mois, ils sont agressés par une dizaine d’individus, les deux parents écopant de plusieurs jours d’ITT.
Mais déjà des gens commencent à flairer l’arnaque, si bien que d’autres que le Parisien mettent leurs nez dans l’histoire. Assez vite on découvre que contrairement à ce que disait le jeune couple, ils savaient que la maison était squattée. On apprend même qu’ils ont eu la maison à un très bon prix en raison de la situation. On apprend aussi que si ils avaient dit avoir été surpris de tomber sur des squatters le jour où ils sont venu prendre possession de leur bien, il semblerait plutôt qu’ils aient mené ce jour une tentative d’intimidation accompagné d’une dizaine d’amis à eux.
Le parisien finit par pondre un communiqué dans lequel il explique que c’est le couple qui les a arnaqué, comme si le travail de journaliste se résumait à raconter l’histoire qu’un couple avec une bonne bouille nous a raconté.
La famille a saisi le journal hier, pour faire valoir son droit de réponse. On apprend cette fois qu’elle n’a jamais vraiment squatté la maison et qu’en réalité elle était victime d’une arnaque d’un marchand de sommeil particulièrement vicieux.
Pourtant il aurait été facile pour un journaliste qui fait sont travail de s’éviter tant de déconvenues, tant il y avait d’incohérences dans le discours des nouveaux acquéreurs, surtout pour qui à pris 5mn pour comprendre comment marchent les squats en france.

On peut squatter des maison par ce que sans ça y aurait des SDF partout et que personne à envie de voir les SDF. Alors l’Etat maintient un arbitrage entre le droit au logement et le droit à la propriété, tous les deux des droits constitutionnels. Quand une maison est vide, l’état considère que les gens ne peuvent pas en être virés sans son intervention. C’est parce que l’état protège le domicile des gens et pas seulement leur propriété. Ce qui vous protège quand vous êtes chez vous, c’est pas seulement le contrat légal (un acte de propriété ou un bail) mais surtout le fait que vous vous trouvez dans votre domicile. Ainsi un cambrioleur n’est pas puni seulement pour le vol qu’il effectue chez vous, mais aussi pour le simple fait de s’y être introduit.
Et c’est donc la que ça devient cool. Parce que si un endroit ne vous appartient pas, et qu’il n’est le domicile de personne, vous pouvez décider d’en réclamer l’usage. C’est un héritage du droit de réquisition, mesure justifiée dans l’intérêt général qui a servi à loger plein de monde après la guerre. En gros il y avait plein de bâtiments vides dont on ne savait pas forcément trop à qui ils appartenaient, et plein de gens sans maison. Alors on a décidé que les gens n’avaient qu’a s’installer où ils pouvaient, et ensuite allaient se signaler en préfecture. Celle ci après quelques vérifications autoriserait la famille à s’installer.
En pratique maintenant ça ne se passe plus du tout comme ça. Les squatters doivent trouver un lieu inhabité, une maison vide de tout trace de vie. Pour ça il faut de la patience, se balader en ville à la recherche de volet qui ne bouge jamais, guetter la poussière et les toiles d’araignées pour finalement remarquer la maison inhabitée. Quand enfin on à une maison ou les cales ne tombent pas, on peut s’installer.
Si on s’est planté et que la maison est finalement habitée, là c’est la merde. L’entrée et/ou le maintien est puni jusqu’à un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Sans parler d’aller jusque là tu peux être sur de te faire sortir par la bac avant de croupir quelques heures en GAV pour ta peine.
Si on a eu raison on est parti pour une procédure . Après le déclenchement de la procédure par un huissier, la justice va être saisie et une date de procès tombe. Le juge pourra y décider d’une date d’expulsion avec un délai maximum de 2 ans. La plupart du temps, ça varie entre deux mois et expulsion immédiate. Ensuite c’est la demande de recours à la force publique qui précède l’expulsion avec huissier.

Le droit au logement existe pour contrebalancer un phénomène structurel, la concentration du capital. En France, par exemple, si 58% des personnes possède leurs résidence principale, pour les 42% restant ils sont à la merci d’un marché dans lequel c’est 24 % des ménages qui détiennent 68 % des logements.
Comparons maintenant le droit au logement et sa demande, et ce qui reste inexploité de l’offre pour cause de spéculation : Pour donner des échelles de grandeur, il y a 3 millions de logement vacant, dont la moitié depuis une longue période, pour 300.000 personnes nécessitant un toit. Et 15 millions de lits touristiques. Un esprit vif nous dira de suite que le ratio est de un dixième et qu’il suffirait de faire une réquisition dans l’intérêt général d’un logement sur dix et que ça pourrait même ne déranger personne si c’était réalisé sous forme de roulement.
Quand vous ajoutez à ça les le phénomène nouveau des « logements de tourisme » de la para-hôtellerie comme Airbnb qui aggrave autant la pénurie et fait grimper le prix des loyers. Vous comprenez pourquoi les personnes sans domiciles sont de plus en plus nombreuses. On le sait pourtant depuis longtemps le logement est au cœur des questions d’exclusion, et la perte de son domicile, puis son absence marque souvent le début d’un parcours difficile. On pourrait facilement résoudre se problème si le gouvernement cessait d’agir pour défendre la cupidité et l’avarice de quelques uns. Pour ça il va sûrement falloir les forcer.

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J.Bétine

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