Sous le Haut Marrainage de Solitude, héroïne de la révolte des esclaves guadeloupéens contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon, de Jamila Bouhired, révolutionnaire algérienne et de nos mères immigrées.
Le discours dominant et hypocrite, néocolonial et paternaliste sur l’émancipation des femmes indigènes est une violence que nous n’acceptons plus ! Le collectif des féministes indigènes organise une réunion publique
le samedi 31 mars à 15h30
à la librairie Terre des Livres 86, rue de Marseille Lyon 7e.
Personnalités politiques, intellectuel-le-s, féministes, représentants institutionnels... en France, se penchent avec humanisme et compassion sur le sort des femmes issues de l’immigration post-coloniale que NOUS sommes.
Ils nous encouragent à nous émanciper, à nous défaire de notre état de nature, ou, pour les plus évoluées d’entre nous, de notre état de sous-culture. Ils nous protégent contre nos maris, nos pères et nos frères supposés culturellement violents, violeurs et voileurs. Ils sont les boucliers sans lesquels nous sommes vouées à demeurer soumises, mariées de force à des brutes, excisées..., et peut-être même lapidées. De leur vigilance zélée dépend notre libération. Ils parlent en notre nom. Pour notre bien...
Messieurs-Dames, le Collectif des Féministes Indigènes a le plaisir de vous annoncer la fin de la comédie. Il vous prie de ravaler vos larmes et de remballer vos bons sentiments.
Ce discours néocolonial et paternaliste est une VIOLENCE que nous n’acceptons plus.
Nous refusons la dépossession et l’instrumentalisation de nos luttes.
Nous refusons catégoriquement que des personnes non concernées par des discriminations racistes et sexistes parlent en notre nom. Comme nous refusons le discours stigmatisant et essentialisant des femmes issues de l’immigration, qui prêtent leurs voix au discours dominant, structurellement raciste et opportunément féministe. Parler à notre place, c’est nous spolier de nos vies, nous déposséder de nos parcours et de notre vision du monde. C’est aussi saboter nos luttes quotidiennes.
Nous ne sommes pas dupes de cette instrumentalisation qui fait de nous des victimes idéales.
Les discours dominants à la fois racistes et sexistes confisquent notre parole, réduisent notre complexité, nient nos résistances. Ces procédés s’enracinent dans les systèmes esclavagistes et coloniaux qui, déjà, contraignaient les femmes à une double expropriation de leur corps (à la fois, force de travail et objet sexuel). Nos mères, loin des stéréotypes du féminisme blanc, ont toujours su résister. Nous résistons.
Notre démarche est féministe, spécifiquement indigène…
Nous, en tant que femmes vivant en France, héritons des acquis des luttes des féministes françaises. Mais en tant que femmes racialisées, nous remettons en question les diktats de l’universalisme blanc et masculin et du féminisme blanc qui dénient toutes autres visions du monde ou vécus. Le féminisme occidental n’a pas le monopole de la résistance à la domination masculine.
Nous refusons les présupposés idéologiques selon lesquels le féminisme serait incompatible avec la foi religieuse, notamment en portant et défendant la parole féministe des femmes croyantes. Nous assumons et revendiquons nos identités plurielles, aux contours variables faites aussi de contradictions et d’imperfections.
Nous refusons l’injonction à la déloyauté envers les nôtres avec tous les sacrifices que cela suppose : rupture familiale, guerre et concurrence des sexes, mise à distance de nos cultures chaque jour mises en accusation.
Nous interpellons nos communautés et l’ensemble de la société. Nous dénonçons et nous nous battons contre les systèmes d’oppression. Nous ne voulons pas « conscientiser » les femmes issues de l’immigration, dont nous sommes, ni les juger sur des critères « d’émancipation » subjectifs. Chaque femme est en droit de choisir son mode de vie en continuité, en composition ou en rupture avec sa culture, sa tradition ou sa religion.
Nous revendiquons l’autonomie de nos luttes et de nos trajectoires.
…et anti-impérialiste
Nous exigeons désormais des mouvements politiques occidentaux qui pensent les rapports Nord/Sud qu’ils cessent d’ignorer les conséquences de l’impérialisme et du libéralisme dans le maintien et le renforcement des systèmes patriarcaux. Nous considérerons désormais comme anti-féministe toute solidarité avec les femmes du sud qui n’intègre pas le rapport étroit entre patriarcat et impérialisme.
Nous exigeons une égalité réelle
Dans notre société, racisme et sexisme sont intimement imbriqués. Nous subissons des oppressions de classe, de genre et de néo-indigénat qui se renforcent mutuellement . Notre parole est seule légitime pour faire état de la réalité de ces oppressions croisées. Cette parole est radicalement anti-raciste et anti-sexiste. Nous n’établissons pas de priorité entre ces luttes intrinsèquement liées. Nous dénonçons catégoriquement toutes les violences sexistes et racistes que nous subissons quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent. Nous ne tairons pas notre combat féministe sous prétexte que la lutte anti-raciste est prioritaire. De la même façon nous ne tairons pas notre combat anti-raciste pour servir de relais, au nom d’un pseudo-féminisme à la diabolisation des noir-e-s, des arabes, des musulman-e-s et d’autres populations stigmatisées racialement.
Nous refusons d’être l’enjeu de la concurrence et de la bataille que se livrent le patriarcat des dominés et celui des dominants.
Par conséquent, nous nous inscrivons dans ce féminisme paradoxal afin de ne plus jamais être le cheval de Troie de la suprématie blanche ou les traîtresses à l’ordre communautaire.
C’est à ce prix que l’on pourra se battre contre les représentations coloniales, indigénisantes et folklorisantes des femmes noires, arabes et musulmanes, véhiculées dans les discours dominants, les politiques publiques et les espaces médiatiques. C’est ainsi que l’on pourra casser les stéréotypes de la beurette, de la maman-nourricière et infantilisée, de la musulmane manipulée ou de l’africaine exotique.
Dans une société « francepaysdesdroitsdel’homme », structurellement inégalitaire et patriarcale, NOUS, descendantes de colonisé-e-s et d’immigré-e-s lançons un appel aux femmes et aux féministes qui s’estiment victimes de violences sexistes et racistes à nous rejoindre en vue de contribuer à l’émergence et à la construction d’une parole FEMINISTE POLITIQUE, égalitaire et autonome qui interpelle l’ensemble de la société française dans sa gestion des questions concernant les femmes venues ou vivant dans les pays du sud.
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