Cette mise aux normes d’environ 500 habitations aux frais des habitants s’inscrit dans le cadre du Plan de prévention des risques technologiques (PPRT) dont l’application est prévue pour la fin de l’année à venir, sous réserve de son approbation par le Préfet et le CLIC [1] local. Le préfet Carenco, lors d’un point presse impromptu, a donc annoncé les mesures à prendre : plusieurs destructions de maisons et 500 maisons que leurs propriétaires vont devoir renforcer pour se prémunir un minimum du risque d’accidents chimiques. La zone concernée recoupant majoritairement le quartier des Razes.
Et hop, les engagements financiers du Grenelle 2 passés à la trappe
Le coût estimé de 15 millions d’Euros (30 000 € en moyenne par foyer) doit se répartir
entre l’État - 10 millions -, c’est-à-dire les contribuables par leurs impôts,
et les habitants directement au titre de leurs habitations, pour 5 millions d’Euros.
Cette répartition (1/3 pour les habitants, 2/3 pour l’Etat) est une promesse faite par le Préfet lors du point presse, où il s’engageait à trouver les financements. Mais elle ne correspond en rien à des crédit déjà attribués ou votés, il faudra donc guetter que le Préfet Carenco, loin des caméras, n’oublie pas ses engagements auprès des habitants de Feyzin.
Sur les 5 millions restants -10 000 € par habitation- les habitants n’auront droit qu’à un crédit d’impôt de 30% sur les frais occasionnés par les travaux pour un montant plafonné à 10 000€. La loi Grenelle II votée en juin 2010 leur donnait pourtant droit à 40% sur un plafond de 30 000€... La différence est énorme : 40% de 30 000 € ça fait 12 000 € alors que 30 % de 10 000… 3 000 € ! 9 000 € de différence ! Explication : l’Etat ne respecte pas ses propres engagements en termes d’aides financières, la dernière loi de finances a en douce viré ce dispositif, dans le cadre de la suppression des niches fiscales ! Le « développement durable » et la prise en compte de risques devant les caméras, mais au final ce sont les villes et les habitants qui trinquent.
Il faut ajouter à cela l’expropriation prévu de plusieurs habitations - un peu moins d’une dizaine selon les déclarations- ainsi qu’une centaine d’habitations concernées par une mesure de délaissement [2]. Par ailleurs aucune expulsion ne semble envisagée [3], hors bien sûr un refus de quitter leurs habitations pour les futurs expropriés.
Si on ajoute le coût des expropriations et des rachats faisant suite aux délaissements, on arrive à 30 à 40 millions d’euros pour l’ensemble de l’opération, majoritairement à la charge du contribuable puisque le financement des rachats se répartit de la façon suivante :
1/3 au frais de l’État
1/3 au frais du Grand Lyon
1/3 au frais des entreprises concernés, dont Total.
Total ne paye rien, et encaisse des bénéfices !
Total, propriétaire et exploitant de la raffinerie, ne déboursera pas un centime pour protéger la population des risques qu’elle lui fait courir, ne participant pas financièrement à la mise aux normes. Alors même que l’entreprise cumule 10 milliards d’euros de bénéfices pour 2010 dans le monde ! Outre ses bénéfices énormes rappelons au passage que Total ne paiera aucun impôt sur les sociétés cette année encore [4].
La raffinerie paye toutefois la cotisation foncière des entreprises, autrefois payé à la ville de Feyzin (contribuant à une certaine richesse de la municipalité et donc la construction d’infrastructures locales, entre autres), laquelle est aujourd’hui reversée directement à la communauté d’agglomération, le Grand Lyon [5]. Le taux applicable est décidé par chaque commune, il est de 27,26 % pour le GrandLyon [6].
Ce n’est pas la première fois que les habitants de Feyzin ont à pâtir de la proximité de la raffinerie. La carte des risques chimiques autour de la commune est déjà éloquente :
Plusieurs usines menacent directement les maisons d’un risque chimique :
La zone industrielle est composée de plusieurs entreprises dont trois classées Seveso [7] : la
raffinerie Total (seuil haut), le centre d’embouteillage Rhône Gaz (seuil haut) et le site de production
d’hydrogène, azote et oxygène L’Air Liquide (seuil bas). Les risques qui en découlent sont des risques
toxiques, thermiques et de surpression.
Source : Présentation de la politique de la ville
de Feyzin en matière de gestion du
risque industriel : prévention et
information (ville de Feyzin - 2005)
Et la raffinerie a déjà un lourd passif d’accidents et de risques en tout genres :
Raffinerie de Feyzin : pollution au dioxyde de soufre (Juin 2011)
Pollution sauvage de l’air cette nuit à Lyon (Avril 2011)
Ça crame à Feyzin ! (Novembre 2007)
Et bien sûr : 4 janvier 1966 : Explosion de la raffinerie de Feyzin
Les PPRT concernent un grand nombre de communes de l’agglomération, apparemment plutôt en retard par rapport aux échéances prévues. On devrait donc voir un certain nombre de problématiques du même type émerger prochainement autour de Lyon.
Et pendant que les habitants paient pour Total, on ne parle toujours pas ni des conditions de travail dans la raffinerie (où la lutte à été particulièrement suivie en octobre dernier) ni d’autres choix énergétiques... et chaque jour Fukushima révèle un peu plus les logiques de profit de ces industries qui nous menacent, leur mépris des habitants et des travailleurs. Dernière (très mauvaise) blague en date ? Tepco avait raboté une falaise qui protégeait naturellement la zone pour construire sa centrale. Combien de problèmes de ce genre autour de nous pour des risques que nous n’avons pas choisi et dont les bénéfices sont privatisés ?
L.M. et Ari
Erratum 15/07 - 20h : rectification répartition du financement des expropriations et délaissement.
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