Manifestive NO BORDER, un bilan...

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Plusieurs mois aprés cette manifestive qui a fait couler beaucoup d’encre, je reviens afin d’en faire un rapide descriptif vu de l’intérieur de l’organisation et je tente d’en faire un bilan et d’en tirer queques perspectives.

J’ai essayé de faire un compte rendu de cette aventure qui a mobilisé plusieurs dizaines de personnes pendant plusieurs semaines. Organisation, déroulement de la manifestation , et tentative sans prétention de bilan / perspectives. Ce qui est écrit n’engage que moi et en aucun cas l’ensemble du "collectif manifestive" depuis dissous. Il y a des imprécisions, peut-être des erreurs mais pas d’omissions. J’espère qu’il permettra aux gens extérieurs à ce mouvement de mieux comprendre ce qui nous anime, et aux participants des manifestives d’avoir l’envie d’aller plus loin, et de ne pas lâcher l’affaire...

Un résumé des faits tel que je les ai perçus

1) Organisation de la manifestive.

a) Les principes de base :

Cette street party est l’héritière des nombreuses manifestives organisées à Lyon depuis maintenant quelques années. C’est pourquoi nous n’avons pas eu besoin de revenir longuement sur les principes d’organisation de base (pour nous) inhérents à ce genre de manif.
Au niveau de l’organisation du collectif... Il s’agit d’un collectif informel sans aucune responsabilité légale - ce n’est pas un groupe à l’idéologie arrêtée, ce n’est pas une fédération d’assos, ni même une asso qui se serait créée pour l’occasion. Il s’agit donc avant tout d’une convergence d’individu-es pour CE projet. La plupart d’entre nous ne se connaissaient pas avant la première réunion. On peut remarquer que d’une street à l’autre les organisateurs tournent. Renouvellement des effectifs, turn-over... consommation ? Il s’agit d’un collectif horizontal. Pas de président, de secrétaire, encore moins de trésorier puisque le budget initial était de 0 euro. Entièrement autofinancé. Le mode de prise de décision s’est fait dans la recherche constante du consensus. Pas de vote, où une majorité impose son point de vue à une minorité. Chaque décision a été prise après débat, quand l’unanimité semblait atteinte.
Deuxième grand principe : le no logo. Nous pensons que n’importe qui peut participer à une manifestation. Pas besoin d’être badgé pour militer. Seul le no logo peut garantir notre indépendance, et notre esprit d’ouverture. Le no logo évite les tentatives de récupération puisque les orgas trades ne sont généralement pas interressées par une manif où elles ne pourraient pas sortir leurs drapeaux et "gérer" le cortége...
Au niveau de la répartition des tâches, l’autogestion est le principe de base. Cependant on a pu constater un décalage entre le principe et la réalité. Dans les faits, ce qui est dommageable, les tâches "intellectuelles" (prises de notes, rédactions de tractes, comptes rendus...) ont souvent été réalisées par 4-5 personnes maxi. Par contre, la création d’affiches, les collages, la propagande (net , disribution de tracts), le choix du parcours... ont été pris en charge par presque tout le monde.
Les revendications ont été acceptées par l’ensemble du collectif au cours d’une réunion générale après avoir été proposées une semaine avant. Chacun a donc pu proposer des modifications avant sa version finale.

b) Différences et similitudes entre les teufeurs et les activistes :

Le milieu teufeur est trés varié. Du plus con des consommateurs (individualiste, sexiste, et pollueur) à l’anarcho-teufeur, qui pourrait être à la teuf ce que le punk engagé est au rock. C’est un mouvement qui touche toutes les catégories sociales - quand même plus dans les milieux populaires et la classe moyenne que chez les "élites" en général tournées vers le clubing ...Quoique ? Les teufeurs sont aussi bien des urbains que des ruraux. Ce qui indéniablement nous rapproche, militants et teufeurs. C’est un esprit d’organisation spontané, non hiérachique, avec des valeurs de liberté, de gratuité, d’auto organisation des individu-es. C’est ce qui permet qu’en une nuit, des centaines voire des milliers de personnes puissent se retrouver pour faire la fête, gratuitement, sans SO, et généralement sans problèmes majeurs.
Le réseau de propagande des teufeurs est bien développé et décentralisé, ce qui permet un échange très efficace d’infos de la base vers d’autres bases des autres régions. Une mise en réseau des groupes. Si ces sites ressemblent aux forums, aux blogs militants, ou aux médias libres, leur efficacité est bien supérieure.
Le sentiment environnemental est plus développé qu’on ne le croit.
Cependant il existe des différences voire des oppositions entre nos cultures que je ne pense pas indépassables. Le milieu teufeur est généralement marqué par un individualisme fort. Beaucoup de teufeurs réagissent en tribu ("tribe") plutôt qu’en collectif structuré sur des principes de fonctionnement réfléchis. De même, il existe une sorte de défiance latente envers d’autres groupes de gens, les clubers, les bourges,... mais aussi les "cailleras", responsables pour certains du pourrissement des teufs de masse par du deal à la criée et l’introduction d’idées commerciales. Analyse en partie vraie, mais qui se dédouane de ses propres responsabilités. Les lascars leur rendent bien leur mépris (« Ah ! Cette saloperie de punks-junkies !!! ») Plus grave, cette croyance tend parfois chez les moins malins à une sorte de racisme de petit blanc. De même la question du sexisme laisse plus qu’à désirer. Enfin, il y a indéniablement un décalage entre les organisateurs de teuf, généralement politisés et leur public souvent beaucoup plus consumériste et peu politisé.

c) Notre rapport avec les autres militants :

Comme d’habitude, et malgré nos invitations, on a pu constater à cette manifestive, comme aux autres, l’absence de toutes les orgas quelles qu’elles soient. Absence à mes yeux regrettable car elles auraient permis d’avancer nombres d’arguments, d’exemples, de propositions politiques qui par définition manquaient. Peut-être que les revendications, que l’on peut retrouver sur Rebellyon ou le no logo n’intéressent que nous ? Malgré les infokiosques qui ont bien fonctionné, c’est dommage de n’avoir pu profiter d’un public de plus de 1 000 personnes qui sortaient des sempiternels convaincus. Dans le même temps, l’absence d’orgas nous permet d’éviter de devoir négocier et de rentrer dans le jeu classique des manifs - « combien k’on est ? » « On fait un service d’ordre ? » ... Je n’oublie pas pour autant la présence de nombreux militants syndicaux et associatifs... Ni le soutien reçu de la part de divers groupes suite à la répression de cette manifestive. Il me semble qu’à ce niveau , la solidarité fonctionne à plein.

d) L’organisation du cortège :

Pour une fois, l’organisation du cortège était plutôt préparée. Dès le départ de l’organisation, l’idée d’un centre de convergence s’est imposée.
Quels étaient son but et son fonctionnement ? Le but du centre de convergence était de matérialiser au sein de la manif un espace où il serait possible de glaner de l’info vérifiée (pour contrer les rumeurs) savoir s’il y a des forces de police à proximité via les éclaireurs et coordonner les différents médiateurs. De plus ce centre de convergence entreposait du matériel (eau, sérum physiologique, trousse de secours...) en cas d’agression policière.
Enfin, cet espace devait être un lieu de convergence des différents groupes affinitaires en cas de problèmes graves, pour prendre des décisions collectives et éviter que les personnes en tête de manif ou les "grandes geules" imposent leurs décisions. Dans les faits ce centre a bien fonctionné tant que la situation était calme mais lors de l’attaque du cortège par la police, son efficacité fut limitée voire nulle. Le concept paraît bon, à perfectionner.
Il y avait aussi des éclaireur-es, à pied ou en vélo qui avaient pour but de repérer en amont et en aval les forces de police et leurs éventuels mouvements.
Enfin plusieurs médiateurs-trices étaient réparti-es le long du cortége. Leur tâche principale était de rester vigilant-es, de calmer les esprits échauffés par l’alcool, bref, de faire en sorte que la manif se passe bien. En aucun cas il ne s’agissait d’un service d’ordre puisque nous comptons sur l’autogestion des manifestants pour assurer leur sécurité. Cela a plutôt fonctionné car plusieurs arrestations ont ainsi pu être évitées.

Une dernière équipe était chargée de collecter déchets et bouteilles afin de laisser les lieux publics propres.
Nous avions de plus mis en place des codes drapeaux. L’objectif de ces drapeaux était que les participant-es puissent se faire une idée de l’ambiance de la manifestive. 3 drapeaux pour 3 situations. Pour résumer : un drapeau vert signifiait que tout va bien ; un bleu que la situation se tend et qu’il faut faire attention (infiltration de civils, provoc, ou autre...). Le rouge signifiait un danger immédiat et qu’il fallait se grouper pour se protéger. Ce système a très bien fonctionné et a permis à des gens hors orgas de savoir ce qui se passait et de se sentir impliqués. Il a été évoqué l’idée d’établir un protocole à appliquer pour chaque changement de pavillon, mais cela paraissait trop compliqué à mettre en place. Peut-être une prochaine fois ? La signification des drapeaux a été expliquée dans les tracts "sécurité" distribués en début de manif. Ces tracts comportaient par ailleurs de nombreuses informations pratiques, légales, médicales, ainsi qu’un plan du parcours et l’emplacement des caméras de vidéo-surveillance de la ville de Lyon.
La gestion des nombreux véhicules pose problème avec des effets de "grappes" de gens autour, ce qui offre de nombreuses failles dans la cohérence du cortège. C’est un point qui mériterait réflexions.

2) Le déroulement de la manifestive.

Plusieurs compte-rendus existent sur Rebellyon et sur des forums teckno, c’est pourquoi j’en fais un résumé rapide.

a) Le départ :

Le départ de cette street a été marqué par quelques cafouillages. Tout d’abord nous avons eu 1 heure de retard, ce qui a modifié nos plans. La premère heure devait être consacrée à de la sensibilisation sur les thêmes "No Border" que nous avions développés, et sur les dangers en manif. Cette heure devait aussi permettre aux gens de se déguiser, de se maquiller, histoire de rompre avec le désormais classique vert kaki teufeur. Pas très envie de ressembler à une armée surtout pour un thème sur les frontières. Nous avons distribué des tracts sur la sécurité et les revendications pour expliquer notre démarche tant sur la forme que sur le fond. A cause de ce retard et des RG qui piaffaient d’impatience, seules deux interventions micro ont pu être faites. Dommage !

b) Un cortège festif :

Du coup ce cortège est parti. Cortège festif, coloré, rassemblant 700 personnes au départ, plus de 1 000 place des Terreaux. L’ambiance était bon enfant, et chaude sous un soleil éclatant. Tout au long du parcours des actions symboliques (du collage d’affiches, à la destruction de distribes) ont eu lieu. A noter que ces actions, bien préparées, n’ont jamais mis le cortège directement en danger. La police est quasi absente du cortège et/ou laisse faire.

c) Incident place des Terreaux :

On arrive place des Terreaux par la rue de la République et le nombre de flics civils infiltrant le cortège augmente rapidement. La tension monte. On décide de changer de pavillon pour passer au bleu.
Place des Terreaux, une pause est marquée sous les regards intrigués des badauds et des consommateurs. C’est aussi l’occasion de faire des provisions de bières aux petites épiceries du coin qui ont dû voir leur chiffre d’affaire exploser...
Le cortège repart pour Saint Paul. Soudain les choses se précipitent. Des flics en civil sans brassard essayent de choper des gens dans le cortège. Ils se font repousser, preuve de la solidarité entre manifestant-es. Du coup il sortent leurs armes (flash ball, matraques) et gazent l’arrière du cortège pour se dégager (voir Rebellyon quel article ?).
Puis c’est l’arrestation de Virginie. Le temps semble comme suspendu, il y a comme un air d’émeute... Hésitation, peur, manque de réflexes , résignation ? Quelques bouteilles maladroitement lancées volent vers les flics, en train de menotter leur victime. L’une d’elles blesse, sans gravité... un manifestant. Finalement l’émeute ne vient pas. On ne saura jamais si cela aurait été mieux ou pire (plus d’info sur Rebellyon).

d) La fin de la street :

Le cortège poussé par quelques gaz reprend sa route vers St Paul. Là, l’ambiance se détend petit à petit. Tout le monde hallucine sur la violence de cette arrestation arbitraire et sur les gaz lancés. Mais la fête continue pendant que de plus en plus de flics et CRS se rassemblent sur les quais de Saône. La manif touche à sa fin. Certains “sons” ont du mal à couper et plier, ce qui maintient une partie des manifestants sur place. On est de moins en moins nombreux. Malgré nos nombreux conseils de départ et l’agitation croissante des flics, des gens restent devant la gare St Paul. La fatigue d’une longue journée de danse sous le soleil, l’alcool, les émotions ou l’envie de prolonger la fête, plus l’inconscience font qu’ils restent là. Je n’y tiens plus et part par la passerelle St Vincent que je sais non gardée. 5 mn plus tard mon portable sonne : les CRS chargent sur la place et dans les rues avoisinantes. Il y aura 5 arrestations pour des motifs fallacieux.

3) Les procès.

Les procès ont été suivis par l’équipe de Rebellyon ; Plutôt que de paraphraser, je vous invite donc à lire les articles ici, ici, et encore .

Un premier bilan de cette manifestive.

Après ce bref résumé des faits tels que je les ais vécus (organisation, déroulement de la manifestive, procès ) j’aimerais tenter un premier bilan.

1) Décalage et / ou confusion entre organisateurs-trices et participant-es

Pour commencer, ce qui frappe, c’est qu’il semble qu’il y ait un décalage et/ou une confusion entre les organisateurs des street parties et les participants. Si les organisateurs (activistes sonores et/ou politiques) étaient clairs sur la dimension politique de l’événement, ce n’était pas forcément le cas de l’ensemble des gens sur place. Problème récurrent. Ce n’était pourtant pas la première manifestive sur Lyon mais il semble que des efforts de conscientisation restent à faire malgré les revendications - pas assez visibles, j’en conviens - formulées lors de cette manifestive et des autres. On a pu ainsi voir un bon nombre de teufeurs qui n’étaient peu ou pas au courant du pourquoi avant d’arriver. Manque d’infos en amont ? Manque de banderoles ? De prise de paroles ? Sûrement. Inverser aussi le processus, et amener des infokiosques , des chill-out végétariens, des idées et des pratiques en teuf pour informer en amont véritable de ce qui se joue.

2) Action directe et ses limites

J’aborde maintenant l’action directe et ses limites durant cette manifestive. Pour commencer, je me refuse de juger ces actions qu’elles aient été strictement symboliques ou qu’elles aient entraîné des destructions matérielles. A mes yeux, aucune action n’a mis en danger directement le cortège. Elles étaient réfléchies, discrètes, cohérentes et justifiables dans la mesure où aucune personne n’a subi de violences. De plus, il n’y avait pas de limites clairement fixées dans l’appel à la manifestive, seulement un appel aux "groupes affinitaires bienvenus". Il serait injuste de reprocher à ces groupes leurs actions d’avoir entraîné la répression policière. Répression qui se serait de toute façon manifestée.
Cependant on ne peut passer sous silence l’impact de ce genre d’actions sur un tel événement.
Pour certains minoritaires, il s’agissait d’une fête, et donc ce n’était pas le lieu pour de telles actions. A l’évidence ces personnes n’ont pas participé à l’organisation, ni de près, ni de loin. Plus sérieusement, on pouvait se douter qu’après des actions, même minimes, il y aurait des réactions policières, même si elles ont été disproportionnées et irraisonnées. Or, les participants à cette manif étaient pas ou mal préparés à une intervention musclée de la police ; soit par méconnaissance des techniques de défense et de bon sens en manif, soit parce qu’ils ne s’attendaient pas à cela dans une manifestive. Peut-être que nous avons pas assez mesuré l’impact des groupes affinitaires sur le cortège des manifestants disposant finalement d’une culture de manif assez pauvre.
Enfin, il me semble que les participant-es de ces manifs sont facilement stigmatisables par les gens de la rue et les journaleux. « Ah, ces punk-à-chiens ivres qui cassent tout ! » Je pense que c’est un facteur qu’on doit prendre en compte.

3) Un bilan somme toute positif

Dans l’ensemble, je trouve malgré tout le bilan assez positif.
Je pense qu’on a assisté à une certaine reprise de l’offensive tant au niveau des revendications (voir appel street) qu’au niveau de la pratique (mise en place de groupes affinitaires, action directe, réapropriation de l’espace public,....) Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait assisté à une manif si radicale.
Deuxièmement, même si c’est un travail de fourmis, difficilement palpable, le travail de sensibilisation, entamé il y a plusieurs années dans les différentes streets, progresse. Les thèmes anti-autoritaires, anti-racistes, pour la gratuité et l’entraide, la décroissance sont bien implantés dans la culture teuf. Ce travail difficile doit être continué pour donner un nouveau souffle à une jeunesse majoritairement consumériste.
On a pu aussi assister à une formidable solidarité dans la manifestive qui m’encourage à croire qu’un cortège sans SO peut se prendre en main, s’organiser, et réussir. La solidarité après les arrestations (travail de récolte de témoignages, rassemblements, soutien pendant les procès, free partie,...) qu’elle provienne d’individu-es ou d’associations a été aussi très forte et semble en partie porter ses fruits.
Et puis c’était une belle fête avant que les flics ne viennent foutre la merde. Des sons divers, de la déco, des jongleur-es et autres performeurs, des rencontres d’inconnu-es ou des vieilles connaissances, du partage, bref une véritable petite TAZ (Zone Autonome Temporaire) en centre ville, le temps de quelques heures...

Quelques perspectives

- On peut dire que les flics ont eu sacrément peur comme le prouve leur réaction paniquée qui a mis en danger la manifestation et leurs propres personnes, mais aussi les enregistrements vidéo, et la réaction médiatique du principal média écrit du coin : "Le Progrés". Il faut alors forcément justifier cette peur et ce cafouillage, d’où le mythe des groupes anarchistes occultes, organisés en commandos mettant les femmes devant par peur de l’arrestation. Non mais ! Comme si une femme ne pouvait elle aussi détruire et assumer ses actes ! Il est classique chez les élites de fantasmer sur un quelconque complot des classes dangereuses, ici, les marginaux et les anarchistes. Classique aussi la lecture binaire des réalitès complexes. Il y a forcément des groupes organisés qui tirent les ficelles. Il ne leur vient pas à l’idée que les gens puissent réagir spontanément, ou qu’ils soient beaucoup plus en colère qu’ils ne le souhaiteraient. Il s’agit aussi d’un fantasme entretenu par les RG qui, par tradition corporatiste et pour se donner de l’importance, exagèrent toujours l’organisation de leurs " ennemis". Ainsi ils s’imagineront un groupe très structuré, avec des têtes (éventuellement décapitables) et des pions. Bien heureusement nous ne fonctionnons pas comme ça. Pas de chef, pas de tête à couper. Pas d’organisation, ou très peu (pas assez ?) donc pas de véritable réseau à démanteler. Des projets temporaires avec des collaborations temporaires, donc pas vraiment d’objectif à déjouer. Le fait d’être hors cases est un atout important pour nous.

- Au delà du cas de cette manifestive, c’est le procès de l’action directe qui a été fait. L’État, par sa police, et sa justice (voir le résultat des procès plus qu’en demi teinte) réprime immédiatement une foule de manifestants ne se comportant pas comme il le souhaiterait : on marche sur la chaussée, derriére un SO, on crie un peu , un sandwich, une bière, et on rentre. Qu’une poignée d’entre eux sorte du cadre toléré par des actions, et que l’ensemble danse et fasse du bruit, voilà qui n’est pas tolérable. Développer l’action directe et la désobéissance nous expose aux forces de répressions. En même temps, ce que l’on fait est légitime : il ne s’agit pas de lutte armée ou de stratégie de la confrontation.

- C’est pourquoi je penche pour la transparence totale de nos idées et de nos actions (on peut rester malins quand même ; -D...). Trop de parano dans nos milieux... De toutes façons c’est clair que, pour l’instant, on ne fait pas vraiment peur aux élites. Donc à part les cibles définitives, qui doivent rester le secret des groupes, je suis pour que l’on dise tout ce qu’on fait, comment et pourquoi. Revendiquons nos penchants libertaires et radicaux. Ne nous laissons pas marginaliser. Notre lutte est juste et l’objectif est de convaincre suffisamment de gens pour que la balance penche enfin de notre côté. Donc ouverture, et "culte" de la transparence .

- Je pense que nous devons, sans nous renier, être adaptables. Ne nous laissons pas stigmatiser. Il faut absolument qu’on lutte contre l’image de gens bizarres, inquiétants, "casseurs", irresponsables car utopiques, en uniforme militaire ou noir, une horde de jeunes qui envahissent la ville - même si pour ma part j’assume cette image qui est une des facettes de la réalité de notre région ...
Nous devons faire des efforts d’imagination, pour inventer ou recycler des pratiques et des actions, surprendre, être toujours en décalage avec les attentes, et toujours l’humour...

- Tout cela implique de ne pas se "vendre". Il ne faut pas qu’on tombe dans le spectaculaire, mais pas non plus nous renier. Notre discours est radical, nos rêves sans limites, nos pratiques sont multiples, et il faut assumer.

- Comment peut-on s’y prendre à Lyon ou ailleurs ?

Il y a un vrai effort de propagande à faire. Par le Net, mais surtout sur le terrain réel. Collages, débats, tractages, actions médiatiques ou symboliques, utilisation de l’espace occupé et à récupérer à JC Decaux and Co...
Mais aussi continuer à avancer des arguments construits et précis, donc faire un effort de recherche sur les thèmes que l’on décide d’aborder.
Utiliser des techniques plus adaptées, qui nous font moins "tendre le cou" aux flics. Etre plus drôle, peut-être plus situ... Ou expérimenter des techniques de blocages non-violents, ou encore opter pour toutes ces solutions en fonctions des objectifs...
Il me semble qu’on devrait aussi mieux se coordonner avec les autres... L’expérience acquise dans l’autogestion de cortège sans SO basé sur la confiance en l’individu pourrait être profitable à d’autres formations. On pourrait utiliser le degré de "prise de conscience" chez les militants pour enrichir des festivals... On pourrait s’allier... le temps d’une nuit ou dans la rue (voir par exemple Free Fest sur Rebellyon).
Dans tous les cas, il semble difficile de faire une nouvelle manifestive tout de suite, si ce choix est fait dans les mois qui arrivent, je pense qu’il y aura un travail très important à faire sur les violences policières... Nous saurons rebondir, j’en suis sûr.

Pilouz

PS : Cet article a été écrit entre juin 2005 et septembre 2005. C’est à dire avant le jugement en appel de Luis et Christian et les émeutes d’octobre 2005 dans les quartiers populaires de France. C’est pourquoi on peut avoir l’impression qu’il est légérement dépassé.
Cependant les récentes condamnations de Luis et Christian ainsi que celles des jeunes ayant participé aux émeutes montrent que l’Etat cherche vraiment à casser toutes vélléités subversives et insurectionnelles... Si on pouvait en douter. De même les fausses accusations mettant en scéne des anarchistes dans les affrontement place Bellecour avec les forces de l’ordres montre la volonté des médias dominant d’entrenir la peur des anarchistes.Toujours pas nouveau...
Plus que jamais l’État cherche à faire taire toutes luttes s’émancipant du cadre ( encore ) toléré de la contestation classique ( manifs, pétitions, ...) L’État et la classe dominante prendraient ils peur ??? Plus que jamais ACTION DIRECTE ( qui ne veut pas forcément dire violente ), DÉSOBEISSANCE !!!


Quelques liens pour approfondir :

    • Darkkorp, un site d’info techno, avec notamment un report complet sur la répression du Czechtek 2005, mais aussi la législation concernant les teufs et des infos sur le mouvement en France et en Europe ;
    • 3boom pour avoir une idée sur où en est le mouvement teuf ;
    • Okosystem, le site d’un collectif qui vaut le détour pour mieux se rendre compte de l’interaction teuf et politique ;
    • Touarek.org, un collectif qui supporte le mouvement techno mais qui donne aussi des conseils législatifs sur le droit au logement, les LSI, LSQ, les stupéfiants et toutes les lois se rapportant à la répression des teufs.

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