Ma ville natale, celle que j’aime, que je chérie, que j’adule, celle dans laquelle j’ai tant de souvenirs indélébiles, celle dans laquelle je flâne sans plus penser à rien. Celle dans laquelle j’ai ri, j’ai couru, j’ai défilé le jour de la Gay Pride à moitié nue, dans laquelle j’ai déambulé tant de fois.
Cette même ville qui aujourd’hui se transforme en massacre. Ont-ils conscience de quelque chose ? Réalisent-ils qu’il faut agir ? La ville est en sang, en pleurs et en panique. C’est « la guerre » comme on dit. Et on le pense. On ose plus aller en ville. Bellecour c’est tabou. Même pas la peine d’y penser. Mais moi j’y pense sans arrêt. Est-ce que c’est vraiment à nous que ça arrive ? Mais où est-ce que je vis ? C’est quoi ces flics, ces gars de l’armée qui vous volent nos rues ? C’est qui ces gens qui détruisent nos magasins ? Et bordel ! C’est quoi cet hélico’ qui noircit le ciel, là-bas ?
Je vis à Lyon et nous sommes en octobre 2010. Je suis choquée, révoltée, mais non, je n’ai pas peur. J’ai juste trop la haine, elle m’étouffe. Je crierai bien ma rage. J’irai bien en ville, moi aussi, me faire taper dessus, prouver que j’existe et que je ne les laisserai pas faire. J’ai même plus mal quand les CRS balancent les grenades lacrymogènes. J’ai même plus mal parce que ce que je ressens envers tout ça, c’est énorme, bien au dessus de la douleur physique, des yeux qui gonflent, de la gorge qui gratte et du nez qui pique. C’est plus fort que la matraque, et plus violent que les flashballs.
Je n’ai pas peur. Je le répète, je n’ai pas peur. Mais je me demande ; est-ce que les habitants de Lyon trouvent ça normal ? Pas de soucis l’hélico, tant pis les lacrymos, mais a-t-on déjà vu ça ? Il y a quelques temps, j’ai étudié la Seconde Guerre Mondiale en cours. J’ignore pourquoi, mais irrévocablement, les événements récent m’y font penser. Peut être à cause de l’invasion dans nos rues ? La présence perpétuelle des forces de l’ordre ? Les contrôles d’identités ? Portera-t-on une étoile jaune « casseur » ou « révolté » ? Ou bleu blanc rouge, pour l’ironie ? Est-ce désormais une tare, un secret que de ne pas être d’accord avec le gouvernement ? Des bus ont emporté les personnes arrêtées, ce jeudi. Direction… On sait pas trop. L’Auschwitz moderne, qui sait. On dira peut être que j’exagère, n’empêche que ça y fait drôlement penser ! Peut être que je serais blâmée pour tenir de tels propos, mais désormais plus rien ne m’arrête. On pourrait me pister sur internet, parce que j’ai insulté les Crs sur mon statut Facebook. Quand on sait que y’en a qui ont peur de ça, on comprend mieux pourquoi tout ça se passe aujourd’hui.
Mais n’empêche que tout ça, c’est pas normal . Il faut que ça cesse. Que la ville redevienne ce qu’elle était… Qu’on respire enfin l’air d’avant, pas celui qui déchire les narines. Faudrait que le seul bruit qu’on entende soit celui de la circulation habituelle, des rires des enfants à la sortie de l’école, pas celui des tirs et des cris survoltés. Faudrait que les gens puissent aller faire leurs courses sans avoir à se faire fouiller, prendre en photo, contrôler.
Et j’ai beau dire tout ça, Bellecour restera à jamais gravée dans ma mémoire, comme l’endroit des désastres, de la séquestration. Et toujours viendront me hanter les images des CRS qui me foncent dessus, des visages en pleurs des gens touchés par les gaz. Toujours je me souviendrai du dix neuf octobre deux mille dix. Le jour où j’ai appris qu’en fait, les forces de l’ordre, d’après leur nom, recherchent l’ordre et le calme, mais qu’elles et moi, on aura jamais la même définition de ces deux mots.
>Violences policières, l’escalade ?
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