Nouvelles lettres de Damien Camélio, anarchiste emprisonné

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A sa demande, nous publions ces nouvelles lettres de Damien reçues au mois de mai.
Cela devient très compliqué pour lui par rapport à « la torture blanche » qu’il subit : coupure d’électricité quand il lit ou écrit, interphone allumé H24, lumière dès qu’il dort, coups sur la porte quand il arrive à dormir malgré la lumière...

Le 11/05/2014

Salut à tous et à toutes,

Merci de ne pas m’avoir fait le même reproche que certainEs : celui d’avoir, lors de ma grève de la faim, fait des concessions à l’État et le gouvernement français dans le seul but de venir en aide à ma chérie.
Ici, je ne peux pas poser du C4 ou partir avec mon AK organiser une évasion...ça je le faisais à l’extérieur...
Alors, pour préciser, Noelia s’est encore faite agressée par les surveillants et elle passe encore en jugement le 21 mai pour s’être défendue.
Ces ... l’ont envoyé dans le quartier d’isolement des hommes, sans télé, sans affaires. Noelia a déjà subit des abus sexuels en 2012 par un surveillant. Ce coup-ci je l’annonce à l’avance, le prochain qui lui fait subir ça...

Cette lettre est lue par les services de renseignements et j’en ai rien à foutre. En sortant de ce trou pourri, je repartirai en clandestinité pour libérer tous les nôtres Anarchistes.
"porque el dever de todo Anarquista es : combatir al Estado y al capital de todas las formas posibles ; liberar a las camaradas de las garras del Estado cuando son detenidos, y vengar la memoria de los camaradas torturados o asesrnados par el Estado" (Noelia le 27/04/2014).

Le CP dans lequel je suis est le CP le plus sécurisé de France, c’est de la putain de haute sécurité et je suis classé DPS (détenu particulièrement surveillé) par risque d’évasion.
Ils viennent constamment mater en cellule, la nuit aussi. Impossible de dormir plus d’une heure d’affilée. Une bonne partie de mon courrier est bloqué : la dernière lettre de Francisco Solar a mis 2 mois avant d’arriver ; Monica Caballero bloquée, Noelia bloquée, Marina (Felury) bloquée, Christine Ribailly (Rennes) bloquée, et bien d’autres encore...
Bien sur, j’ai la permission de rien : ni sport, ni les cours (même par correspondance, refus de Paris), une heure de promenade dans une cour minuscule et, évidemment, histoire que je sois complètement dépendant de l’extérieur, pas de travail.

A la fin de ma grève de la faim (15 jours), j’avais perdu 10 kilos et je pissais du sang, j’ai failli perdre un rein parce que les 5 derniers jours, je ne buvais plus d’eau. Mon hospitalisation a été repoussée puis abandonnée encore une fois pour risque d’évasion.
Mon transfert s’est décidé dans l’heure, en urgence, toujours à cause du risque d’évasion, et ce sont les plus hauts gradés de la MA de Pau qui l’on fait : voitures blindés avec sirène à balle, blocage de la circulation, gilets par balles (pour eux, pas pour moi), armes de guerres ; moi j’étais encadré, menotté, entravé...
Malgré leur putain de démonstration de force, ce fut un plaisir d’apercevoir leurs regards apeurés dans leur putain de cercueil roulant. Ils ont profité de mon transfert pour me voler des affaires : vêtements, papiers, articles de presse, revues, courriers... Et jusqu’aux photos de Noelia que j’avais !!

Ce qui ne m’a pas été volé m’a été retiré pour "apologie du terrorisme".
Les lettres de mes avocats bien que confidentielles sont ouvertes...
Ma sœur a été mise sous surveillance par la DCRI, elle ne l’a pas supporté et elle a fait une fausse couche.
Je considère la mort de mon futur neveu comme un assassinat d’État ! Et je réclame vengeance !

Au moment où je vous écris, il y a 2 avions de chasse qui tournent dans le ciel, zone aérienne protégée par une base militaire...
Comprenez que dans ces conditions je ne peux rien faire par moi-même...
La spécialité ici, c’est la camisole chimique, les psychotropes sont distribués à tour de bras.
Étant donné que je les refuse, ils me font du chantage aux RPS :
"Si tu as un suivi psychiatrique (comprenez si tu te gaves de cachets), tu obtiendras des remises de peines".
Ce à quoi j’ai répondu :
"Allez vous faire ... vous et vos RPS.
La liberté ne se mendie pas, elle se prend !
La liberté ne s’achète pas !
La liberté ne souffre d’aucune condition !"
"La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma propre liberté, en est au contraire l’indispensable condition".

"Appliquez donc cette citation de Bakounine à vous-même tas de cons !
Les grâces sont pour les curés !
Les remises de peines pour les lâches et les traîtres !
Je les refuse en bloc et je vous emmerde !"

Il faut avoir été DPS (ou FIES en Espagne) dans leurs putains de centres d’exterminations fascistes pour comprendre ce que l’on vit ici.
Comme il suffit d’avoir vécu la torture pour arrêter d’en parler.
Dans mon aile, il y a un de mes compagnons en lutte qui a dû par deux fois se couper le doigt avec un couteau qui coupe autant qu’une cuillère pour prouver sa détermination afin d’obtenir un parloir avec sa femme.
Qui osera me dire que ce "droit commun" n’est pas lui aussi un preso politique ?
Il est actuellement amputé d’un doigt car la 2e fois ils ne lui ont pas recollé avec une broche.
Et son parloir, il ne l’a toujours pas !

Nous sommes tous des putains de presos politiques pour la simple et bonne raison que sans ce putain de capitalisme, sans ces putains d’États de merde qui ne sont là que pour assurer la protection de la classe dominante, aucun d’entre nous ne serait séquestré ici.
99% des presos le sont par nécessité économique. Et à notre revendication de détruire les prisons, on nous répondra encore et encore : oui mais les 1% restant, les violeurs ?
Toujours la même justification à la con pour maintenir ce système de merde en place.
Surtout quand on sait que les plus gros violeurs sont tranquilles en liberté pour être nos représentants politiques, nos chefs d’entreprises, et violent en toute impunité les femmes, les enfants et tous ceux qu’ils ne peuvent pas acheter.

L’État lui-même viole les presos ici-même, dans les murs de la prison. Ces mêmes États qui trouvent la justification de ces mêmes prisons dans la protection contre les viol, les utilise pour assouvir les bas instincts des putains de fachos qui nous séquestrent.

Elle est là réalité des MA, des CP, des centrales et de tous leurs centres de tortures à la con.

Parlez nous de sécurité et nous vous parlerons d’oppression !
Ser Anarquista, no se proba con palabras, se proba par el hecho !

Damien Camélio et Noelia Cotelo Riveira
(je signe aussi de la part de Noelia sur sa demande)


14 mai 2014

Ci-git la dignité humaine, tombée sous le feu de la raison d’État.

Tout ce que nous dénonçons à l’extérieur est ici multiplié par 100, par 1000, la prison agit comme un laboratoire pour que le capitalisme expérimente ce qu’il appliquera demain de lautre côté de nos murs.
Et d’autant plus dans ces CP dernières générations privatisées.

Ici, l’entreprise privé vend à l’État, elle vend la mort, la torture, les souffrances ; elle vend les suicides, elle vend l’extermination ; elle vend tous ces produits dont nous sommes nous-mêmes les matières premières.
Il faut venir ici pour comprendre pourquoi nous les appelons « centres d’extermination fascistes », il faut avoir vécu et senti la détresse de toute cette population carcérale qui sont les produits numérotés d’une vaste chaîne de dé-montage.
Le taylorisme appliqué à la matière humaine...
La rentabilisation du sang des insoumisES...
Les détenus sont incités à prendre encore et toujours plus de psychotropes afin de rendre la matière humaine malléable.

Il y aune règle tacite : plus tu prends de cachets, plus tu as de réductions de peine.
Et peu importe si ces mêmes cachets provoquent autant de décès :
5 morts ces 2 derniers mois dans mon CP, 5 morts sur 800 détenus (en fait on est 560 mais j’ai déjà envoyé un exemplaire avec le chiffre 800) d’une moyenne d’âge approximative de 27 ans !!!!
Dont un mort aujourd’hui même.
3 tentatives de suicide ces deux dernières semaines dont un tiers dans mon aile.
J’ai pu constater de mes yeux l’état dans lequel mon compagnon est revenu de l’UCSA (service hospitalier de la prison). Il était encore plus mal qu’à l’aller ! Un vrai zombie !

Et je ne suis pas certain que sans le réconfort que nous avons essayé de lui apporter, ce jeune (vingtaine d’années) aurait passer la nuit suivante...
Le seul soutien psychologique que lui ai apporté l’UCSA, c’est une piqure d’aldol dans la cul (un psychotrope hyper puissant). Sans même à chercher à comprendre ses souffrances, une piqure !
Comme on pique aux hormones ou aux antibiotiques un bœuf d’élevage industriel avant de l’envoyer à l’abattoir afin de s’assurer la rentabilité maximale avec un moindre coût...
Une piqure et tu repars dans le circuit industriel de la viande humaine.

Et les voilà leurs CP haute sécurité dernière génération dont tous les gouvernements nous vantent les mérites de modernisme, de salubrité et de sécurité.
Il y a devant l’UCSA une plaque commémorative de l’inauguration du CP par Rachida DATI en 2008.
Je trouve l’endroit très bien choisi pour y dresser cette plaque mortuaire. Seul le message est inadéquat, il devrait être :
« Ci-git la dignité humaine tombée sous le feu de la raison d’État ».

Il est grand temps de les détruire ces putains de prisons !
Nous, Anarchistes, nous nous faisons un devoir de prouver par l’exemple que l’insoumission et la dignité reste possible ici-même. Et l’exemple est communicatif, il est contagieux.
C’est notre devoir de combattantEs séquestréEs de rendre honneur et fierté à ces femmes et ces hommes oppresséEs.
Le votre à l’extérieur est de prouver que rien n’est perdu, qu’abattre les murs des centres de torture des États est encore chose possible.
Et tous les moyens seront bons !

Damien Camélio
Cosigné avec Noelia Cotelo Riveiro

P.-S.

Pour écrire à Damien :

DAMIEN CAMELIO
n°5057
Centre de détention de Mont de Marsan
Chemin de Pémégnan
BP 90629
40000 MONT DE MARSAN CEDEX
(France)

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