Mais bon, j’ai le droit car comme dit le poèteuh : « J’écris pour des raisons qui poussent les autres à dévaliser un bureau de poste, abattre le gendarme ou son maître, détruire un ordre social. Parce que me gêne quelque chose : un dégoût ou un désir. » [1]
Ils sont nombreux les nouveaux et nouvelles séduites par notre aboyeur-mangeur de banquiers [2]. Il faut reconnaître que le bougre est plutôt bon tribun, il suffit pour s’en convaincre d’observer la tronche de ces gens qui sortent la rage au coeur - on remarquera qu’elle n’est plus au ventre - d’un de ces meetings dans une de ces froides nuits d’hiver où crèvent les SDF qui n’ont pas écouté les conseils de Nora Berra. [3]
Quand ceux qui luttent contre l’injustice
Montrent leurs visages meurtris
Grande est l’impatience de ceux
qui vivent en sécurité. [4]
Oui, car le mélenchon a ceci d’intéressant qu’il remplit le ventre des gens, les rassasiant jusqu’en haut du goulot et leur faisant presque oublier quelques fondamentaux que toute personne voulant réellement en finir avec ce système capitaliste, patriarcal et raciste, ne devrait pas oublier. Mais si on gratte un peu la peinture lutte des classes, si on regarde un peu de plus près cette fameuse révolution citoyenne - concept qui vaudrait quelques vente d’album d’un mauvais reggae - et qu’on se fixe plus au-delà du tritpyque mélenchonien [5], on se rend compte qu’on se fait arnaquer.
Ou à moins que celles et ceux qui l’écoutent soit ces gens qui vivent déjà en sécurité et qui s’en contrefichent, finalement, de détruire cette machine qui nous broie quotidiennement ; ils se limitent sagement à un antilibéralisme sexy. Et puis de toute façon, même l’anarchiste du président [6] nous assure qu’il peut exister un capitalisme libertaire.
Je sais, on a tous des avis différents sur le comment de la transformation sociale et il y a sûrement des gens plein de bonne volonté sous l’aile de Mélenchon. Mais bon, de la bonne volonté les jésuites aussi en ont et ça n’en fait pas des camarades pour autant.
Je sais, les anarchistes sont des petits-bourgeois qui attendent une illusoire révolution et qui se complaisent dans leurs délires utopistes et théoriques remontant à la Ire Internationale pendant que le Peuple crève de faim. Il faut agir, vite ! Vite ! On ne peut plus attendre ! Réformons ! Réformons !
Il y a deux sortes de pitié. L’une, molle et sentimentale, qui n’est en réalité que l’impatience du coeur de se débarrasser le plus vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la souffrance d’autrui, qui n’est pas du tout la compassion, mais un mouvement instinctif de défense de l’âme contre la souffrance étrangère. Et l’autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu’elle veut et est décidée à persévérer jusqu’à l’extrême limite des forces humaines. [7]
Vous oubliez que la domination et l’oppression économique n’est pas juste une question de néolibéralisme ou non, mais bien due à cause de l’existence du capitalisme comme mode de production. On ne détruit pas un tel système à coup de décrets ou de lois, c’est oublier que son fondement repose sur la propriété privée et que sans abolition de cette dernière, survivra une société inégalitaire formée de classes sociales. Et ce n’est pas un anarchiste qui va vous apprendre ce que tonton Marx a rendu populaire dans les années où socialisme ne rimait pas avec cette farce électorale que vous me présentez. Le travail pour vous reste une valeur sacrée, votre-plein emploi c’est de la pleine-aliénation ; je ne critique pas vos moyens je critique vos fins, votre idéal de société. Dans la mienne, le travail sera aboli [8] et on produira nos propres moyens d’existence matériels et non-matériels.
Lire votre aboyeur se posant comme antisexiste passerait pour divertissant si les gens ne se mettaient pas y croire. Outre ces frasques sexistes et misogynes qu’il partage avec les gens de sa classe, celle des autres législateurs couillus qui composent la classe dominante, personne ne nous fera croire que sans la disparition de ce système patriarcal, sexiste et hétéronormée qui plus est, on arrivera à quoi que ce soit d’égalitaire. Et pour cela, il faudra abolir le système de genre et détruire la famille dans sa forme traditionnelle. Et peut-être au passage couper quelques paires de couilles, c’est qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
La nature de l’État est intrinsèquement répressive et bien plus complexe que l’on ne le montre. Comme si le simple fait de changer de capitaine sur un bâteau, de tourner la barre et changer la vitesse de croisière, suffisait à régler définitivement le problème. Quand tu navigues sur un océan qui suinte la misère, t’auras beau changer de capitaine, de cap, et même de bâteau, ça n’y changera rien.
Se placer dans un discours qui justifie l’existence de l’État, c’est déjà reconnaître sa légitimé et s’en faire l’allié ; c’est à dire l’allié de celui qui tend la bâton pour battre la jeune parce qu’Arabe, parce que lesbienne, parce que meuf, parce que révoltée, parce que sans papier, parce que pauvre, parce que, parce que...
Mais il y a une chose qui retient plus mon attention que toutes ces autres discussions : mais comment vous pouvez vraiment croire que le premier type va arriver au pouvoir et faire table rase de toute la machinerie étatique ? Une douloureuse expérience historique ne nous l’enseigne que trop ; même la caricature du bonhomme qui prend son blanc cassis au bistrot nous le raconte : “Tous des pourriEs” (cette caricature, c’est le fameux mépris de classe des bourgeois qui se rient de ceux qui tentent de survivre et s’organiser en bas).
Au mieux mélenchon et ceux qui suivent sa voix (non ce n’est pas une faute d’orthographe) sont idiots, au pire ils sont mal attentionnés et ne recherchent que le pouvoir. Dans tous les cas c’est un échec. Sa critique de la société est spectaculaire, rien de plus.
Les spécialistes du pouvoir du spectacle, pouvoir absolu à l’intérieur de son système du langage sans réponse, sont corrompus absolument par leur expérience du mépris confirmé par la connaissance de l’homme méprisable qu’est réellement le spectateur. [9]
Oui, le mélenchon est un spectacle, celui d’une gauche qui se morfond dans l’impossibilité d’assumer une critique réelle du capitalisme, du patriarcat et du système raciste ; et bien sûr de passer aux actes, car personnifier le problème à Mélenchon est également une belle erreur. Vos fantaisies ne sont qu’aliénation.
C’est votre job en fait que vous défendez, la place à gauche que vous occupez existe car vous l’avez longuement chauffée au préalable en mentant aux gens, en leur vendant de faux rêves et en mobilisant le quotidien de celles et ceux qui galèrent. Et à la limite, ça pourrait ne pas être trop grave si vous ne vous amusiez pas à essayer de faire culpabiliser tous les gens de bonne volonté qui luttent ou qui galèrent depuis bien plus longtemps que vous qui vous chauffez le cul sur une chaise d’un meeting du front de gauche ; mais si ceux-là ou les autres refusent de voter, c’est qu’ils ont une bonne raison et qu’ils préfèrent s’organiser loin de vos délires de démocratie représentative et qu’ils n’en veulent point de votre « projet politique ».
..et puis, et puis, Mirbeau avait tellement raison quand il écrivait dans La Grève des électeurs [10]
:
Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.
Réformistes, vous pouvez toujours repeindre nos cages, nous, on continuera d’en scier les barreaux. [11]
Signé : Un révolté qui fait sûrement le jeu du FN ou de l’UMP.
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