Quelques points d’information sur les populations Roms

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Malgré de nombreux préjugés sur le peuple Rom dont ils ont été et sont encore victimes, et ceci partout en Europe et particulièrement en France, ce texte rappelle un bout de leurs histoirse et de leurs situations sociales à Lyon.

Le peuple rom

Les Roms sont originaires du Nord de l’Inde, et sont arrivés en Europe tout d’abord aux 14 et 15e siècles. En France, la présence des premiers Roms à Paris est attestée au 14e siècle ; ce sont ces premiers arrivants qui sont devenus les Gens du Voyage. Français depuis fort longtemps, ils continuent aujourd’hui à vivre à travers le voyage et l’itinérance, notamment en lien avec leurs métiers et savoir-faire (forains, rempailleurs, récupération de métal, vendeurs sur les marchés, etc…). Depuis, il y a eu plusieurs vagues de migrations de Roms à travers l’Europe et le monde, en fonction des conjonctures géopolitiques et économiques : guerres entre Empires austro-hongrois et ottoman, abolition de l’esclavage en Roumanie au milieu du 19 siècle, guerres du 20e siècle, dont celles des Balkans et ouverture des pays de l’Est dans les années 1990, et plus récemment l’entrée dans l’UE de la Roumanie et de la Bulgarie. Ils sont aujourd’hui 7 à 9 millions en Europe, dont 300 à 400 000 en France ; il s’agit donc de la plus importante minorité européenne. Une minorité qui souffre de nos préjugés et de notre méconnaissance.

Sous le terme « Rom », qui signifie « Homme » dans leur langage, coexiste une incroyable diversité de groupes, d’histoires, de parcours, de modes de vie et de coutumes. Ils partagent cependant une langue commune, le Romani, dérivé du Sanscrit, qui se décline en autant de dialectes que d’histoires (ex : les Gens du Voyage et les Roms migrants de Roumanie se comprennent en partie). Depuis toujours, les Roms attirent l’attention des sociétés dans lesquelles ils ont décidé de vivre. Ils ont été violemment chassés, réduits en esclaves, « assimilés » de force ou internés en camp de concentration et d’extermination. Aujourd’hui, en Europe, en France, les politiques publiques (de gauche comme de droite) n’ont guère changé. Au motif de préjugés datant du Moyen-âge, les Roms vivent dans des conditions de vie terribles, intolérables, discriminantes, qui sont alors utilisées comme prétextes pour justifier ces mêmes politiques publiques.

Depuis quelques années, les pays européens, dont la France, ont vu l’arrivée successive de personnes roms essentiellement roumaines. La Roumanie est entré dans l’UE en 2007, et sous un régime transitoire allant jusqu’en 2012, toute personne roumaine peut venir séjourner 3 mois en France, et est susceptible, via le travail, de pouvoir rester aussi longtemps qu’elle le désire. Mais l’accès au travail est dans les faits impossible. Particulièrement visibles (migration familiale, conditions de vie précaires), les personnes roms migrantes sont quotidiennement l’objet de vives réactions de méfiance et de rejet, basées sur une méconnaissance et sur des stéréotypes qui datent pour la plupart du Moyen-Age (nomades, voleurs de poules, mangeurs d’enfants, délinquants, mafia, médiums, musiciens, etc.). Ce rejet est aussi violent concernant les Gens du Voyage, dont les caravanes stationnent au bord des autoroutes, des décharges, faute de terrains en règle pour les accueillir dignement. Toutefois, les problématiques diffèrent au niveau administratif : les Gens du Voyage constituent une partie de la population française, les Roms migrants s’inscrivent eux dans un contexte de migration européenne.

Aujourd’hui, les personnes roms sont exclues de nombreux droits fondamentaux, exclusion que l’on tend à expliquer par de soi-disant traits culturels, alors qu’il s’agit de fait le plus souvent d’une exclusion politique et administrative.

L’accès à un logement

En France, avoir un logement est un droit fondamental pour tous. Pourtant la plupart des Roms migrants, venus souvent de Roumanie, vivent actuellement sur l’agglomération lyonnaise dans des squats de locaux d’habitation ou d’anciennes usines, des cabanes, des voitures ou des tentes. La durée de séjour moyenne en squat est de trois mois. Sur la seule région lyonnaise, entre septembre 2008 et juillet 2009, au moins 19 expulsions de squats ont eu lieu, forçant à chaque fois une centaine de personnes à l’errance. Depuis les années 2000, de nombreux bidonvilles se créent et sont détruits ainsi dans différents endroits de l’agglomération.

Malgré les préjugés qui associent dans notre imaginaire, Roms et nomadisme, ce mode de vie n’est absolument pas leur choix et tous aspirent, comme chacun d’entre nous, à avoir un logement, droit auquel ils ont accès.

D’ailleurs, depuis 2005, plus d’une vingtaine de familles (soit une centaine de personnes) ont pu être relogées en hébergement provisoire (foyer) ou en logement social dans l’agglomération lyonnaise, dont 70. Depuis le 1er janvier 2010, 4 familles roms du bidonville Paul Bert (à côté de la Part Dieu) ont été relogées grâce aux procédures DALO (Droit au logement opposable), qui prévoit depuis 2008 le droit à un hébergement et à un logement décents et indépendants pour tout citoyen européen.

Des solutions existent donc, mais la volonté politique n’en permet pas la mise en place (dossiers bloqués ou rejetés, demandes abusives de documents, rejet des responsabilités entre les différentes institutions, etc.)

Pourtant, dans le parc privé comme public (hospices civiles, HLM) à Lyon, plus de 10 % des logements sont vides, alors que de nombreuses personnes, roms ou non roms, vivent dans des conditions inacceptables. La spéculation immobilière, l’immobilisme des pouvoirs publics et l’indifférence de la population sont ainsi responsables de la mort de nombreuses personnes chaque année. Ainsi, en 2007 deux petites filles roms sont mortes brûlées vives dans leur cabanon, sur un bidonville à Lyon. Alors que suite à cet incident, la préfecture et les élu-es du Grand Lyon, avaient dit haut et fort « plus jamais ça ! », un père de famille rom est mort de la même façon en février 2010.

De plus, d’autres solutions de relogement des personnes roms sur l’agglomération lyonnaise sont sans doute à inventer. Ainsi, certaines communes (Nantes, Lille, Montreuil, Saint-Ouen, Aubervilliers, etc.) ont mis en place depuis quelques années des MOUS (Maitrise d’œuvre Urbaine et sociale), visant à favoriser l’accès au logement de personnes en difficultés sociales, exclues des dispositifs classiques de relogement et la mise en œuvre d’un habitat adapté aux envies individuelles. Ces projets sont certes critiquables (sélection des personnes bénéficiant de ces dispositifs, gardiennage des « villages », visites limitées, etc.), mais d’autres expérimentations sont imaginables, intégrant les futurs locataires aux projets d’élaboration et de construction.

Alors qu’une MOUS avait été mise en place à Lyon pour la résorption du bidonville de la Soie en 2007, le nouveau préfet, Jacques Gérault, y a brusquement mis fin, alors que de nombreuses associations avaient commencé un travail de terrain, prétextant qu’il n’y avait plus de personnes roms sur l’agglomération lyonnaise ! Trois ans se sont écoulés et la plupart des familles roms qui habitent les nombreux squats et bidonvilles de l’agglomération lyonnaise aujourd’hui (population estimée par les associations à environ 600 personnes) sont très souvent les même qui étaient déjà présentes en 2007.

Concernant les Gens du Voyage, les lois Besson qui demandent aux communes de plus de 5000 habitants d’avoir une aire d’accueil digne de ce nom, sont très peu respectées (42% des communes sont en règle). Il est plus facile de taper sur une population fragile et discriminée aux yeux du public lorsque des caravanes s’installent sur un terrain plutôt que d’exiger des communes qu’elles respectent la loi…

L’accès à un emploi…

« Te Rom kamel te dokazinel oda, so gazo, musaj selvarbis ajci te butarel, car koda gazo (Si un Rom veut parvenir au même résultat qu’un non-Rom, il doit pour cela travailler 120 fois plus que le non-Rom – proverbe rom en République Tchèque)

Depuis 2007, les citoyens roumains et bulgares sont désormais européens, ce qui leur permet de circuler librement dans les pays de l’union, mais aussi en théorie de pouvoir travailler. Cependant, ce droit est toujours conditionné par des « mesures transitoires » s’appliquant jusqu’en 2012 (alors que cette limitation avait été levée au bout de deux ans pour les précédents pays entrant dans l’UE).

Les trois mois de séjour accordés à ces nouveaux européens sont censés leur permettre de chercher un emploi. Mais pour cela, ils doivent trouver un employeur qui offre un travail qui rapporte au moins le SMIC mensuel (les temps partiels ne sont donc pas possibles) et qui fait parti des 63 métiers autorisés aux citoyens européens par la France, que celui dépose son annonce à l’ANPE et que personne n’y réponde pendant 7 jours. Ensuite, munis de leur promesse d’embauche, ils doivent contacter la préfecture pour une demande de titre de séjour et la Direction départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DTEFP) pour une demande d’autorisation de travail, à qui ils doivent fournir par la suite un nombre de pièces conséquent (la promesse d’embauche de l’employeur, un dossier cerfa, l’extrait Kbis de l’entreprise, les statuts de la personne morale de l’entreprise, la copie du dernier bordereau de versement des cotisations et contributions sociales adressé à l’organisme chargé de leur recouvrement, etc.). La DTEFP peut également effectuer une visite de contrôle au sein de l’entreprise pour veiller à ce que tout soit conforme à la législation (ce qui peut aller de la mise aux normes des conditions de sécurité, à la disponibilité des prises de courant dans les chambres pour l’hébergement, au nombre de toilettes, ou encore bien d’autres paramètres totalement farfelus). Le dossier est ensuite examiné, procédure qui peut prendre entre 6 et 12 semaines, ce qui est inimaginable pour un exploitant agricole par exemple au regard des aléas climatiques et absurde au vu de la durée maximale pendant laquelle les migrants peuvent prétendre à rester en France (3 mois, soit 12 semaines).

Après toutes ces démarches, l’employeur doit enfin s’acquitter d’une taxe à l’ANAEM (Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations) par personne (même pour un CDD d’1 mois !).
Ces multiples démarches découragent ainsi plus d’un employeur, malgré leur bonne volonté.

A ce jour, il est donc quasiment impossible pour les nouveaux entrants dans l’UE de trouver du travail légalement. La manche et la débrouille constituent les seules sources de revenus que notre société leur offre. Là encore, nos bons vieux préjugés rejaillissent : les Roms sont fainéants et vivent de la manche car ils ne veulent pas travailler. Et si au moins on leur permettait ?

La scolarisation des enfants

En France, l’accès à l’éducation est un droit fondamental. Pourtant la non-scolarisation concerne un grand nombre d’enfants roms résidant en France (5000 à 7000).

Malgré les préjugés qui prévalent, il ne s’agit pas d’une fatalité ni d’un “manque de motivation” de la part des enfants et des familles. La plupart des familles ont en effet conscience que l’exclusion de leurs enfants de l’école les condamne à l’analphabétisme, compromet leur accès au travail et à l’insertion sociale et conforte durablement la discrimination et le maintien des stéréotypes à l’encontre des populations roms. Une des raisons principales qui a conduit ces personnes à quitter leur pays est justement la volonté de pouvoir scolariser leurs enfants, et ainsi de leur assurer un avenir meilleur, ce qui n’est malheureusement pas possible pour une grande majorité des Roms en Roumanie ou en Bulgarie. De plus, lorsque, du fait d’une volonté politique, un accompagnement et une amélioration des conditions de vie sont apportés et qu’un accueil adapté est assuré dans les établissements scolaires, la part d’enfants scolarisés régulièrement passe de moins de 5% en moyenne à 100% (Source, Romeurope).

La non-scolarisation des enfants Roms en France, et sur l’agglomération lyonnaise, est liée à différents facteurs.

D’une part, le quotidien des enfants roms est presque toujours incompatible avec une scolarisation régulière : participation à la quête des ressources quotidienne, troubles de concentration du fait des carences alimentaires et du manque de sommeil, handicaps auditifs et visuels non traités, maladies fréquentes. Les expulsions successives des familles de leurs lieux de vie engendrent également immédiatement un décrochage de l’école pour un temps plus ou moins long, parfois définitif. Suite à ces expulsions, les enfants sont généralement psychologiquement très perturbés. Face à cela, les conseils généraux refusent pourtant généralement d’accorder toute aide matérielle au titre de l’aide social à l’enfance comme l’exigerait leur mission de protection de l’enfance.

D’autre part, les refus et retards d’inscription scolaire, qui correspondent clairement à des pratiques discriminatoires de la part des municipalités sont latents. La scolarisation des enfants roms représente un ancrage territorial que la plupart des municipalités veulent éviter, en opposant des refus aux demandes d’inscription, directement ou indirectement à travers des lenteurs administratives (les temps d’attente vont de 2 mois à 1 an, sans qu’aucun accueil provisoire ne soit assuré dans les écoles), en exigeant abusivement des documents (notamment une domiciliation administrative, ce qui est illégal, mais aussi des radios des poumons, des certificats de responsabilité légale, etc.) ou des demandes de rendez-vous préalables.

Enfin, même si les enseignants accueillent les enfants roms avec généralement beaucoup d’implication, ils sont très démunis pour les accompagner correctement du fait du manque de classes spécialisées, du manque de souplesse et de budget pour la mise en place d’accompagnements scolaires et financiers des élèves et de leurs familles.
L’école est-elle réellement accessible à tous ?

Les collectifs de soutien

Actuellement sur Lyon il existe le Collectif Rrom des associations de l’agglomération lyonnaise, qui est constitué d’associations travaillant avec les personnes roms (ALPIL, Arts et Développement, A.S.E.T. 69, ATD-Quart-Monde, CIMADE, C.L.A.S.S.E.S, LDH, etc.). Il se réunit régulièrement afin de faire le point sur la situation des squats et bidonvilles de l‘agglomération et ses actions constituent essentiellement en la rédaction de tracts et de pétitions. Parallèlement, les mobilisations relèvent surtout de démarches individuelles, des collectifs de personnes par quartier qui se sont créés autour de familles et de situations spécifiques. En 2008, le collectif des Chartreux s’est constitué autour d’une trentaine de personnes squattant alors le jardin des Chartreux et a permis grâce à l’aide de travailleurs sociaux et de la mairie d’arrondissement le relogement de 2 familles.
Contrairement à certaines villes, à Lyon il n’existe pas de collectifs ou d’associations montés par des personnes roms. En 2009, des Roms roumains de Lyon ont créé l’association « Caravana Romilor », afin de défendre les droits des personnes Roms à l’emploi, à la scolarisation, à la formation, au logement et à la santé. Se positionnant en tant que représentants légitimes auprès des pouvoirs publics, ils voulaient s’organiser, déterminer ensemble leurs envies et leurs besoins et aussi changer l’image des Roms en France. Mais leurs activités ont rapidement pris fin essentiellement du fait de divergences politiques.

Pour aller plus loin

- Chœur de femmes tsiganes, de Claire Auzias, éditions Egrégores, 2009.
- Gadji !, de Lucie Land, 288 pages, éditions Sarbacane, 2008 (roman).
- La non-scolarisation en France des enfants roms migrants, Romeurope, 2010 (disponible sur le site de Romeurope).
- Les tsiganes ou le destin sauvage des Roms en Europe, 1998, de Claire Auzias, éditions Michalon.
- Roms et Tsiganes, de Jean-Pierre Liègeois, éditions La Découverte, 2009.
- Tsiganes - Sur la route avec les Rom Lovara, de Jan Yoors, éditions Phébus, 1990.

Contact : croixrousserom(a)yahoo.fr

P.-S.

Et aussi :
- France, pays des droits des Roms ?, de Xavier Rothea, épuisé, 2003, en ligne ; au moment où la loi sur la sécurité intérieure (dite « loi Sarkozy ») a été adoptée par l’Etat français (cette loi prévoit entre autres dispositifs répressifs un durcissement de la criminalisation des « gens du voyage »). Le texte retrace l’histoire des législations et autres dispositions de l’Etat français contre les Roms : la criminalisation des "errants" au 19e siècle, la loi de 1912 instituant un carnet anthropométrique obligatoire pour les nomades, l’internement des Roms pendant la seconde guerre mondiale, la loi de 1969, les lois Besson, etc. (et clarifie, ce qui n’est pas un luxe, ce qui entretient tous les amalgames entre "gens du voyage", Roms, Gitans, "Tsiganes", etc.)
- Autre éclairage de "la question rom" dans le rapport capital/travail, à propos de la violente révolte des prolétaires roms en Slovaquie en decembre 2004, la lettre (n°22, décembre 2006, "Nouvelles de Tchéco-Slovaquie", en pdf) de la revue "Mouvement communiste", trouvable sur :
- Jura Libertaire
- http://mouvement-communiste.com/pdf/letter/LTMC0622.pdf

Plus actuel :
- https://rebellyon.info/Des-Roms-a-Lyon-Comme-vous-nous.html
- https://rebellyon.info/Racisme-flatter-les-bas-instincts.html
- https://loissauvages.rebellyon.info/spip.php?article294

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  • Le 15 septembre 2010 à 03:08, par helene larrive

    Excellent blog, merci. Hélène Larrivé
    http://tziganes2.blogspot.com

  • Le 4 septembre 2010 à 21:20, par fournier yves

    félicitations pour l’auteur de cet article. Il n’est pas fréquent de trouver des éléments d’information aussi clairement rédigés, et au sein desquels (après une lecture rapide),
    je n’ai trouvé ni contre-vérités ni erreurs . Bravo !
    *yves*

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