Récit de voyage en Amérique du Sud

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Voyage en Amérique du Sud.

Le voyage a été décidé en quelques minutes et réalisé après 3 mois de travail, de quoi largement subvenir à mes besoins sur le continent sud-américain. Initialement ce voyage devait être une expérience seule qui se fera finalement à deux, un ami carioca, Marcelo, décide de m’accompagner ; ainsi je ne serais pas muet dans un continent où je ne connais pas la langue.

Pourquoi l’Amérique du Sud ? La réponse je ne l’ai pas, peut être un rêve de môme, ou bien un désir de lucidité, de formation au monde que j’habite chaque jour sans en connaître la réelle identité, ou juste le désir de modifier des préjugés.

Tracé de l’itinéraire sur une feuille vierge, en gardant une liberté d’improvisation ; d’ailleurs le tracé est aléatoire et la durée du voyage inconnue mais inférieure à 2 mois, je verrai bien sur place. Seuls les pays à franchir sont distinctement tracés, c’est à dire le Brésil, le Paraguay, l’Argentine, le Chili, le Pérou et la Bolivie. Ayant déjà voyagé au Brésil 2 mois, le continent sud-américain ne m’est pas totalement inconnu, mais des surprises sont sûrement à attendre, et j’espère découvrir d’autres cultures et traditions.

Départ pour Rio De Janeiro après une escale à Francfort. Vol annulé puis reclassé 2 heures après, pas de problème : c’est mieux de ne pas arriver à 7 h du matin, heure de pointe à Rio. J’atterris donc à10 heures.

Le Brésil

Premier pas à Rio, première aperçu d’une ville que je tiens dans mon coeur et que j’ai quitté il y a maintenant plus d’un an. J’arpente les rues dans ce bus qui me ramène de l’aéroport à Ipanema, passant par la zone nord puis zone sud de la ville. Je suis un peu triste de constater qu’à première vue peu de choses ont changé en mieux, même rien. Constat peu réjouissant, la vie semble pire pour les pauvres et immigrants du nord, beaucoup plus de monde estt venus gonfler les favelas s’étirant plus loin dans la zone nord ; les gens continuent de fleurir le macadam carioca, leur nombre semble avoir crû. La baie de Guanabara est aussi polluée malgré les promesses de la Petrobras concernant la dépollution - mais au Brésil il y a peu de mouvements écologiques forts, chacun travaille pour lui et l’unité n’a rien d’important, donc tout semble permis s’il y a un profit à la clef - mais aussi surtout à cause du système de déchets « tout à la mer », la police a une présence accrue sur les routes et leurs abords.

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De tout celà, dans le bus, je ne vois que la mine réjouie et heureuse des touristes qui fleuriront les plages polluées de Copacabana, Ipanema, Barra. Direction la maison de mon collègue d’expédition à Ipanema, le temps de laisser dans ma mémoire ce première aperçu de Rio 2005. Sur le trajet de 100 mètres à pied, ma mémoire se réouvre pour accepter la vision d’un jeune homme perché sur la macadam, impression de Datura, je le reverrai plusieurs fois, bloqué sur son bout de trottoir dans l’indifférence générale.

Pour discuter du voyage, quelle plus belle place que la plage ? Bel endroit, c’est beaucoup dire : l’océan est marron, la plage souillée ; je ne retiendrai que les Tangas et les Havaianas, comme le veut la vision que le monde a de Rio. Je me retrouve encore dans le même climat de « guerre civile sociale » entre blanc et noir pour schématiser. Les banderoles postées un peu partout « Basta », « paz em 2005 » ne changent rien à l’affaire, et vu la corruption du gouverneur de Rio, grand manitou dirigeant la distribution et l’approvisionnement en drogues dans l’État, mais aussi le Kasparoff des gangsters des favelas grâce à la main de la police militaire pourrie aussi à hauteur de 70 %, la situation risque de ne guère changer sans une réelle prise de conscience de l’ensemble des cariocas.

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Direction Curitiba, ville du sud du Brésil. 12 heures de bus, suffisamment pour dormir, et arrivée à 6h. Curitiba, 2 000 000 d’habitants - petite ville pour le Brésil - ville neuve en pleine essor avec une politique environnementale, sociale et de transports en commun futuriste. Une ville aux antipodes de Rio : ici, même le plus pauvre des plus pauvres a le moyen de survivre grâce à une combinaison sociale et environnementale.

En effet, le recyclage et la non pollution ont une importance réelle et concrète à Curitiba : les autorités échangent des sacs de déchets recyclables triés par les habitants par des bons de nourriture et de transports en communs (2 kg de déchets recyclables s’échangent contre 1kg de nourriture) Cela est donc une bonne alternative environnementale et assure une nourriture saine à la population la plus pauvre. L’environnement est bénéficiaire : moins de pollution, moins de détritus dans les rues, moins de destructions de matières recyclables, moins de pollution de l’eau (à l’instar de Sao Paulo) ; mais aussi maintien d’une demande stable en produits agricoles, donc les fermiers ne viennent pas gonfler les bidonvilles, car les autorités achètent la nourriture du recyclage aux fermes environnantes, et les petites entreprises sont alimentées en matières recyclées. Deux tiers des déchets de Curitiba sont donc ainsi recyclés. A Rio aussi il y a un recyclage, mais c’est un recyclage de survie, ramasser 60 cannettes de soda ou bière équivaut à 3 reals, mais en trouver 60 en une journée relève de l’exploit à cause du nombre de personnes utilisant ce mode de survie.

Pour ce qui est des restaurants de Curitiba, un buffet à volonté avec sirop à volonté coûte 3,5 reals (1 euro) et la nourriture est bonne, l’ambiance aussi. Alors pourquoi des Mc Donalds ? Pour des petits êtres sans identité, anéantis par une sous culture inculquée par des médias pousseurs à la consommation et à l’identification dans la société par des possessions et consommations futiles.

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Direction le musée du plus grand architecte Brésilien contemporain Oscar Niemeyer. L’architecture du bâtiment en forme d’oeil montre déjà la créativité et le pouvoir d’innovation de cet architecte communiste. Dans le musée, peu de choses sont de Niemeyer, seulement des phrases, et des croquis de lui, par contre le musée est riche en expositions, dont une basée sur le désir sexuel où tout est penis, pénétration et instinct, de la tête de Jeanne d’Arc à celle d’Atahualpa. Exposition à péter de rire quand on voit le faux puritanisme brésilien. À en oublier l’oeuvre de Niemeyer !

Le temps est venu pour nous de continuer notre chemin pour prochaine destination : les Foz do Iguaçu. La ville de Foz est un carrefour économique et touristique du fait de sa position géographique (deux frontières : Paraguay et Argentine) et de ses richesses naturelles : les chutes de Iguaçu, les chutes d’eau ayant le débit d’eau le plus fort du monde, considérées comme l’une des sept merveilles du monde moderne, ce qui est la raison de notre escale ici. Nous prenons un bus pour nous déposer jusqu’aux chutes du coté brésilien ; le bus s’arrête devant l’entrée de la forêt abritant les chutes, et là, surprise, pour voir une création des plus naturelles, nous sommes obligés de payer un prix excessif, l’équivalent d’une nuit d’hôtel - que nous nous permettons déjà pas - pour entrer. Nous décidons de ne pas payer et donc d’oublier cette envie d’admirer l’une des plus impressionnantes créations de la nature. Eh ! Oui, même les choses naturelles ont un propriétaire et un coût matériel alors que nous, simple voyageur, avons donné de notre temps pour passer visiter cette ville et voir une merveille de la nature. Ces chutes nous passent sous le nez, espérons que la fréquence des ratées ne sera pas élevée.

Le Paraguay

Oublions, il y a bien d’autres choses à voir ici, comme la ville de Cuidad Del Este au Paraguay. 8 Km à pied, et devant nous une file ininterrompue de personnes, peut être 20 000, qui passent la frontière. Nous nous incorporons dans la foule. On se croirait presque en pleine exode du genre « Jeux interdits » en moins triste bien sûr. À Cuidad Del Este, un immense marché aux puces s’ouvre devant nous, et nous comprenons bien vite en voyant les prix et la provenance des produits les raisons de l’attrait de cette ville. Cette ville est le principal point économique du pays, seulement en important des objets de Chine peu coûteux et en les revendant un « caca de d’oie » plus cher.

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Tout s’achète, de la cartouche de cigarettes aux fusils à pompe - les rues sont parsemées d’hommes armés - les enfants font le commerce, même les Américains viennent faire leurs achats ici. Mais pour les Brésiliens, la loi interdit d’importer des objets du Paraguay pour le Brésil pour une valeur totale supérieure à 500 dollars. Nous en profitons pour acheter le peu qui nous manque : couteau, lampes, piles. Nous n’en verrons pas plus du Paraguay, ce pays où 2% de la population possèdent 80% des terres cultivables en appliquant le même système que les seigneurs en Europe au Moyen Age avec des Serfs exploitant les terres. Ces paysans payent le droit de cultiver les terres en donnant une quantité ferme de leur récolte même si celle la n’est acquise que de justesse, à savoir que les paysans ont besoin, eux, de garder une partie de la récolte pour les graines et une autre pour leur survie alimentaire tout au long de l’année.

L’Argentine

Retour aux Foz do Iguaçu pour partir à Buenos Aires où vit un tiers des Argentins. Nous passons la frontière puis arrivons à Puerto Iguaçu, la ville argentine possédant le coté ouest des chutes de Iguaçu. Nous sommes surpris par le confort du bus, le moins cher et le meilleur, avec service repas, vin, champagne, whisky, voyage de luxe à petit prix. Nous passons la forêt du Parana dans toute sa longueur. La terre est rouge au pays des Gauchos, la végétation dense, la biodiversité semble conservée et le ciel est d’un bleu topaze.

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À l’horizon se profile déjà Buenos Aires la mégalopole où nous arrivons tôt ce dimanche matin. Sitôt sortis de la gare routière, les buildings, les immenses routes à 6 voies, les voitures « pour » Argentins, et des passants de type européen, nous plongent dans le bain d’une autre vision de l’Amérique du sud. Le centre ville me fait penser un peu à la City de Londres. Tout comme Londres, la ville contient de nombreux petits parcs.

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La ville semble calme, mais plus nous nous rapprochons des bâtiments politiques, des banques, tous situés dans une même zone, les traces de révoltes passées sont de plus en plus nombreuses, jusqu’à recouvrir toute la place devant la maison rose du président. Avant de venir à Buenos Aires, les évènements politiques de 2002 en Argentine avaient disparu de ma mémoire. Mais là, face à une telle odeur de révolte inachevée, je me remémore ce qui s’est déroulé ici et mon collègue complète les manquesde ma mémoire, à savoir que le temps d’une journée l’Argentine a été jetée dans le chaos le plus total. Appuyé par les États- Unis et le FMI, le gouvernement argentin de l’époque, sans prévenir le peuple, a décidé de fermer les banques, de bloquer les comptes - système du « coralito » où seuls 250 $/semaine étaient retirables au guichet - de dévaluer le peso argentin face au dollar américain qui à l’époque avait la même valeur ( le peso argentin actuel vaut 3 fois moins que celui de 2002) Plus d’argent dans les banques, une monnaie qui ne faut quasiment plus rien, des investisseurs ruinés parce qu’ils ne pouvaient plus payer leurs crédits et perdaient et l’investissement et le produit, des particuliers ruinés aussi avec des crédits qu’ils ne pouvaient plus payer perdant le produit convoité (maison, voiture) ainsi que l’argent déjà investi dans une telle opération, les entreprises et même l’État voyant leur dette extérieure exploser, les entreprises nationales en surendettement. Autant dire que la situation du pays est devenue critique.
Pourquoi cela s’est produit ? A cette question, je ne vois que la main du géant américain s’amusant avec les pièces du puzzle de ce continent. En effet en ruinant l’Argentine, les USA ruinent les chances de succès du Mercosur donc du désir de développement collectif de tout ce continent, l’Argentine étant avec le Brésil, l’une des deux locomotives de la création d’une Amérique latine unie. Ils gardent ainsi leur monopole économique dans cette région. Dans la continuité de cette mascarade, les grandes entreprises nationales ou privées du pays étant dans une situation financière tellement critique que l’Oncle Sam s’est proposé de les racheter pour une somme symbolique, comme au Monopoly lorsque toutes les maisons sont hypothéquées ou vendues, toutes les sources de revenu disparaissent et les risques que les ou l’autre joueur implante des maisons ou hôtels accroît les risques de faillite exactement comme ce qui peut se passer en Argentine aujourd’hui.

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Dire qu’il y a tout juste 50 ans l’Argentine était le cinquième pays le plus développé du monde et qu’aujourd’hui 40% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Si sa situation géographique était autre, en Europe par exemple, son rang aurait été conservé et les attaques moins fortes, comme pour la France de 1960, mais pour les intérêts yankees en Amérique du Sud, elle est un ennemi à éliminer pour ne pas voir naître un continent uni qui échappe à leur contrôle. En voyant tout cela je voudrais entendre une explication plausible par un coupable sur le pourquoi du rêve capitaliste oppresseur et absolu, l’entendre de sa bouche, cela me permettrait d’adopter soit une position peut être plus radicale comme Action directe soit plus posée, tout dépendra des réponses ... En effet on ne traite pas de la même manière un être pourvu de conscience et un être dépourvu qui en est dépourvu, entendre une réponse acceptable de leur part serait tout de même assez surprenant.

Mais dans l’histoire moderne de l’Argentine, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, j’ai pu constater que les gouvernements argentins successifs ont tous travaillé contre l’Argentine, exemple la guerre des (îles) Malouines, baptisées aujourd’hui les Fuck Land par les Argentins, un suicide organisé par le gouvernement militaire dans le seul but d’effondrer l’économie du pays car bien maigres étaient les intérêts de s’accaparer les Malouines, seul le peu de pétrole et de possession maritime ayant un intérêt économique. Cela reste vieux, les images des bombardement anglais sont sûrement encore dans les têtes argentines, mais l’Argentine a eu de nouveau le temps de se re-développer économiquement, jusqu’à qu’elle devienne économiquement trop dangereuse pour les intérêts américains dans toute l’Amérique du Sud. Alors elle employa de nouveau un stratagème de re-destruction de l’Argentine. Pour nous renseigner plus sur cela et sur la situation argentine actuelle, nous avons procédé à une séance interview dans les rues, cela n’a fait que conforter ce que nous pensions à savoir que c’est un vol légal de l’argent du peuple argentin par le gouvernement de l’époque, orchestré par l’Empire Américain, donc au final tout les acteurs y trouvent leurs comptes, mis à part le président qui a du prendre la fuite en hélicoptère.. Et si ce que nous avons pu voir dans le rue ne nous à pas tellement fait plaisir (personnes ramassant des sacs-poubelle dans les poubelles du metro pour les revendre les ou des gens avec tout ce qu’ils possédaient de leurs ex-maisons, meubles, canapés, matelat, sur le trottoir, les Argentins possèdent toutefois une forte identité culturelle propre ; dans l’ensemble la jeunesse semble pouvoir proposer quelques alternatives, ils semblent avoir soif de la vie sans en être ignorants.

Nous avons énormément marché, bien 20 km, pour visiter tout en une journée, de la rue Florida, à la Boca, Recoleta, San Telmo, Puerto Madero, le centre, quelques quartiers résidentiels et les stades. Faudrait penser à se laver aussi, le bus risque de nous jeter en route, mais si ce n’est pas le cas nous arriverons demain a Mendoza.

Mendoza, ville comme il y en a en Europe, rien de spécial, sauf la vue sur la Cordillère des Andes. Nous reprenons avec empressement le bus le plus attendu, celui qui nous fera découvrir les Andes de Mendoza à Santiago du Chili. Une immense barre de montagnes s’étend de gauche à droite à perte de vue, des sommets rivalisant de hauteur les uns les autres. Plus tard nous verrons le plus majestueux, l’Aconcagua (6959 mètres) , le point culminant du continent. La glace lui forme une couronne que le soleil fait briller éblouissant la cour à ses côtés, Louis XIV aurait sans doute aimé.

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Le Chili

Puis nous passons la frontière avec le Chili, premier contact avec la police durant ce voyage : tout est déballé, fouillé, contrôlé, même le fond de notre cavité merdalique s’ils en avaient le pouvoir. Cela se voit que la « démocratie » ne vit ici que depuis à peine 10 ans, depuis la fin du règne du plus libéraliste et pro yankee des dictateurs d’Amérique Du Sud : Pinochet. Je pense que les évènements qui ont amené Pinochet au pouvoir sont à se remémorer pour savoir dans quel pays nous mettons les pieds et connaître la mentalité.
1973, Salvador Allende décide de rendre à son peuple toutes les richesses dont le pays regorge, en nationalisant de nombreuses exploitations naturelles dont les mines. En appliquant cette politique nationale et sociale, Allende s’est retrouvé ennemi numéro un pour les États-Unis qui ont perdu leur part du gâteau au Chili. Alors bien sur, la situation n’en resta pas la, les Américains ont élaboré de nouveau un plan pour annihiler Allende. Ils ont financé une immense grève de six mois dans le nord du pays pour bloquer tous les moyens de communication, les infrastructures routières (la route 5) n’étaient plus praticables pendant six mois, l’économie du Chili s’écroula, le peuple demanda la tête d’Allende. Les États-Unis choisirent Pinochet comme successeur, l’armée suivit et les États-Unis reprirent leurs droits voire davantage au Chili, et tout cela appuyé par un peuple ignorant, méprisable et détestable.

Quelque chose qui sera toujours là, c’est bien le paysage andin qui se dévoile sous nos yeux : il est magnifique. Mais les routes pas toujours sûres : des croix fleurissent notre parcours et nous croisons un camion couché. Nous passons de 3 200 mètres à environ 1 500 mètres en l’espace de 10 minutes après la frontière, la descente de l’Alpe d’Huez ,c’est de la rigolade à côté. Derrière ces montagnes, Santiago n’est pas loin, juste à quelques minutes.

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21 h, arrivés à Santiago, sans rien connaître de la ville, nous sommes perdus à la recherche d’un lieu pour passer la nuit Après trois heures à tourner, nous en trouvons un hôtel pas cher, bien pourri mais où il y a de l’eau pour laver nos corps crasseux et nos habits. Nous avons bien besoin d’un vrai lit après tous ces trajets à dormir dans le bus, la fatigue montait et l’énervement aussi. Maintenant la ville s’offre à nous.

Cela commence mal : à cause de l’énorme pollution atmosphérique, les Andes ne sont même pas visibles alors qu’elles sont toutes proches mais l’atmosphère ambiante me parait lourde. Dès le début je sentais que cette ville n’était pas pour moi, je la qualifie maintenant de chiottes où les Andes auraient raison de tirer la chasse. Ça pue la naïve insouciance , des petits corps frêles envenimés par une culture occidentale laissant l’identité de la capitale de ce pays à la dérive. Un effet de masse est remarquable, même les rues pavés anciennes du centre ville sont en train de se voir recouvrir de goudron. Le peu de temps que je passe ici me fatigue, tellement que nous renonçons à aller visiter la maison de Pablo Neruda. À quoi sert un tel poète dans une telle ville de merde ? Je comprends mieux maintenant le pourquoi du dégoût qu’on les Argentins vis-à-vis des Chiliens. Je suis en droit de m’interroger sur l’utilité du Chili pour l’Amérique Du Sud, si elle en a une. Elle n’est là qu’en phare des USA, elle fait parti du plan Alca délaissant le Mercosur et les autres pays d’Amérique du Sud, favorisant le marché yankee au détriment des besoins de son propre continent. Marre de visiter cette ville où les rêves d’Allende semblent bien loin.

Nous partons pour Valparaiso et le Pacifique. Nous ne sommes que de passage dans cette ville de faux pêcheurs et de vrais touristes. Passage à Vina Del Mar, ville qui ne laissera que peu de trace dans ma mémoire. Ces villes n’ont que peu d’intérêt dans ce voyage : venir au Chili pour se trouver dans une ville ressemblant à Toulon n’a rien de dépaysant ; seul le nom de la mer change, les gens sont semblables les uns aux autres. Nous longeons la côte pacifique en stop, il nous faut partir le plus loin possible de toutes ces places où la jeunesse bourgeoise envahit les plages, où les regards ne volent pas plus haut que la ficelle du string, où les rires sont synonymes de moqueries et où l’alcool ouvre la vue.

Direction Con Con en stop. Un mécanicien rouillé par le temps comme sa vieille peugeot 504 nous y emmène sympathiquement. Puis nous quittons cette ville, toujours en stop, dans un pick-up, propriété d’un type aux allures de nouveau riche, ne sentant plus son cul sur le siège de la voiture, ne tarissant pas d’éloges sur son pays en s’en sentant l’ambassadeur. Comme commandité par un tour opérator, une visite des terminaux pétroliers, des installations de gaz, d’oléoduc, égaye notre route. C’est détestable mais compléte ma pensée sur la mentalité chilienne. Il nous dépose à Quintero. Nous trouvons une emplacement un peu plus loin sur une colline pour poser la tente, la place est infectée de moustiques. Dès le réveil, la première intention que nous avons est de quitter le Chili le plus vite possible, tout y est trop cher, les chiliens dans l’ensemble sont un peu « cons-cons ». Nous partons à pied rejoindre la principale route du Chili, le route 5, qui traverse le pays du sud jusqu’au nord. 2-3 heures de marche et 2 h de stop pour qu’une chilienne nous prenne à bord de sa voiture. Nous en profitons pour parler de son pays. Elle semble fatiguée par le coût de la vie , les routes sont toutes payantes même si les infrastructures sont excellentes ; les prix alimentaires sont exorbitants pour les salaires même si le Chili possède la plaine cultivable cultivée la plus grande du monde (étendue sur environ 2 500 km) Mais le pays est le plus riche que je connais actuellement d’Amérique du Sud (la politique ultra libérale de Pinochet facilitée par les aides américaines a boosté l’économie, mais à quel prix ?) Arrêt dans une petite ville, Nogalès. La ville de La Liga est notre prochaine destination mais personne ne s’arrêtant pour nous prendre en stop, nous sommes contraints d’opter pour le bus. Arrivée à La Ligua où commence le désert d’Atacama, le plus sec du monde.

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Plus question de faire du stop pour rester à cramer sur le bitume. Un bus relie le nord du pays en s’arrêtant dans les principales villes (La Serena, Antafogasta, Iquique, Copiapo...) nous faisant visiter ainsi le désert et les villes qui le parsèment mais nous sommes obligés de faire l’impasse sur les mines de Chuquicamata. Ces mines font aujourd’hui partie des visites des tour-opérateurs, le tourisme doit financer le peu de production, la mine étant délaissée par les investisseurs et seul un collectif de miniers n’ayant pas d’autre alternative fait vivre la mine. Départ en bus pour ce trajet plus touristique que contraignant. Dès l’entrée de ce désert les pneus éclatés, environ une vingtaine par kilomètre, attestent de la chaleur. Les paysages sont martiens, aux multiples couleurs, tantôt rouges, gris, verts, bleus, marron, en combinaisons surprenantes, mélangées même avec le bleu de la mer et son écume d’un blanc luisant, sans parler de la couleur du ciel que les habitants de Santiago doivent envier. La symbiose est parfaite avec le paysage vallonné.

La traversée du désert ne nous ouvre pas les yeux que sur la beauté du paysage, mais aussi sur la politique et sur les habitants du Chili. Toutes les villes traversées ne sont le fruit que de présence de ressources naturelles (cuivre, sel, gaz...) Il y a d’énormes exploitations minières un peu partout dans le désert, où travaillent surtout les minorités indiennes, aborigènes du nord du pays (qui ne sont pas reconnus mais qui sont exploités) Ces exploitations sont reliées directement par des terminaux au littoral sans ajouter de la valeur aux matières premières extraites. Sûrement que là aussi les États-Unis y trouvent leur compte. Il existe aussi de nombreux petits villages, plutôt des communautés de petits pêcheurs vivant dans le désert.

Ce pays est étonnant par sa capacité à exploiter le moindre filon sans que cela revienne au peuple. En effet, au sud de Santiago, il se crée une énorme richesse agricole pour un faible nombre d’habitants (15 000 000) et pourtant les prix alimentaires sont exorbitants. Et au nord , de multiples ressources naturelles sont exploitées sans que les matières premières ne soient changées sur le sol chilien, ce qui pourrait ajouter de la plue-value pour les Chiliens. Je pense qu’ici comme au Mexique, les États-Unis favorisent au début un développement économique puis le font stagner pour profiter de moindres prix car la main d’oeuvre revient bien moins chère pour extraire les ressources naturelles dont les USA ont besoins. C’est donnant-donnant, c’est le système Alca. Et je ne parle pas de la culture américaine qu’ils leur ont rentrer dans le crâne, il suffit juste de s’asseoir sur un trottoir et d’observer la jeunesse chilienne pour s’en rendre compte.

La police est énormément présente : nous sommes contrôlés tous les 150 km. Tout le monde sort, les valises sont sorties quelques fois, les identités sont contrôlées et des questions nous sont posées. Le Chili est une fédération d’états policiers ayant peur de je ne sais quoi. Le socialisme est bien mort ici, il ne renaîtra sûrement pas de ses cendres et des poètes comme Neruda ne sont maintenant que de l’histoire ancienne. Nous passons la fin de journée suivante à Arica, demain nous passerons au Pérou avec le train qui relie la ville à Tacna.

Le Pérou

Arrivée au Pérou dans un train collector. Premier contact avec la police et première amende : mon compagnon de voyage a un passeport périmé et pas de visa. Les 20 dollars de l’amende vont bien évidement directement dans la poche de la responsable des migrations de la gare de Tacna, la personne la mieux habillée de toute la ville. La ville a un aspect d’immense bidonville.

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C’est un changement radical en venant du Chili, mais dans ces pays l’apparence n’est souvent qu’illusion car la culture est bien différente et l’utilité de crépir ou de rendre l’aspect extérieur des maisons jolies n’est pas primordiale. Je pensais entrer dans une ville ibérique, mais je me suis trompé, il n’y a rien ici. Chose détestable, c’est que sur des monts, à coté des représentations incas, des publicités (Inca cola, des radios...) sont gravées. Ici la culture inca sert à faire consommer. Ainsi l’Inca Cola remplace le Coca Cola, et de nombreux autres produits font référence à la civilisation Inca. Les Quechuas actuels ne voient pas leurs traditions respectées mais exploitée, leur identité n’est pas reconnue mais l’identité de leur ancêtre inca oui. C’est une destruction moderne de ce qu’il reste de la civilisation Inca après celle débutée par Pizzaro. Cela standardise toute une société en faisant des individus de simples consommateurs inconscients de leur ignorance ; il y a des choses que l’on a le droit de faire et d’autres non, le consommateur n’a pas le droit d’être défini après comme le responsable alors que l’avidité de certains a poussé à établir de fausses valeurs pour qu’il puisse grandir matériellement. Nous nous dirigeons vers Arequipa.

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Là, c’est ce qui se passe dans le bus qui est intéressant. Au début, je n’ai pas bien compris ce qui se tramait mais il ne pas fallu longtemps pour comprendre. Ce bus, 50 places assises pour 70 personnes, 6 heures de trajets, sort de Tacna surcharché, passe un contrôle de Police où les mines se grisent. Les valises sont sorties, tout le monde entre dans une salle. Des policiers entrent dans le bus et tous les sacs doivent être enlevés. Surprise ! Alors que tout est ok à l’extérieur du bus, des plaquettes emballées sont sorties du bus par des policiers. Des soupçons mais pas de preuves sur l’identité du possesseur de cela, mais une femme tout de même reste avec les policiers. Nous reprenons la route, jusqu’à un prochain contrôle 3 heures après. Là une mascarade se met en route : des sacs passent de mains en mains, des sièges sont déchirés pour cacher des paquets, des enfants en cachent sur eux, de grosses mamas aussi, tout cela sous les yeux de policiers "aveugles". Quelques paquets de drogue commencent à être trouvés, une femme subit une fouille plus poussée, elle restera à quai ainsi qu’une autre personne. Les autres femmes font semblant de coudre, la police semble comprendre le manège mais ne peut pas arrêer les trois quart du bus. Même le chauffeur semble associé à cette affaire, je l’ai vu récupérer de l’argent après avoir caché des sacs. Quel spectacle offert à un voyageur qui s’en va découvrir le monde : c’est sur qu’ici, "c’est le Pérou". Nous repartons, tout le monde semble de nouveau rassuré, il n’y aura plus de contrôle et nous arrivons à Arequipa en n’ayant perdu que trois joueurs. Nous renonçons à monter vers le nord, la dégénérescence de la culture Péruvienne nous la voyons déjà, pas besoin de se noyer dedans.. Nous délaissons la capitale Lima et de Arequipa nous partons pour Cuzco, la "ville impériale".

Arrivée à Cuzco à 4h30 du matin. Visite de la ville dès les premiers rayons de soleil. Nous sommes pratiquement seuls à cette heure dans la ville. Nous nous hâtons de visiter la célèbre place d’armes avant que les touristes affluent. Nous passons en revue les lieux les plus importants. La sous culture espagnole surplombe le génie de construction inca ; des églises coloniales représentent le pouvoir de la religion chrétienne sur la religion Inca. L’histoire se répète aujourd’hui avec le désir de montrer son pouvoir, sa force, sa grandeur par des créations, des constructions symboliques. C’est une ville-exemple de la colonisation mondialeavec le désir d’imposer sa culture. Le grand oeil inquisiteur de la religion chrétienne est présent partout, dans l’architecture, les écrits, les actes passés. l’Église a appuyé la destruction de la civilisation inca pour affirmer sa position dominante dans le monde. Elle a aidé à la destruction de nombreuses traditions et cultures locales, et de ce fait le patrimoine historique et culturel mondial. Je vois une ville en plastique où tout est faux, où tout est illusion, une ville "matador".
Il est impossible d’être au Pérou et de ne pas voir le Machu Picchu. Nous nous renseignons pour nous y rendre. Pire que les Foz do Iguaçu, l’exploitation touristique est ici à son summum, la majorité paye plus de 100 euros pour se rentre au Machu picchu (train + entrée) Je fais mon petit calcul et l’entrée est possible pour 40 dollars en prenant 2 bus à la place du train pendant une partie du chemin. D’ailleurs le trajet en bus est plus intéressant, il se fait en compagnie de Quechuas sympathiques, et le paysage coloré des cultures agricoles accroît le charme de cette région où les montagnes semblent taillées d’une main d’artiste. Les traditions perdurent dans cette région ; les enfants sont rois, sourire aux lèvres, c’est un "Trick or Trak" permanent ici, même les chiens ont le sourire aux babines comme le fait souligner le globe-trotter à mes côtés : « on peut ressentir l’ambiance et l’énergie d’une ville en observant les chien y habitant ». On peut ressentir ici une énergie spéciale, un bien-être, l’impression de toucher au bonheur. La vie coule paisiblement. Le Tibet possède peut être quelques liaisons sur le point énergétique avec le Pérou, c’est à vérifier. Nous passerons la fin de l’après midi dans une ville à 50 km du sommet, en attendant le train amenant à la ville Machu Picchu. Ce train qui soit disant sert par ses bénéfices à la conservation des vestiges a été en réalité vendu par l’État à une compagnie américaine privée. Les bénéfices servent donc à des intérêts personnels et le prix du billet n’est plus justifiable. Je partage l’heure de voyage avec deux Québecois et un Brésilien. Les deux américains du nord passent l’Amérique du Sud en revue pendant 6 mois, à peu près tous les pays sauf le Brésil, la Guyane, le Surinam. Intéressant mais trop long pour moi.

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Le Lendemain, j’entre seul au Machu Picchu, Marcelo se laissant emporté par ses sautes d’humeur si fréquentes... Je retrouve les trois voyageurs du train, et nous passons ensemble cette journée au Machu Picchu . Sans la foule, le lieu serait plus apte à la réflexion, pour recevoir toute l’énergie dégagée de ce lieu. Difficile de nepas penser à « Tintin et les Picaros ». L’air est calme, on se sent détaché du reste du monde. Seule ma tente est visible d’en haut, comme pour me rappeler d’où je viens. Avec Carl, l’un des Québécois , nous gravissons la montagne surplombant le Machu Picchu - crachage de clops assuré - pour arriver au sommet, à 2 700 mètres. De là, plus rien n’est visible, à notre dernier pas le ciel en dessous de nous s’est refermé. Après plus d’une heure et un joint, il nous laisse enfin admirer de haut cette cité. Peut-être que la fumée du joint a chassé les nuages, c’est le joint salvateur du Machu Picchu. C’est surprenant toute cette construction en pareil endroit. Pour moi, elle révèle tout autant voire plus du génie de construction des êtres humains que Notre-Dame de Paris ou la Cathédrale d’Istanbul . Le réel intérêt se trouve dans l’énergie spirituelle du lieu ; encore faut il avoir les capacités pour la sentir. Je passe là environ 10 heures, puis le soir, vidé, je redescends à la ville. Au restaurant, j’entends l’Internationale à la télé ; je chantonne le refrain, ce qui fait rire la cuisinière péruvienne.

Le lendemain , nous partons pour Puno. Comme pratiquement tou les trajets, il se fait de nuit, pour arriver tôt le matin sans perdre une journée. L’histoire et la mystique de la ville nous interpelle sitôt la pancarte Puno franchie. C’est la ville d’origine des Incas, aux bords du lac Titicaca. D’après une légende, les Incas sont sortis du lac, et d’après d’autres, une civilisation ancienne s’y trouve enfouie. Puno est une grande ville au allure de bidonville ; la circulation se fait tantôt sur du bitume tantôt sur de la terre, mais comme dans toutes les régions péruviennes où nous sommes passés, les voitures individuelles sont rares et les transports en commun vétustes sont le principal mode de circulation motorisé. Le marché est très bien achalandé et un lieu idéal de rencontre pour les habitants. Les femmes vendent leur propre récolte. D’ailleurs dans les champs travaillent plus de femmes que d’hommes. Je ne sais pas ce que font les hommes, mais les femmes ici semblent tenir beaucoup de rôles.

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Énormément de petits champs dans cette région mais peu de camions pouvant transporter la marchandise, le marché a donc une place importante économiquement aussi. Beaucoup de différences sociales et ethniques entre les habitants mais cela ne semble guère poser de problèmes. L’altitude (environ 4 000 m) laisse des marques sur les visages deshommes et des femmes, ainsi que sur leur façon d’être : ils semblent fatigués. Les gens sont humbles, dignes malgré la pauvreté , la même chose que dans les autres villes de campagnes pauvres que nous avons traversé au Pérou. La ville se trouve proche de la frontière avec la Bolivie, il nous faut prendre le bus.

La Bolivie

Le bus nous dépose à 2 km de la frontière. Nous sommes toujours à 4 000 mètres. Même à cette altitude il fait chaud pour parcourir ces 2 km, l’air est rare et la fatigue vient vite. Arrivés à la frontière, personne pour régulariser notre entrée. Des maisons en briques sont construites entre les deux points de contrôles, et des gens flânent au soleil. C’est bien la frontière la plus ouverte que j’ai vue. Nous prenons un bus pour Copacabana, toujours sur la rive du lac Titicaca, près des îles de la Lune et du Soleil.

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Nous arrivons en plein carnaval ou fête de la vierge (elle n’y est pas beaucoup représentée) La fête a lieu dans la semaine la plus importante pour les Aymaras et Quechuas, la seule semaine où ils oublient un peu la dureté de leurs vies. Ils commémorent leur histoire, leurs traditions, leur culture. C’est magnifique s’assister à une telle fête, les clairons annoncent l’arrivée des conquistadors, Pizzaro en tête, des danseurs figurent l’armée espagnole paradant dans la joie et la moquerie. des costumes tous plus beaux les uns que les autres (les sacrifices financiers de toute un année) habillent ces danseurs et danseuses toute la journée même sous les trombes d’eau gelée. Ce carnaval n’a rien à voir avec ceux du Brésil, il ne repose pas que sur des culs qui se balancent et des strings, mais sur une vraie histoire pour ces ethnies, et je suis scié de voir tout ce qu’il représente, tant d’oppressions, de souffrances, d’impuissance, de luttes pour conserver une indépendance culturelle. C’est une leçon de qualité. En revanche ce qui m’a choqué c’est le fait que de nombreuses personnes ici ne connaissent pas les valeurs du carnaval. Elles ne la connaissent pas la standardisation de la mondialisation , et rejettent souvent toute culture étrangère, si bien qu’il arrive parfois que des personnes ne veulent pas nous écouter ou des commerçants nous servir, mais cela est compréhensible et ces actes compatibles avec leur histoire depuis 500 ans.

Le lendemain, à 5h30 du matin, nous sommes réveillés par une fanfare castillane. Le carnaval reprend ses droits, il s’étale dans le temps, donnant aux indigènes un semblant de revanche sur le passé. En effet cette terre a été « sucée » par les colonisateurs jusqu’à en faire aujourd’hui un désert aride de toute richesse. Par exemple, la ville de Potosi qui fut jadis l’une des villes les plus riches du monde, mais cette richesse a disparu dans les mains espagnoles. Cette ville abritait les plus grandes mines d’argent, produisant plus de 80% de l’argent circulant alors, ce qui a même provoqué une crise économique en Europe, l’abondance de l’argent lui faisant perdre sa qualité de métal précieux. Bien sûr les mineurs étaient quasiment esclaves. 8 000 000 sont morts dans ces mines, au travail ou de silicose. L’espérance de vie des mineurs était de 5 ans, avec pour seul remède contre la dureté du travail (par roulements de 36 heures) des feuilles de coca et de l’alcool à plus de 90°. Ces mines sont toujours exploitées mais comme celles de Chuquicamata, où il n’y a pratiquement plus rien à extraire et qui appartient aujourd’hui aux miniers. La ville est devenue l’une des plus pauvre du monde, avec un nombre de veuves et d’orphelins en constante augmentation.

Il y a aussi des cultures bien plus anciennes datant des Incas sur les montagnes. Nous montons à l’observatoire inca. À cette altitude, cela prend du temps pour une petite grimpette. Comme c’est une place ésotérique du monde inca, nous prenons le temps de méditer. Une fois arrivé à l’Arche inca, la pluie se met à tomber, et en quelques minutes un arc-en-ciel enjambe le Lac Titicaca. Signe ? Hasard ?.. Après être descendu, nous montons une seconde montagne au milieu de la ville au milieu d’une fête religieuse où la montée à la croix de Jésus est représentée. C’était aussi un lieu spirituel pour les Incas.

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Nous redescendons dans la ville assister à la parade pour la conservation des cultures et des traditions. La bière coule à flot. À cette altitude, la mousse remplit les deux tiers du verre, elle coule aussi pour moi, il faut bien profiter, un verre m’est même offert par des Aymaras ivres (ils le sont tous...) Il fait chaud et la tentation de plonger dans le Titicaca est trop forte, je plonge dans cette étendue d’eau froide à 3 800 mètres. Retour de nouveau dans les rues en liesse où, ivres d’alcool, la moitié des gens sont bourrés, certains effondrés sur le trottoir, d’autre dansant seul là où la musique est loin des oreilles. C’est la journée la plus joyeuse que nous passons malgré une forte tourista incontrôlable. Nous partons pour La Paz en fin d’après-midi.

Le bus est toujours surchargé , et nous laissons nos places assises à deux vieilles femmes pour ces 4 heures de voyage. Le bus monte sur un bateau pour passer la partie étroite du Titicaca en proie aux vagues. Nous chantons en passant en revue tous les classiques de la musique française, mais les passagers sont indifférents à notre prestation et un grand nombre de passagers tentent de trouver le sommeil. Nous arrivons le soir à La Paz et nous trouvons un petit hôtel proche de la gare routière.

À 5heures du matin, La Paz est déjà éveillée. Même les éboueurs dormant sur leurs camions « poubelle » se réveillent et commencent leur toilette. Les marchés attirent déjà les clients et le jeu des klaxons reprend la partie de la veille. Petite douche froide dans cet hôtel miteux et la journée commence. Nous nous trouvons dans une cuvette entourée de montagnes avec pour végétation des milliers de bidonvilles. Ici aussi il y a peu de voitures individuelles, beaucoup de transports en commun, certains taxis sont mêmes collectifs et suivent un itinéraire affiché. Le nom de la ville est trompeur : partout des militaires surarmés et une une police omniprésente.

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Des enfants à la pelle cirent les chaussures d’inconscients... et au milieu de tout celà, Simon Bolivar s’élève, fixant le pays qu’il a rendu indépendant. Parler d’indépendance est un bien grand mot surtout quand le président du pays parle espagnol avec un accent américain, et quand les grandes mines de gaz subissent le même sort que les mines de Potosi, le peuple ne profitant pas des richesses extraites dans leur sol. Le gouvernement préfère le profit plutôt que la santé de sa population qui ne peut pas chauffer ses maisons et sa nourriture dans certaines régions désertiques et sans bois. C’est un peuple usé par le temps que nous voyons, chaque révolte s’est finie en massacre comme à El Alto où à Potosi. Même Che Guevara y a laissé sa vie. Que faire quand les USA renseignent une armée bolivienne prête à tuer son propre sang ? Un impérialisme en remplace un autre, l’impérialisme Yankee remplaçe l’impérialisme espagnol.

Nous sommes fatigués par tous ce que nous avons pu voir durant ce voyage, cela nous parait inutile de passer dans les régions plus au sud de la Bolivie, les régions les plus dures. Direction Santa Cruz en passant par Cochabamba. La région de Santa Cruz coupe en deux le pays, ici c’est la forêt tropicale. Cette région vit essentiellement d’agriculture, d’exploitations minières, d’industries et de la déforestation.

Arrivée à Santa Cruz, capitale économique du pays à l’image de Saõ Paulo moins les buildings à la chaîne. La culture européenne prédomine : nombreux minets et lolitas, des shoppings-centers, le retour au mode de pensé einculqué par le capitalisme. Merci à l’oncle Sam. Je n’aime pas ce genre de ville dans ces pays , ce ne sont que des bulles que les exploiteurs gonflent et perceront un jour. Cela est sûrement déjà planifié comme tout dans le continent.

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Nous quittons cette merde de ville bourgeoise pour rejoindre Quijarro dans un minibus antique des années 70. Technique Paris-Dakar, nous faisons notre petit rallye Raid au milieu de la forêt du Pantanal, sur des routes en terre rouge défoncé par les camions sur 1000 km. Cela commence bien : la roue de secours se détache du toit, là où sont nos valises. Premier arrêt pour les replacer. Commence maintenant les slaloms entre les trous, le passage de rivières, le contournement en force sur les talus de camions embourbés, et des ponts en bois peu rassurants. Bref, c’est une vraie étape du Dakar jour et nuit. Plusieurs fois nous nous arrêtons dans de petits villages aux bords de la route, des villages vivant essentiellement d’agriculture. Le paysage est magnifique, mais 24 heures dans ces conditions ce n’est pas facile. Chaque point d’eau est exploité par la vie, où une multitude d’espèces y trouvent leur bonheur et leur raison d’être.

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Enfin arrivés, nous passons la nuit à Puerto Suarez, ville frontalière avec le Brésil. Cette ville me fait revivre la nostalgie de nos anciens, en France, et le mythique cinéma permanent où ils rencontraient souvent la femme de leur vie. Bien sûr ici ce n’est pas la France d’antan mais dans le fond ce n’est pas bien différent : tout le monde se retrouve le soir à la vidéothèque pour voir un film bidon qui aura tout de même servi à faire sortir tout le monde et favorisé la rencontre avec l’autre, chose perdue en France. Nous passons notre dernière nuit en Bolivie.

À nouveau le Brésil

Nous rejoignons tôt et à pied la frontière que nous franchissons furtivement pour ne pas payer une amende de 150 bolivars pour présence illégale sur le territoire bolivien à cause de la connerie des policiers de Copacabana. Ma situation est de nouveau régularisée à la police fédéral de Corumba, du côté brésilien. C’est difficile de parler de citoyens du monde lorsqu’on voit une telle différence entre deux villes séparées seulement par la douane. Ce serait aussi facile de dire qu’il n’y a pas de frontières : les rêves ne sont que des rêves. Cette ville est aux antipodes de son homologue bolivienne : rues pavés, derniers modèles de voiture, éboueurs, port, tourisme...et les émigrants boliviens se voyant refuser tout visa, Mercosur ou pas ! Moi, Français, le visa m’a été donné immédiatement. J’ai un peu de nostalgie de la Bolivie quand je vois la mentalité et la culture des Brésiliens de Corumba, et c’est de nouveau parti pour bouffer de la merde chère.

Nous partons pour Campo Grande dans le Mato Grosso do Sul. Nous sommes de nouveau astreints à plusieurs contrôles de police durant le trajet. Nous traversons la région du Pantanal sous le déluge. On y voit d’immenses élevages de vaches de 10 000, 20 000 têtes ou des cultures de soja - en parfait non respect de l’environnement - avec des propriétés de plusieurs dizaines de kilomètres carrés.

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Je pense à Chico Mendes dans sa lutte contre la déforestation, dans sa lutte pour la sauvegarde de l’Amazonie il y a plus de 25 ans. Mais quelle manne d’argent à court terme est la déforestation ! Pour le Brésil en plein essor, puiser dans ses ressources pour développer l’industrie apporte bien plus de reconnaissance sur le moment pour des gens avides. eh ! Oui, pour la plupart des hommes, s’élever dans la vie à bien plus d’importance que de s’élever devant la mort... En cette fin de voyage, mes pensées vont à quelques hommes : Chico Mendes, Gandhi, Malcom X, Martin Luther King, Che Guevara et de nombreux anonymes, et c’est avec une boule à l’estomac que j’observe ce qui m’entoure, et m’entourera toujours si la majorité ne trouve pas la force de faire Sa révolution. Il est impossible de la faire à sa place, tout comme il est impossible de demander à des moutons de devenir bergers. Le sentiment d’unité n’existera probablement jamais tant que l’Homme n’acceptera pas tout ce qu’il doit accepter pour sortir de sa condition. Nous arrivons dans la ville des Vaches, Campo Grande, une ville en superplastique qu’il est inutile de garder en mémoire.

Nous repartons très vite pour Brasilia. Ayant pris langue avec un paysan du Pantanal à la gare routière, nous nous renseignons sur la vie des paysans. Il nous fait savoir qu’il ne changerait sûrement pas sa vie pour devenir comme tout les gens sans visages des villes, même si la vie isolée qu’il mène est parfois difficile. Les attaques d’ animaux ne sont pas rares et, même si ils sont toujours armés d’une arme à feu et d’un grand couteau, et provoquent des morts ; plusieurs de ses amis ont été tué par des félins. On en est loin dans nos campagnes françaises, avec juste quelques attaques de coqs aux mollets ou plus rare des taureaux qui chargent. Le Pantanal reste derrière nous tandis que nous nous dirigeons vers le département fédéral, vers Brasilia.

Un peu d’ésotérisme pour cette ville de Brasilia fondée sur le même axe que Karnak et Paris et en forme d’oiseau en plein vol. La griffe de l’architecte Oscar Niemeyer est présente partout, du bureau du président, au sénat et parlement, au bureau fédéral de la justice, à l’hommage à Kubitschek (le fondateur de la ville) au pont sur le lac, au temple à sept faces et jusqu’à la cathédrale de Brasilia, autant dire tout les bâtiments publics importants.

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Cela peut prêter à sourire quand on connaît les idées politiques et les déclarations de Niemeyer : « Notre premier combat et de lutter contre l’empire d’Amérique du Nord », « Gorbatchev est un traître », « Quand il n’y a plus d’espoir, alors il y a la révolution ». Il a dessiné de sa main de génie un lot de constructions publiques qui sont utilisées aujourd’hui par un gouvernement de pantins à la solde des Américains du Nord. La ville même de Brasilia parait légère, il n’y a pas trop de constructions hasardeuses, même si d’après le créateur de Brasilia, le plan de la ville lui serait venu tout seul, naturellement, "par hasard", pour construire une ville en forme d’oiseau sur le même axe que Karnak et Paris ; il est vrai que cela demandait une sacrée imagination pour dessiner une ville en forme d’oiseau. Il fut le seul architecte à avoir rendu des plans brouillons faits en 10 minutes. De nombreuses choses peuvent ici être vues de façon mystique , en étroite liaison entre cette ville et l’Égypte d’Akhénaton. Pas mal de choses sont soit disant faites par hasard mais ici, Niemeyer est plus qu’original, il entre dans le cercle fermé du génie mystique, comme pour les tours jumelles sur l’axe de Karnak, qui voient le soleil se coucher entre elles le jour de l’anniversaire de la ville. Niemeyer dit ne pas l’avoir voulu consciemment et s’être retrouvé surpris en l’apprenant. Est-il possible de parler de hasard quand on sait que la même chose existait à Karnac et à Paris entre les piliers de l’Arc de Triomphe ? Tout cela situé sur le même axe. La touche ésotérique de ce voyage se fait d’elle-même, je ne la cherche pas, mais elle vient seul comme à Copacabana.

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Marcelo a disparu en me laissant un message comme quoi il repartait à Rio, et je passe deux nuits à dormir seul dehors, dans une nouvelle banlieue de Brasilia qui me fait penser à nos banlieues françaises à leur début. Les bâtisseurs répètent la même erreur que les Français : ils parquent les travailleurs et les fonctionnaires venus du Nord du pays dans ces nouveaux ghettos sans espaces, dans des immeubles paraissant confortables mais se dégradant très vite.

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Mon voyage s’arrête pratiquement là. Je pars seul pour Salvador de Bahia, avec l’envie d’entrer dans une communauté hippie à Arembepe, où vécut Janis Joplin et où des chanteurs comme Jimi Hendrix, Mick Jagger, Gilberto Gil sont passés. Ce sera un autre voyage - peut-être plein d’autres - et ici je pourrai faire en toute sérénité mes bilans du voyage.

Quelques conclusions

Environ 15 000 km de parcouru, presque la moitié de la Terre, faut maintenant en sortir l’utilité. Un voyage c’est toujours un gain de lucidité, maintenant je ne sais pas pour moi à l’heure d’aujourd’hui si cela a réellement changer quelques choses, je peux extrapoler des images à ce que je pensais, à ce que je savais, et je peux maintenant être sûr, la dépendance aux medias s’envole un peu.

Ce qui s’est présenté devant moi de la manière la plus chronique, c’est sûrement l’importance de la main-mise des USA sur tout le continent sud-américain, le fait qu’ils chamboulent le puzzle sud américain pour mieux le dominer. Tout cela est prémédité depuis longtemps, le sort futur de chaque pays est déjà scellé et connu par les décideurs américains. L’avenir de ces pays n’est pas entre leurs mains, même la plus grande révolte n’y changera rien, n’importe quel président n’y changera rien ; seule la prise de conscience collective et le sacrifice intellectuel personnel peuvent faire changer les choses , mais cette vision est bien utopique quand on voit que beaucoup ont volontairement renoncé à leur condition d’Homme. Même la prise de conscience de l’importance de l’unité n’existe pas, encore moins la prise de conscience de l’importance de soi dans l’unité. Dans les grandes villes, les pensées collectives n’existent pas, c’est la pensée de l’importance du soi pour soi qui prédomine.

A l’encontre des grandes villes, les villages aymaraa et quechuas de l’ouest de la Bolivie et du sud est du Pérou offrent une alternative ancestrale de vision du monde avec un système qui a fait ses preuves, basé sur le maintien de la culture, le respect et l’entraide mutuelle mais aussi la méfiance de l’étranger. De même en Argentine , la jeunesse m’est apparu assez lucide sur l’ensemble de la vie ; j’ai eu moins affaire ici à des lolitas et des minets qu’au Chili. Du Chili, je ne pourrais qu’en être l’ambassadeur des paysages naturels ; le cinquante-troisième État des USA fait bien honte à la foule qui était venue acclamer le poète Pablo Néruda à son retour d’exil mais satisfait pleinement la foule de grévistes tuant le futur de leur pays en 1973.

Alors l’Alca ou le Mercosur ? Si j’étais technocrate américain ou chilien je dirai l’Alca, mais je ne le suis pas. Pourquoi l’Alca ? Créer une nouvelle banlieue des États-Unis, exploiter le pays pour développer les systèmes de communications et militaires des yankees, cela sert juste à grossir l’œil de Big Brother. Qui désire que le pays de la « liberté » le traque ? Pas moi en tout cas, le télé-écran est arrivé déjà à un haut niveau de contrôle, il contrôle en masse. Pourquoi pas le Mercosur ? C’est pas difficile de faire le Mercosur, il faut juste demander l’autorisation à monsieur le président du monde, j’y travaille sur le champ :

- Monsieur le président du monde,

Étant affligé suite à la vision du sort que vous réservez à tout le continent sud américain, je me suis permis de vous écrire et de vous expliquer, brièvement et simplement, les interdictions que créent votre présence sur ce continent.

Imaginez, non égoïstement, un continent sud américain uni. Excusez moi, l’imagination n’est pas donnée à tout le monde, alors laissez moi guider votre imaginaire. Je ne considèrerai que les pays foulés par mes deux pieds et j’omettrai donc la Colombie, l’Equateur et le Venezuela. Commençons par l’essentiel, le Brésil contient 11% des richesses d’eau mondiale, et pour ce qui est de l’agriculture elle possède tous les climats favorables et les terres du Parana sont fertiles. Le Brésil peut être un grenier alimentaire pour les autres pays de la communauté. Pour le complément alimentaire l’Argentine peut apporter d’autres produits au vu de ses climats complémentaires dans le nord mais aussi la Patagonie, sans oublier que le Chili possède tout de même la plus vaste plaine cultivée du monde. Les questions de l’eau et de l’alimentaire ne devraient même pas se poser, la malnutrition ne devrait pas exister. Pour les besoins de nos sociétés modernes, le plancher sud américain regorge de matières premières, pétrole, gaz, charbon, cuivre, minerais, or, argent, acier, fer... Des villes ,comme Sao Paulo, ont une industrie qui serait apte à ajouter de la valeur à ces matières premières. Tout le continent sera sur une phase rapide de développement économique, et de non dépendance, il serait même capable de progresser en autarcie à la vue de toutes ses richesses. Maintenant, regardez la complémentarité des richesses : le pétrole du Brésil pour acheminer les richesses minière comme le cuivre du Chili, qui lui servira à la création d’installation pour le gaz extrait de Bolivie qui lui proposera une alternative écologique et moins chère aux moyens de transport, laissant la place à d’autres investissements comme le tourisme (les Andes, la Patagonie, l’Amazonie, les vestiges précolombiens du Pérou, les stations balnéaires, les déserts, les salars, les îles écologiques) apportant une manne d’argent supplémentaire servant la modernisation des moyens de communication. De là, le développement économique se fera de lui même, même les régions les plus désolées auront leurs places si on leur laisse leur exploitation propre, culture de pomme de terre (ces cultures pouvant être financées par des cultures de soja plus valorisé dans d’autres régions plus fertiles comme le Pantanal au Brésil), extraction de sel dans les déserts de sel, petites exploitations piscicoles sur le Titicaca ou le Pacifique dans le nord du Chili ou au Pérou, création d’industries ici où là au lieu d’une exploitation des mines par des étrangers qui ont appauvri les régions comme celle de Potosi, délocalisation des grands centres économiques pour favoriser de petites villes avec une vraie identité. En zappant les intermédiaires, les pouvoirs d’achats seraient accrus, l’argent pourrait donc servir à la recherche et l’investissement dans de nouvelles technologies au service de l’environnement, du non gaspillage des ressources naturelles non renouvelables comme l’arrosage au goutte à goutte des champs cultivés qui économise 85% de l’eau potable riche en matière organique (l’arrosage intensif est inutile, favorise la salinisation et donc la stérilité des terres , et coûte plus cher à long terme) et à la conservation de la biodiversité grâce à la baisse d’émission de CO2 en favorisant l’hydrogène qui ne contient pas de carbone dans sa molécule (alors que le charbon possède 4 atomes de carbone pour 1 atome d’hydrogène et le pétrole contient lui 2 atomes de carbone pour 1 atome d’hydrogène), car c’est la combustion du carbone qui est la première source de pollution atmosphérique alors que c’est la combustion d’hydrogène qui est recherchée. Le Mercosur pourrait proposer donc de nombreuses alternatives possibles pour ce continent riche, vous le savez très bien, mais votre manque de courage à affronter votre avidité vous pousse à de tels agissement égoïstes. Élevez vous sur votre échelle sociale, et rejetez l’échelle de Jacob mais n’oubliez pas cela : "Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété ; le but était illusoire ; la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin ; sinon, c’est le dégoût, le vide, l’ennui, ennemis encore plus rudes que le besoin." Cordialement, avec mes aboiements les plus sincères.

- Avec un peu plus de sérieux, voici ce que je retiens d’un tel voyage :

Après quatre siècles de résistance aux colonisations espagnole, portugaise, française, hollandaise et anglaise puis un siècle de lutte contre l’impérialisme étasunien qui se sont traduits par le génocide des populations, l’esclavage, la spoliation des richesses... avec la complicité des oligarchies locales, l’Amérique Latine est aujourd’hui un continent qui s’enfonce de plus en plus dans la pauvreté, bouffé par les appétits néolibéraux.

Cinq cents des plus grandes entreprises transnationales contrôlent 80% de la production et des banques - environ 48% appartiennent aux États-Unis, 30% à l’Union Européenne et 10% au Japon - l’Amérique Latine est une terre d’inégalité criante. La pauvreté touche 240 millions d’habitants dont plus de 107 millions d’indigents. Le nombre de pauvres a augmenté de 7 millions en 2002, le taux de chômage et la précarisation des emplois sont en constante augmentation. Le taux de mortalité atteint les 30 pour 1000 naissances, le taux de désertion scolaire des adolescents est de 37%... Nous sommes loin des perspectives de la Conférence au Sommet du Millénaire organisée par les Nations Unies en septembre 2000 qui prévoyait de réduire de moitié la pauvreté dans les 15 ans à venir. Encore des discours de technocrates démagogues comme ceux sur le développement durable.

La dette externe, créée souvent de toute pièce par des gouvernements militaires ou ultra-libéraux mis au pouvoir par les USA, pourtant déjà remboursée plusieurs fois, ne cesse d’augmenter (le Brésil en tête de liste) - 4 fois plus d’endettements qu’en 1982 - La surévaluation systématique du dollar étasunien, la dépréciation permanente des monnaies des pays du Tiers Monde est utilisée à des fins de domination - l’Argentine n’en a-t-elle pas payé les frais ? Cette domination permet de continuer à financer le développement économique des États-Unis, tout en emprisonnant les pays du Sud dans des mécanismes de dépendance qui les obligent à s’aligner sur les exigences du libre-échange. Aux antipodes du Mercosur, le système Alca qui propose la création d’une zone de libre échange avec les États-Unis, prévu pour début 2006, est l’expression la plus aboutie de la politique de domination économique, commerciale, culturelle et militaire des pays latino-américains. Son application mènerait irrémédiablement à l’annexion du continent latino-américain par les États-Unis ; c’est pratiquement le cas du Chili. Mais d’autres traités existent comme les accords bilatéraux, tels le Plan Colombie, le plan Puebla Panamá, les Traités de libre commerce qui sont d’autres formes de néocolonialisme et de dépendance. Voilà ce que propose le capitalisme nord américain pour lutter contre la pauvreté et les inégalités en Amérique du Sud.

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Les USA sont même prêts à faire assassiner Hugo Chavez, lui qui déclare « s’employer à bâtir une société planétaire basée sur l’être humain », s’il applique sa révolution bolivarienne au Venezuela : « prendre son destin en main, donner ses propres solutions à ses problèmes, se regarder avec ses propres yeux et écrire sa propre histoire ».
Chavez propose un système alternatif à l’Alca , le système Alba qui « a pour objectifs la transformation des sociétés latino-américaines avec la participation démocratique et directe des peuples. Le commerce et l’investissement ne sont pas des fins en soi mais des moyens de parvenir à un développement juste et durable. Pour atteindre ces objectifs, le projet bolivarien renforce le rôle de l’État dans la défense des services publics au bénéfice de toute la population et conserve sa fonction de régulateur et coordinateur de l’activité économique pour ne pas l’abandonner aux seuls intérêts des investisseurs ». L’Alba est donc basé sur la coopération, la complémentarité économique, la solidarité entre les différents peuples et propose une société plus humaniste. Cuba et le Venezuela tentent d’appliquer ce projet depuis 2004. Cela ne rappelle t-il pas Allende ?

Les autres conclusions que j’ai tirées de ce voyage resteront personnelles, et n’ont pas leur place dans cet article.

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