Mais le bilan aurait pu être bien plus lourd puisque de l’essence avait été déversée dans l’allée de l’immeuble, seule issue de secours pour ses habitants, si le feu avait eu le temps de se propager.
Cet acte terroriste prend place dans un contexte à la fois local et national : la veille, la devanture de la librairie avait été dégradée par plusieurs dizaines d’autocollants du Front national jeunesse, alors que l’union locale de Lyon de la Fédération anarchiste se préparait pour un rassemblement de soutien au Monde libertaire, attaqué en justice par Le Pen, le chef du F Haine, pour un dessin humoristique. Le lendemain, c’est la librairie qui flambe ! Chacun fera ses hypothèses...
De plus, à l’heure où le Front national censure la bibliothèque d’Orange, muselle le festival de Chateauvallon (Toulon), une librairie qui flambe, c’est tout un symbole qui rappelle de sombres souvenirs : la montée du nazisme en Allemagne, les autodafés... Alors que se multiplient les actes et propos racistes, les discours négationnistes, les atteintes à la liberté d’opinion et d’expression, les attaques physiques contre la liberté fondamentale des femmes à disposer de leur corps, cet attentat contre les locaux de la Fédération Anarchiste et sa librairie est un pas de plus pour tenter de faire taire l’ensemble des antifascistes et des antiracistes.
La mobilisation s’est immédiatement organisée contre cet acte criminel. Le jour même, plusieurs dizaines de personnes, libertaires et gens du quartier, se sont rassemblés spontanément devant le local. Le lendemain, ce n’est pas moins de 300 personnes qui étaient présentes devant le veilleur de pierre (Bellecour) pour manifester leur soutien. Le jeudi, plus de 200 personnes sont venues voir (et sentir !) l’ampleur des dégâts lors du meeting organisé afin d’informer sur ce qui s’était passé et de donner des perspectives politiques de lutte contre l’extrême droite. Ce qui reste du local s’est révélé bien exigu pour recevoir tous ces voisins et sympathisants !
Enfin, c’est avec le soutien de nombreuses organisations qu’a été appelé une manifestation le samedi 22 février 1997. Plus de 3000 personnes ont défilé dans les rues de Lyon, le cortège étant constitué pour une bonne moitié des organisations libertaires (FA, CNT...).
Un arrêt a été marqué devant le musée national de la résistance et de la déportation, pour rappeler le combat de toujours des anarchistes contre le fascisme. C’est un silence chargé d’émotion qui a accueilli la chanson « Amis, dessous la cendre » de Serge Utgé-Royo et les poings se sont levés aux premières notes de « A las barricadas ».
Le soutien, tant humain que financier, a donc été à la hauteur des enjeux politiques qui étaient derrière cette manifestation. Il a été possible de montrer aux fascistes qu’on ne peut accepter de telles pratiques criminelles, tout en refusant aussi de rentrer dans leur stratégie de surenchère de violence. C’est donc une véritable réponse politique qui a été opposée à la barbarie fasciste.
Un concert de soutien a rassemblé plus de mille personnes le 12 juin 1997, à la Bourse du Travail, avec de nombreux artistes qui se sont donnés la peine de venir comme Serge Utgé-Royo, Paco Ibanez, Anna Prucnal, Lény Escudero... De plus, de nombreux chèques de soutien, qui ont été transmis par diverses organisations politiques, sympathisants, individus et la solidarité matérielle et technique, qui a été proposée de toutes parts, ont permis de réouvrir la librairie « La Plume Noire » assez rapidement.
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