« NON » Écrit sur nos banderoles, sur nos tracts, clowné, chanté et crié dans nos foulards : il en faut de la détermination et de la créativité pour essayer de faire saisir le sens de ce mot à nos dirigeants. Désagréable sensation de barrières de langage, d’être à coté d’un interlocuteur dont on ne peut freiner la marche. Pas de « non » dans la positive attitude... Visiblement, nous ne nous comprenons pas. En novembre 2005, nous aurions peut-être dû nous préparer au dialogue en prenant les leçons de leur langage : celui du bâton. Nous nous serions peut-être dès lors rendus compte du mur qui nous sépare. Irons-nous aux rattrapages en 2007 ?
Le CPE est l’arbre qui cache la forêt. Profitons de cette lutte contre la précarité et de son impact médiatique international pour penser nos revendications plus globalement : à échelle de valeur étendue, problèmes étendus.
« Impossible de faire des projets d’avenir en tant que précaire... » Mais de quel avenir parle-t-on ? De celui qui s’arrêtera quand notre patron l’aura décidé, dans une vie conditionnée par l’obsession de la stabilité de notre emploi et de notre pouvoir d’achat ?
« C’est dur de se vendre sur le marché du travail », mais devons-nous accepter de nous transformer en marchandise et de sacrifier notre dignité en échange d’une plus grande sécurité matérielle, au nom de la flexibilité pour l’optimisation du profit des actionnaires ?
Allez, sans blague, ce que l’on demande, ce n’est tout de même pas de pouvoir consommer plus ?
Naissance d’un nouveau concept : après la précarité sociale, la précarité du consommateur. Tant pis pour ceux qui ne peuvent se payer le luxe du supermarché France®. Le portefeuille y est roi et les vigiles veillent. La politique, c’est comme du commerce ; la technique de vente est simple : faire croire au client qu’il n’y a que deux choix possibles, à lui d’y trouver son bonheur, le vendeur sera gagnant à tous les coups !
Mais qu’espérons-nous atteindre en grimpant la courbe infinie de la croissance ? La course au productivisme ne mènera nulle part : 20% de la population mondiale consomme 80% des ressources de la planète. À eux de crier « tout est à nous, rien n’est à eux » ? L’industrialisation à outrance de nos pays occidentaux par l’exploitation des richesses naturelles des pays du Sud continue d’aggraver les déséquilibres internationaux, qu’ils soient sociaux, culturels, économiques ou environnementaux.
Le progrès humain n’est pas concevable par la régression sociale. Pourtant, c’est au nom du progrès que l’on voudrait nous imposer des réformes concoctées par les soi-disant élites économiques du G8 et de l’O.M.C. pour la dérégulation des marchés ! Il n’y a rien a espérer du système actuel dans lequel il n’y a pas plus de « cohésion sociale » possible que de « vivre ensemble » juste et équitable pour tous...
Peut-être est-on dans la rue pour tout cela ? Le mouvement massif anti-CPE n’a-t-il pas permis d’amorcer le rapprochement des revendications ?
Depuis 2 mois que nous nous organisons ensemble, des idées bourgeonnent dans nos mouvements, nous touchons à l’autonomie. Rentrer maintenant chez soi, se caler dans le troupeau ? Accepter la régression culturelle, le déficit démocratique et les lois liberticides ? Qu’avons-nous à perdre de plus, après la mise sur le marché de nos propres gènes ?
C’est dans nos journaux, tracts et chansons que l’on peut lire la réalité de nos envies. Quel intérêt a une presse nationale prise dans les logiques économiques à faire autre chose que compter ... les manifestants ... les jours ... les arrestations... ?
Pourquoi ne pas profiter de l’énergie de nos mouvements et de la place laissée à l’espoir pour oser expérimenter des alternatives et tenter de construire progressivement, ensemble, un nouveau quotidien, dont chaque individu devrait être un acteur responsable ?
Nous pouvons dès maintenant travailler à un réel projet d’avenir, pour lequel il existe des pistes concrètes : relocalisation de l’économie par la micro-entreprise et intégration à l’environnement et aux territoires naturels, démantèlement des banlieues, répartition du temps de travail et des richesses, développement interculturel, refonte de la représentation politique et démocratie participative... ne sont-ils pas les premiers chantiers à ouvrir ?!
Une évaluation des politiques publiques et des États généraux du développement seraient des préalables incontournables.
Puisque l’emploi est au cœur des enjeux, commençons par redéfinir la place du travail : ce qui nous est proposé est déconnecté de nos besoins d’épanouissement et de vie sociale. Pourquoi ne pas s’aider des savoir-faire de ceux qui expérimentent déjà le changement ? Entreprises coopératives, associations producteurs-consommateurs, Systèmes d’Echanges Locaux, zones de gratuité, pratiques autogestionnaires... pour organiser nos vies et entreprendre autrement dans les domaines du social, du culturel, de l’écologie..., où il y a tant à faire pour moderniser la société ! Des modes de vie demandent à être connus : simplicité volontaire, récup’ et recyclage, écoles alternatives, “Do it YourSelf”... Et s’il était temps de se rassembler et de s’approprier toutes ces pratiques ?!
* Nous appelons à la convergence des collectifs et des individus sur les nombreux événements qui ont lieu cette année : festivals, villages autogérés, manifestives européennes, forums, marches... sont autant de possibilités de rencontres, d’échanges, d’expérimentations, et d’actions concretes. La transmission de savoir-faire, l’apprentissage demandent de la spontanéité. Organisons-la !
* Nous appelons à poursuivre la mobilisation de nos mouvements contre la Loi dite "d’Égalité des chances", et contre l’ensemble des politiques antisociales.
* Nous appelons au soutien inconditionnel de tous les inculpés des révoltes de novembre et du mouvement anti-CPE/CNE.
* Nous appelons à faire de cette lutte contre la précarité un combat pour un nouveau progrès humain d’innovation et de créativité !
Lyon, avril 2006.
À diffuser sans modération...
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