Vendredi 30 juin 2006 à 20H30
Vivre l’Utopie ! 96 minutes, TV Catalunya, 1997
Documentaire, réalisé par la télé catalane, sur le
caractère constructif de la Révolution espagnole, c’est-à-dire sur
l’expérience des collectivisations et de l’autogestion généralisée de la
société, notamment en Catalogne et en Aragon, et sur le rôle
central qu’a joué dans ce processus le mouvement
anarchiste et anarcho-syndicaliste
PAF libre
Organisée par les groupes de Lyon de la CGA (Coordinaton des Groupes
Anarchistes)
- CNT-FAI
- affiche de 1936 de la CNT-FAI
Il y a 70 ans, le 19 juillet 1936, les travailleurs espagnols
descendaient dans la rue, prenaient les armes et provoquaient la grève
générale dans de nombreuses régions d’Espagne pour répondre à la
tentative de coup d’Etat nationaliste à caractère fasciste déclenché la
veille.
Cette réaction, qui peut apparaître comme spontanée, fut en réalité non
pas l’œuvre des forces politiques, gouvernementales et Etatiques du
Front populaire au pouvoir mais des organisations ouvrières et
paysannes, CNT en tête. Dans certaines régions comme l’Aragon et la
Catalogne, l’influence et l’implantation de la CNT (Confédération
Nationale du Travail), confédération syndicale anarcho-syndicaliste,
ainsi que de la FAI (Fédération Anarchiste Ibérique), ont permis que le
vent libertaire souffle pour s’opposer à la barbarie fasciste mais aussi
pour construire un autre futur. Pour les militants libertaires mais plus
généralement pour ce peuple en arme, la lutte antifasciste se confondait
alors avec la Révolution sociale.
La Révolution espagnole fut certainement le plus fabuleux moment de
changement social de l’histoire du XXe siècle. Aujourd’hui, 70 ans
plus tard, cette expérience révolutionnaire et libertaire et le projet
social qu’elle porte et qu’elle a confronté à la réalité n’ont pas pris
une ride et sont toujours d’actualité.
- Casa del Pueblo 1936
L’autogestion généralisée de la société
Face à l’incapacité du gouvernement républicain à faire face au coup
d’Etat du général Franco, les milices ouvrières ont organisé la lutte
antifasciste. En même temps, l’Etat étant quasiment tombé en désuétude
et incapable de gérer la situation militaire comme économique et
sociale, les syndicats ont pris en charge l’organisation et la gestion
de la société et de l’économie. Les militants anarcho-syndicalistes et
anarchistes ont alors pu laisser libre cours à leur volonté de mise en
place du communisme libertaire. Dans de nombreuses villes et campagnes
l’ensemble de l’économie (de la production à la consommation en passant
par la distribution) passe aux mains des syndicats CNT et UGT. A
Barcelone, sous l’impulsion des libertaires, l’industrie et les
transports sont collectivisés. Dans les campagnes, de nombreux villages
mettent en place des collectivités où la propriété privée comme souvent
l’argent sont supprimés, où les terres sont rassemblées, travaillées
collectivement et où les richesses produites sont redistribuées selon la
bonne vielle devise « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses
besoins ». Ce mouvement atteindra son plus haut point de développement
en Aragon avec la constitution du Conseil des collectivités d’Aragon.
Dans les premiers mois de la Révolution, malgré une situation de guerre
civile et tout en devant assurer la lutte contre le fascisme, le
mouvement révolutionnaire a réussi le pari d’augmenter la production par
la collectivisation mais aussi de développer les écoles, le système de
santé, l’accès à la culture, ou encore la condition des femmes dans la
société (qui seront les premières à obtenir le droit à l’Interruption
Volontaire de Grossesse !). Indéniablement, pour le peuple espagnol qui
n’avait jusque là que connu exploitation, misère et soumission à l’armée
et à l’Eglise, les conditions de vie s’améliorent et le projet
libertaire tient ses promesses comme source d’émancipation individuelle
et collective.
- tram CNT-FAI
Les hésitations du mouvement libertaire et la contre-révolution
Pourtant ce si bel espoir fut de courte durée. A peine un an plus tard,
les conquêtes de la Révolution étaient remises en cause et en danger
comme en témoignent les journées de mai 1937 à Barcelone où s’affrontent
les militant-e-s révolutionnaires de la CNT, de la FAI et du POUM avec
les forces républicaines et communistes souhaitant une reprise en main
de la situation politique, militaire et économique par l’Etat central.
La contre-révolution est alors en marche. Elle est menée par un Parti
communiste espagnol qui s’est développé en intégrant les éléments de
l’armée et de la petite bourgeoisie qui n’acceptent pas la révolution
sociale. Cette politique est dirigée, depuis l’URSS (qui s’est fait
livrer l’or de la banque d’Espagne), par Staline qui n’admet pas qu’un
autre modèle de Révolution vienne concurrencer l’illusion du paradis des
travailleurs soviétiques et troubler ses plans d’alliance
internationale. Le général communiste Lister ira même jusqu’à dissoudre,
à la tête de sa division blindée, les collectivités d’Aragon au
printemps 1938 par la force.
Rien ne sert de se voiler la face, dans cette offensive de la
contre-révolution et dans la remise en cause des conquêtes
révolutionnaires au sein du camp antifasciste, le mouvement libertaire a
commis des erreurs d’appréciation, de stratégie et de fonctionnement. Ne
pas avoir proclamé l’indépendance du Maroc espagnol dans les premiers
jours de la Révolution, ce qui aurait coupé les bases arrières et sapé
les réserves militaires de Franco, comme le fait de laisser une vitrine
légale au gouvernement du Front populaire, notamment sous la forme de la
Généralité en catalogne, sont des positions lourdes de conséquences et
qui ont permis à l’Etat, et à travers lui aux forces
contre-révolutionnaires, de reprendre prise sur la société. Ces
décisions viennent certainement d’une erreur d’appréciation par rapport
à l’attitude et aux attentes envers le gouvernement de Front populaire
de la République française. Tout a été fait pour se ménager une image
respectable, ne pas heurter la république voisine, dans l’espoir d’une
aide du Front populaire de Léon Blum qui ne viendra jamais. Enfin, la
participation au gouvernement de certains responsables de la CNT, qui
s’étaient petit à petit coupés de tout contrôle des militants et
adhérants et les avaient dépossédés des décisions, entérine petit à
petit tous les reculs, de la militarisation des milices à la remise en
cause de la collectivisation. Le refus d’assumer l’affrontement, par
peur de briser l’unité antifasciste, et l’abandon des militants refusant
la remise en cause des conquêtes révolutionnaires durant les journées de
mai 37 sont significatifs.
- Nopasaran
L’exil ou la mort
Dans ce contexte, la lutte antifasciste, vidée petit à petit de sa
substance, de ses dynamiques et de ses espoirs révolutionnaires, ne
pouvait plus l’emporter sur la barbarie. Face à l’esprit de caserne et
la violence guerrière du fascisme espagnol, soutenu par Hitler et
Mussolini, seuls l’esprit, les pratiques, les formes d’organisation et
le projet révolutionnaire pouvaient l’emporter. Ce sera donc la défaite
pour le camp antifasciste après près de trois ans de lutte à mort.
Début 1939, Barcelone tombe sans pratiquement combattre, puis c’est au
tour de Madrid dans un dernier sursaut. C’est l’exil ou la mort pour des
milliers de militants, d’ouvriers et de paysans. Près d’un demi million
de personnes passe la frontière et se réfugie en France. La République
française qui les avait déjà abandonnés face au fascisme les accueille
en les parquant dans des camps de concentration, parfois le long de la
plage. Certains en sortiront pour s’engager dans les compagnies de
travail, certains iront travailler sur les fortifications le long du
Rhin, d’autres s’engageront dans l’armée française, d’autres enfin
seront livrés aux nazis, après la défaite de la France, par le
gouvernement de Vichy. Beaucoup, notamment dans le sud-ouest,
continueront la lutte antifasciste en participant à la création des
premiers groupes de résistants durant les sombres heures de l’occupation
et de l’Etat français. Et lorsque la division Leclerc pénètre dans Paris
en septembre 44, après le débarquement, dans ses blindés on trouve de
nombreux anarcho-syndicalistes espagnols dont l’un d’entre eux est le
premier à rentrer dans la ville. Ils poursuivront la guerre jusqu’au nid
d’aigle d’Hitler en Allemagne, persuadés qu’après Rome et Berlin ce sera
au tour de Madrid d’être débarrassée du fascisme. Espoirs déçus une fois
de plus. Les Alliés préféreront laisser en place un Franco qui arrange
les intérêts américains dans le contexte d’une guerre froide qui
s’annonce, plutôt que de voir rentrer en Espagne ces militants
antifascistes avec plein de foutues idées dans la tête et prêts à
reprendre la révolution sociale là où ils l’avaient arrêtée.
- cnt-fai 2
Un projet toujours d’actualité
Même si cette expérience s’est terminée dans le sang et les larmes,
si les espoirs libertaires nés de ce tourbillon de l’histoire ont été
écrasés de toute part, l’expérience libertaire de la Révolution
espagnole reste toujours d’actualité. C’est un moment où l’Histoire
s’est accélérée, où le communisme libertaire s’est matérialisé de la
façon la plus poussée et sur la plus grande échelle. Les enseignements
que nous laisse cette expérience sont nombreux et toujours pertinents.
Que ce soit sur le rôle de l’Etat comme appareil de gestion aux profits
des privilégiés, sur la méfiance à avoir envers les intrigues du pouvoir
et de ceux qui aspirent à s’en emparer, sur la forme de la lutte
antifasciste qui doit forcément être aussi anticapitaliste mais surtout
sur cette fabuleuse capacité à réorganiser la société sur la base de
l’égalité économique et sociale grâce à la collectivisation des moyens
de productions, de distribution et des richesses produites sur une base
autogestionnaire.
A l’heure où l’exploitation capitaliste se fait plus agressive, où les
politiques Etatiques gèrent le creusement des inégalités par des mesures
sécuritaires, la Révolution espagnole et sa flamme libertaire nous
offrent encore une alternative à la Barbarie capitaliste et Etatique !
Coordination des Groupes Anarchistes - CGA - Lyon
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