La publicité est-elle d’utilité publique ?

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C’est la principale question posée lors du procès de militantes et militants anti-pub au tribunal correctionnel de Lyon, ce lundi 18 septembre. Le verdict sera donné le 25 septembre.
Voir l’annonce de ce procès.

Trois ans après...

Les faits remontent au... 28 novembre 2003. Eh ! Oui, on se retrouve il y a trois ans... Depuis une semaine, les étudiant.es de toute la France sont en grêve contre Luc Ferry (« Les facs aux patrons, les étudiant.es disent non ! ») et d’ailleurs l’université Lyon-2 est occupée après une grosse manif le 27 novembre.

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À Lyon, des personnes de divers horizons préparent aussi la journée sans achats du samedi 29 novembre pour vivre une importante manifestive contre la société de consommation qui part de la Bourse de commerce aux Cordeliers pour se terminer au temple du commerce de la Part-dieu. Mais en plus de tout ça, des personnes de Paris, relayées par Stop pub, lancent une action contre la publicité dans le métro le soir du vendredi 28 novembre.

Certaines personnes ne veulent pas être en reste et, prises dans l’ambiance, se disent qu’une action pourrait bien se faire aussi dans le métro lyonnais, contre l’agression publicitaire permanente, bien qu’il y ait beaucoup de choses en même temps, ce vendredi 28 novembre, et même si les façons de l’affichage publicitaire ne sont pas pareilles que dans le métro parisien.

C’était une action tout à fait gentillette, faite uniquement avec des marqueurs à l’eau (les inscriptions s’effaçant d’un coup d’éponge !) juste pour « marquer le coup » ; l’objectif principal des trois groupes constitués ce soir-là était surtout de permettre des discussions avec le public sur la société de consommation.
Mais c’était sans compter sur Iznogoud et ses sbires ; c’était sans compter sur les forces de l’ordre donné par Sarkozy et la répression systématique. On ne conteste pas le systême capitaliste ! En effet, des hordes policières attendaient ces militants à la station Charpennes ainsi qu’à d’autres stations : 25 personnes furent arrêtées ce soir là dans le métro de Lyon et contrôlées ou mises en garde à vue jusqu’au lendemain. À Paris, ce sont 276 personnes qui furent interpellées dans le cadre de cette action.

Des discussions, cependant, il y en eu beaucoup avec le public ; et d’ailleurs nombreuses étaient les personnes qui approuvaient ce genre d’action, se sentant agressées aussi par la publicité. Il y eu même des discussions, et quelques uns adhéraient à cette action, avec des agents des TCL (Transports en Commun Lyonnais) affirmant que de simples inscriptions sur des affiches ne pouvaient aucunement entrainer de poursuites... Et pourtant cela s’est passé tout à fait autrement !

Combien d’enterrements de vie de garçon ont fait beaucoup plus de dégats dans le métro... mais ça souvent on laisse faire : ça ne remet pas en question le systême !

Le procès

Sur les 25 personnes mises en garde à vue, qui croyaient toutes que l’affaire était enterrée depuis longtemps, six d’entre elles eurent la désagréable surprise de recevoir en juin de cette année une convocation pour passer devant le tribunal de Lyon ce 18 septembre.

Sur les six personnes, quatre étaient présentes au palais de justice. L’un d’eux, vivant actuellement des choses difficiles n’était pas du tout en état de se plonger dans l’ambiance d’un tribunal, surtout trois ans après les faits, tandis qu’un autre, hospitalisé le jour-même, était représenté par son avocate.

D’ordinaire, ce genre d’affaires passe au maximum en maison de justice, mais là on veut vraiment en faire un exemple : on ne doit pas toucher à la pub !

La salle de la 7ème chambre était pleine, en comptant les journalistes, et d’ailleurs les personnes qui étaient venues pour une autre affaire avaient toutes un petit sourire : cela paraissait complètement incongru que l’on fasse en sorte d’encombrer les tribunaux pour avoir fait quelques inscriptions sur de la publicité.

Une affaire de gros sous

Les accusés, eux, ne souriaient pas. En effet la société Kéolis, qui gêre le réseau des TCL, et qui engrange l’argent de la publicité, leur demande un dédommagement de 8 280 euros pour avoir, selon cette société, remis en état 14 rames de métro.

Comment ces six personnes auraient-elles pu s’y prendre pour faire un tel préjudice avec des feutres à l’eau ? C’est vraiment exagéré si c’est la facture du nettoyage. Soit Kéolis leur impute des dégradations qu’eux-mêmes n’ont pas commises, soit Kéolis a remplacé du matériel qui n’aurait pas dû l’être... et on met tout sur le dos de ces six personnes.

Le procureur a bien précisé qu’il n’y a pas de responsabilité collective. Or une seule somme globale est indiquée par Kéolis qui ne correspond en rien aux éventuels dégats causés qui auraient dû être déterminés pour chacun, chacune de façon individuelle. Ce dédommagement ne peut être solidaire, il doit être individuel.

Pub : bien d’utilité publique ?

Et pourtant, Madame la présidente a bien indiqué, en introduisant l’affaire, que «  le montant du préjudice se monte à 8 280 euros pour des inscriptions faites sur des bandeaux publicitaires, bien destiné à l’utilité publique  ».

Le procureur Barret a essayé de démontrer, sans grande conviction, qu’une affiche publicitaire dans le métro pouvait être assimilée à un bien d’utilité publique puisqu’en faisant des inscriptions sur les pub, on peut inciter à le faire sur les sièges et sur les vitres, ce qui, a-t-il précisé, ne fut certes pas effectué dans cette action...

Ils et elles assument totalement leur action

Tous ces jeunes qui sont devant le tribunal ou sont représentés assument totalement leur geste qu’ils qualifient de dommage léger, d’action symbolique pour permettre un débat public : « La pub dans le métro nous agresse en permanence, ce n’est pas comme devant la télé où on a le choix d’éteindre son poste. Dans l’espace public, on n’a plus aucun choix, c’est une agression, un matraquage publicitaire, la marchandisation des esprits et du monde. »

Le procureur rappelle que la qualification de dégradation légère n’existe pas, il n’y a que celle de délit. Il note pourtant que Kéolis, partie civile, n’est ni présente, ni représentée. Il requiert une peine d’amende pour tout ou partie assortie du sursis.

Bertrand Sayn, l’avocat de trois des personnes accusées, se demande pourquoi seules les personnes qui ont fait preuve d’honnêteté en assumant leur geste se retrouvent devant le tribunal alors que ce sont 25 personnes participant à cette action qui ont été arrêtées.

En effet, les personnes qui ont dit n’avoir rien fait, même si elles étaient en possession d’un marqueur, n’ont pas été inquiétées. Notre système qui est fondé sur le mensonge, profite à ceux qui mentent.

« Au contraire, eux, ce qu’ils ont fait, ils l’appellent "action citoyenne" et ce geste symbolique les honore. Dans notre société, et dans tous les milieux, on ne manque pas de délinquants, mais on manque de jeunes gens, comme eux, qui ont des idées et qui les pratiquent. »

La publicité dans le métro n’est pas d’utilité publique

L’avocat continue en affirmant que la société anonyme Kéolis, qui est une entreprise privée avec un capital impressionnant n’en a rien à faire, du service public : le bénéfice des ressources publicitaires va directement dans la poche de Kéolis ; les bandeaux publicitaires servent uniquement à gagner de l’argent pour cette société de droit privé et ne sont donc pas un bien d’utilité publique. « La condamnation n’est pas possible. »

Le délibéré aura lieu le lundi 25 septembre à 14h à la 7éme chambre du nouveau palais de justice, 67 rue Servient Lyon 3éme.

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