Ces personnes étant fichées aux RG, s’ensuit une garde-à-vue de 48 heures, une perquisition qui ravage un appartement (les policiers ne trouveront que quelques brochures militantes), la prison pour deux des interpellés, une libération sous contrôle judiciaire pour le troisième en attente d’un procès. La section anti-terroriste s’est déplacée pour la perquisition.
Un juge anti-terroriste est chargé d’instruire une enquête pour « association de malfaiteurs, détention et transport d’engins incendiaires ou explosifs en vue de détruire des biens ou de commettre des atteintes aux personnes ».
Ce fichage et le fait qu’elles ont refusé en garde-à-vue de se soumettre à la « signalisation » (photos, empreintes, ADN) a entraîné ce montage judiciaire très décalé par rapport aux faits.
Dans la semaine qui a suivit leur arrestation, la presse, racoleuse, reprend la version policière, et parle de « junior-terroristes » et de fantomatiques réseaux qui se préparaient à la lutte armée. Ici quelques fumigènes pourtant couramment utilisés dans les manifs, ont suffi au gouvernement pour oser brandir une nouvelle fois le spectre du terrorisme. Rappelons que les rassemblements qui ont eu lieu à Vincennes ont été marqués à plusieurs reprises par l’utilisation de fumigènes, de feux d’artifices et autres pétards pour dérouter la police et signaler aux retenus qui luttent à l’intérieur l’existence de mobilisations à l’extérieur. Quant aux « clous tordus » cités par les journaux, ils rappellent plutôt des crève-pneus que l’on laisse sur la route pour crever les pneus des voitures de police et des camions cellulaires, ils ont aussi déjà été utilisés plusieurs fois, notamment lors des rassemblements devant les centres de rétention.
Il est nécessaire de rappeler le contexte de mobilisation politique dans lequel ces arrestations ont eu lieu. Il faut aussi dénoncer le montage policier et judiciaire à charge, dénoncer le fait qu’un fumigène et des crève-pneus envoie directement en taule et fait presque basculer dans « l’anti-terrorisme », un concept qui s’applique à de plus en plus de situations.
L’objectif est clair : museler toute contestation, tenter de diviser les militants-es, d’en isoler certain-es, de faire taire en inspirant la peur et réprimer tous ceux qui luttent contre l’enfermement et le traitement que subissent en France les classes populaires et les étranger-es.
Si le cas d’Ivan et Bruno peut sembler particulièrement choquant, il est malheureusement symptomatique d’une répression accrue des militants-es. Depuis janvier, diverses personnes ont été arrêtées et inculpées pour avoir voulu se rapprocher des détenu-es devant un centre de rétention, pour avoir protesté lors d’une rafle, pour avoir accueilli des sans-papiers chez elles, pour avoir refusé qu’un avion décolle avec des personnes bâillonnées à son bord… Ces inculpations s’inscrivent dans le contexte d’une lutte en expansion que l’Etat cherche à étouffer.
En effet, que ce soit face aux luttes de l’intérieur des centres de rétention où des sans-papiers communiquent vers l’extérieur sur leur emprisonnement, s’enfuient, font des grèves de la faim, refusent de rentrer dans leur chambre, incendient leur cellule et vont jusqu’à s’auto-mutiler ou face aux combats de l’extérieur où des gens s’organisent pour lutter contre les rafles et la déportation, l’Etat français et ses hordes de flics répliquent par la matraque, l’enfermement, l’isolation et l’humiliation.
Depuis le début du mois d’avril, leur affaire est "requalifiée" en régime anti-terroriste sous le motif d’une "jonction supposée" avec une affaire qualifiée sous le même régime. Ivan et Bruno sont aujourd’hui incarcérés depuis bientôt quatre mois, en attente d’un procès. La demande de mise en liberté de Bruno et Ivan a été rejetée le 4 avril. Ils ont fait appel de cette décision et ont donc à nouveau été entendu par un juge le 21 avril mais les deux demandes de remise en liberté ont été rejetées.
La détention de fumigènes et de crève-pneus qui vaut à deux personnes d’être actuellement emprisonnées et leur utilisation sont des pratiques partagées qui font notamment partie de ce mouvement de lutte contre les centres de rétention. Il est primordial que tous les gens qui participent ou se sentent solidaires de cette lutte n’oublient pas les copains incarcérés et leur manifestent soutien et solidarité par tous les moyens possibles (actions de soutien, diffusion de l’information..). Parce que nous mobiliser collectivement quand on nous attaque nous rend certainement plus fort que de se replier chacun dans son coin, ne laissons pas la répression s’abattre dans le silence et l’anonymat.
Pas plus que nous ne pouvons laisser des sans-papiers se faire expulser, nous ne pouvons pas laisser des compagnons de lutte croupir en prison pour leur solidarité. Ne laissons personne isolé-e face à la police, continuons à désobéir aux lois, multiplions les insoumissions et organisons nous en soutien à Ivan et Bruno !
Dans plusieurs villes, des individu-es ont commencé à s’organiser :
A Paris, de nombreux rassemblements de soutien à Bruno et Ivan ont eu lieu. Le 5 avril, lors d’une manif où des dizaines de milliers de personnes défilaient dans les rues pour crier leur rage face à la terreur que fait règner l’Etat français sur les étranger-es, des flots de fumigènes ont éclairé le défilé afin de marquer un soutien à Bruno et Ivan. Une grande banderole « Vive la solidarité avec les sans-papiers. Liberté pour Bruno, Ivan et tous les autres » a été déployée.
A Dijon, le 11 avril, a eu lieu un rassemblement devant la préfecture, en solidarité aux sans-papiers et à Bruno et Ivan. Environ 80 personnes ont barré la route avec deux grandes banderoles : « Libérez Ivan, Bruno et les autres, Vive la solidarité avec les sans-papiers » et « Ni sélection ni expulsion ! ». De nombreux fumigènes ont été cramés.
A Grenoble, le 22 avril, les bureaux du CROUS ont été occupés pendant 5 heures et demi, notamment pour protester contre la collaboration de cette institution avec la police lors de l’arrestation d’un étudiant sans papiers le 8 avril dernier. Le collectif « Des fumigènes pour toutes et tous » y était présent et y a appelé à la solidarité avec Bruno et Ivan. Deux fumigènes ont été brûlés par une fenêtre du dernier étage du bâtiment et des tracts jetés à l’attention des passant-e-s. Un après midi concert de soutien est organisé ce dimanche 4 mai.
D’autres villes comme Toulouse commencent à bouger, organisons nous en soutien à Bruno, Ivan et à tous les inculpés !
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