Illes ne connaissent pas la menace des punitions, illes ne doivent pas rester assis-es six heures par jour, illes n’ont jamais été privé-es de récré, illes ne sont pas suspendu-es à une note pour savoir ce qu’illes vallent, on ne leur impose pas la société d’autres enfants sur le seul critère qu’ils sont nés la même année, on ne leur impose pas le silence plusieurs heures par jour, et ce qu’illes apprennent c’est ce qu’illes sont prêt-es à apprendre. En un mot, Tom et Lilou ne sont pas soumis-es à une institution disciplinaire.
École obligatoire ?
En france, l’instruction est obligatoire, mais pas l’école. Cette vieille distinction, instaurée à l’époque de Jules Ferry pour que les familles les plus riches puissent faire éduquer leurs enfants par des précepteurs privés, a été retrouvée et détournée depuis les années 70 par certaines familles anti-autoritaires. Depuis, il y a toujours quelques centaines de familles qui épargnent à leurs enfants l’apprentissage de la discipline, de la peur, de la soumission.
Pendant quelques décennies, les autorités les ont regardées d’un œil méfiant, mais distant. Il semble que ça n’ait pas été un chantier prioritaire de la mise au pas des familles irrégulières. Et puis à la fin des années 90, sous prétexte de lutte contre les sectes, l’étau a commencé à se resserrer. Jusqu’alors, la loi ne demandait que quelques vagues contrôles dans le cas d’une instruction « dans la famille », et la plupart du temps ces contrôles n’avaient pas vraiment lieu. A partir de 1998, les contrôles ont été renforcés, en théorie et en pratique. Et si l’inspecteur de l’Éducation nationale n’est pas satisfait par les résultats, il peut sommer les parents d’inscrire leurs enfants à l’école, sous peine de six mois de prison et de 7500 euros d’amende.
« Ils n’interrogeront pas nos enfants ! »
Ah oui ! Mais pour Tom et Lilou, ça va être compliqué. Sylvie, leur mère, souligne : « On a notamment choisi de faire l’école à la maison pour que nos enfants ne soient pas mis en situation d’échec, pour qu’illes ne soient pas interrogés par un prof ou un inspecteur. ». Les tests standardisés pour les enfants des écoles sont de toute façon inadaptés à évaluer un savoir non-compartimenté, et acquis par ce que Sylvie et Régis appellent l’apprentissage informel. L’inspectrice de Bellegarde, qui était venue voir si Tom est Lilou savaient bien tout ce que la République impose de savoir à tel ou tel âge, est repartie sans avoir pu leur faire subir l’interro qu’elle avait dans ses cartons.
Dès lors, le litige porte sur le contenu exact de la loi qui stipule les modalités du contrôle. La loi rend obligatoire de contrôler la réalité de l’instruction. Une circulaire de l’Education nationale demande de contrôler des résultats, ce qui est tout différent. (En clair : à l’école, les profs donnent bien une instruction, ce qui n’empêche pas certain-es de leurs élèves d’avoir de très mauvais résultats). Mais en bonne logique républicaine, la circulaire ne concerne que l’éducation nationale, et n’a aucun pouvoir pour s’imposer à l’extérieur. Les familles déscolarisantes sont soumises à la loi, ni plus ni moins que tout un chacun, mais pas à la volonté arbitraire des bureaucrates du rectorat.
Tranquilles et inflexibles
« La loi est donc de notre côté », insiste Sylvie, avant d’ajouter : « Elle ne le serait pas qu’on ne céderait quand-même pas, d’ailleurs ». Parce que Sylvie et Régis (le père) sont animés d’une volonté tranquille et ferme. Si leurs choix sont légaux, tant mieux, c’est plus pratique, mais l’assurance de faire ce qui est juste est bien au-delà de la loi. « On ira jusqu’au bout, quoi qu’il advienne, jusqu’en prison s’il le faut. »
Et puis Sylvie insiste : « On n’a pas de leçon à recevoir de l’Éducation nationale. Pas avec les résultats qu’ils ont, eux. » Et quels résultats ! Une enquête de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme évalue à 9% la proportion des personnes de 18 à 65 ans, scolarisées en france, qui sont concernées par le par le problème de l’illettrisme. Sans parler de tout le reste : échec scolaire, violences, stress des enfants, discrimination, suicides, fichages, agressions des enseignants sur les enfants (eh oui, il y en a, bien moins médiatisées que les agressions inverses).
Pour en savoir plus :
La vidéo à voir en ligne, c’est ici.
L’interview de Sylvie et Régis, featuring Tom, sur Radio Canut, c’est ici.
Et le blog de Sylvie et quelques alliées, c’est là.
Sylvie, dont le nom de famille est Martin Rodriguez, a aussi écrit un livre, Les 10 plus gros mensonges sur l’école à la maison, aux éditions Dangles
Et on peut toujours lire et relire le magnifique Insoumission à l’école obligatoire, de Catherine Baker, aux éditions tahin party.
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