« Des sdf, trouvez-moi des sdf ! »

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Mardi 4 janvier 2012, le préfet du Rhône M. Carenco s’est rendu en grande pompe à Tassin la Demi-Lune pour l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence dans le cadre du plan froid.
Gyrophares, escorte policière, Monsieur le Maire, Monsieur le Directeur de la DDCS [1], Messieurs les Présidents d’associations, personnalités locales, tout était en place pour une belle opération de communication de la préfecture.
Tout ?
Pas tout à fait…
Il manquait en effet des invités de taille…
Les SDF.

Quelle bourde… On avait pensé à tout, sauf aux SDF

Le préfet allait se présenter devant les caméras de télévision et les journalistes pour montrer le bien fondé de sa politique de lutte contre l’exclusion dans un centre d’hébergement vide.
Pas un sans-abri à l’horizon.

L’explication de ce lourd dysfonctionnement est toute simple. A Lyon comme ailleurs, la préfecture est à l’image du gouvernement. On travaille dans la précipitation et l’approximation : coups de com’, improvisation et aussi coups d sang.

Le listing des personnes admises dans le centre n’a été communiqué que dans l’après-midi et les partenaires habituels : Samu Social et Croix-Rouge n’avaient pas été prévenus à l’avance de la date exacte d’ouverture.
Dans ces conditions, impossible de dire aux heureux élus qu’ils pouvaient rejoindre le centre d’hébergement d’urgence dans la soirée.

A 18 heures 30, donc, pas de sans-abri dans le centre d’hébergement et le préfet, lui, qui va arriver avec les médias. Panique à bord. Tout le monde est pendu au téléphone afin de trouver des SDF coûte que coûte.

A 19 heures, la DDCS donne alors la consigne au 115 de réquisitionner tous les SDF disponibles pour remplir le centre devant le préfet et les caméras de télévision.

A 19 heures 30, le Samu Social amène deux familles roumaines trouvées dans la rue et à 20 heures, la mobilisation tardive ayant enfin produit son effet, le centre refuse du monde. Le préfet et les caméras, eux, sont déjà repartis.

On imagine la tête des partenaires. L’un d’entre eux témoigne :

A 18 heures 30, j’appelle le 115 pour savoir s’il y a des places disponibles, on me répond que non. A 19 heures on me répond que oui et à 20 heures on me dit que finalement il n’y a plus de place. C’est du grand n’importe quoi.

L’histoire pourrait s’arrêter là et on pourrait en rire, à défaut d’en pleurer.

Malheureusement, il faut bien que quelqu’un paye les pots cassés. Et oui, en Sarkozie, il faut toujours un coupable que l’on punit. C’est comme ça.
Cette fois encore, ce sont les plus démunis qui vont faire les frais de l’opération.

En effet, un responsable, fou furieux de constater que les personnes qui avaient une place sans le savoir ne s’étaient pas présentées, dira en substance :
« Je m’engage personnellement à ce que les personnes qui ne sont pas venues ce soir retournent dans la rue et ne trouvent pas d’hébergement… »

Dans la foulée, le couperet tombe et l’oukaze est transmis : toutes les personnes qui ne se sont pas présentées sont rayées de la liste du centre d’hébergement d’urgence.
C’est brutal, c’est injuste, c’est stupide, mais c’est malheureusement très représentatif des méthodes utilisées actuellement par le pouvoir et ses rouages locaux.

Devant la télévision locale présente pour l’occasion, le préfet a eu cette citation délicieuse qu’il a injustement attribué à Michel Mercier, Président du Conseil Général du Rhône et Ministre de la Justice, alors qu’elle est en réalité de Saint François de Sales :
« Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit »

Demander aux associations de ramener en urgence des sans-abri dans un centre d’hébergement uniquement pour assurer le plan de communication du préfet, ce n’est pas bien.
Déplacer des sans-abri comme des pions après avoir nié leur existence [2], ce n’est pas bien non plus.
Rejeter à la rue des personnes fragilisées, des familles avec des enfants en bas âge, simplement parce qu’elles ne se sont pas rendues à une convocation qu’elles n’ont jamais reçu ce n’est pas bien du tout.

J’espère pour ma part que tout cela fera un peu de bruit.

P.-S.

Texte proposé à Rebellyon et également mis en ligne sur le blog de philippe alain

Retrouvez également un autre récit de cette inauguration dans l’entretien avec deux militantes en soutien aux familles de la croix-rousse diffusé sur Radio Canut le 06 janvier 2012

Notes

[1Direction Départementale de la Cohésion Sociale

[2Lors d’une conférence de presse, le préfet Carenco a déclaré : "Nous ne laissons jamais personne dormir dehors… Les gens qui contactent le 115 vivent chez un tiers ou dans un squat. Ils ne dorment pas dehors. Vous ne pouvez donc pas écrire qu’ils sont sans-solution ou bien vous mentez !" Source

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  • Le 14 janvier 2012 à 18:46, par wallee

    les gones > quel rapport avec Forum Réfugiés ? Ils n’ont rien à voir avec cette affaire, s’ils sont chargés d’hébergement, c’est pour les demandeurs d’asile et seulement, donc pas les SDF .. Ce n’est pas leur mission !

  • Le 10 janvier 2012 à 11:21, par les gones.

    il aurait été plus simple ,
    de mandater forum des réfugiers pour organiser l’ouvérture de ce centre,
    dans la discrétion.
    la fanfar, a gronde pompe, les caméras, les Monsieurs...
    ça fait bing bling.

  • Le 8 janvier 2012 à 18:30, par ts

    Salut Lionel.

    Habitat et Humanisme n’est que le prestataire mettant en œuvre l’organisation et la bonne tenue du lieu, sa gestion au quotidien, l’accueil des personnes.
    Ils font cela au même titre que l’Hôtel Social, FNDSA, Alynéa sur les autres structures ouvertes dans le cadre du plan froid.

    Cet article montre, et à juste titre, la manière de voir et de penser de notre préfet et de ses acolytes. Car ce sont bien eux et eux seuls qui ont mis la pression au 115, et aux autres partenaires pour remplir le centre en moins de deux afin de se faire mousser devant les médias. Et ce de façon complètement irrationnelle, au dépit de la prise en charge des personnes.

    La bonne question serrait plutôt de savoir, à mon avis, pourquoi ces associations acceptent sans plus de difficulté d’ouvrir des centres de façon temporaire, et donc d’accepter de remettre les personnes à la rue fin mars début avril.

  • Le 7 janvier 2012 à 19:55, par lionel

    encore un bel exploit signé... Habitat et humanisme

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