Désarmer la police

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ZAD Testet 4 compléments

Qu’est-ce que veut dire pratiquement le slogan « désarmer la police » ?

Une mise au point pour commencer, en ces temps de bataille médiatique.

La mort de Rémi Fraisse n’est pas accidentelle. Il a été tué par une grenade offensive. Un projectile qui rentre, avec les flash-balls, les grenades de désencerclement et les grenades lacrymogènes dans la panoplie des armes dites "non létales", régulièrement employées pour des opérations de maintien de l’ordre dans les quartiers sensibles ou lors de manifestations trop remuantes. Ces armes non létales ont déjà tué (un mort à Crest-Malleville en 1977, déjà par grenade assourdissante) et trop souvent mutilé au Chefresne, à la ZAD, à Villiers-le-bel, à Nantes, à Blois, Montpellier, Toulouse, Lyon, Paris, Grenoble... On pourrait refaire toute la carte, avec des taches de sang et des morceaux de dents brisées.

La mort de Rémi Fraisse n’est pas une bavure. C’est le ministre de l’Intérieur qui le dit. Et il faut toujours écouter les experts quand ils vous parlent de leur sale travail. Il y aurait bavure si la grenade avait été mal employée, ou hors du cadre légal. Or ce n’est pas le cas. Les gendarmes mobiles avaient le droit de balancer leurs petites boites de TNT dès lors qu’ils faisaient face à des opposants déterminés. De la même manière que tous les flics qui ont crevé l’œil d’un jeune ou d’un badaud à coup de flash-balls ont toujours été mis hors de cause par la justice. Mutiler ou tuer un élément d’une population hostile pour terroriser tout le monde, pour briser un mouvement et nous ramener tous et toutes au statut de victime potentielle du maintien de l’ordre : une vieille tactique contre-insurrectionnelle remise au goût du jour quand les flics visent systématiquement la tête comme à Nantes en février dernier, ou comme à Paris en 86 ; Malik Oussekine massacré dans une allée d’immeuble par les voltigeurs de la police. En frapper un pour les terroriser tous...

Pour autant Rémi Fraisse n’est pas une victime innocente. Si les flics confondent maintien de l’ordre et tactiques de contre-insurrection c’est bien que la révolte est là ; et on ne rentrera pas sagement chez nous sous prétexte que les gendarmes ont tué l’un de nous. Il faut enrayer cette triste mécanique. Rémi est mort parce qu’il n’est pas sagement resté aux concerts organisés à deux bornes de la zone de chantier, il est allé à l’affrontement, avec d’autres. Comme la veille une petite foule avait déjà bousculé les vigiles et incendié du matériel de chantier, et affronter la police pour que la réoccupation de la ZAD du Testet soit effective, pour lui faire de la place, donner de l’espace et du temps à tout ce qui pourrait s’inventer et se partager là.

C’est sans doute ça, les ZAD : que chaque aménagement indispensable au fonctionnement du Capital (un aéroport, une retenue d’eau pour l’agro-industrie, une ligne de TGV) soit l’occasion d’un basculement et d’un décrochage ; l’occasion de se retrouver pour ne plus jouer le jeu, ne plus faire tourner l’économie, ne plus se soumettre, réapprendre à construire des maisons, à faire pousser de la nourriture, à vivre à plein. Et partir de ça, partager ça, les fêtes comme les affrontements. Pour beaucoup, Rémi n’est pas une victime, c’est un camarade de lutte, un compagnon, que nous garderons vivant à travers nos gestes.

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Ils ont tué Rémi. Et avant lui Bouna, Zyed, Nicolas, Wissam, Luigi, Karim, Mohamed, Louis, Lamin, Larami, Mushin, Aurélien, Nabil, Mickael, Fakradin, Amin... Les « banlieues » se sont soulevées en novembre 2005, et puis il y a eu les émeutes de Villiers-le-bel, de Romans et de la Villeneuve. Depuis dix jours des manifestations ont eu lieu dans plus de trente villes, avec parfois l’attaque de bâtiments publics, de banques, ou des forces de l’ordre. Et encore des arrestations, des blessés. Ce mouvement cherche ses formes, ses tactiques. Mais il s’agit de trouver aussi ce qui serait dès à présent notre victoire (au delà d’un arrêt hypothétique des travaux sur la zone du Testet). Peut être qu’on pourrait formuler notre objectif ainsi : désarmer la police.

Ça ne veut pas seulement dire obtenir juridiquement ou réglementairement un moratoire sur l’usage de telle ou telle arme policière (on se rappelle de la suspension d’une demi-journée de l’usage du flash-ball lors du mouvement des retraites, après qu’un jeune ait perdu un œil à Montreuil... trois ans plus tard, à Lyon, les flics ont tiré 300 fois en une soirée pour réprimer les mouvements de foules après un match de l’Algérie lors de la coupe de monde de foot ; et il est utile d’indiquer que la manifestation du samedi 1er novembre à Toulouse en mémoire de Rémi a été attaquée à coup de grenades offensives par la BAC un jour après que le ministre de l’intérieur ait suspendu l’usage de ces projectiles... pour les gendarmes) même si tout ce qui peut compliquer le travail des forces de l’ordre est bon à prendre. Désarmer la police signifie déjà bloquer ses moyens de fonctionnements, s’attaquer systématiquement aux dispositifs policiers qui balisent nos centres villes et nos quartiers (comme la vidéo-surveillance), balayer la peur qu’elle nous inspire et faire l’expérience de notre impunité, de notre capacité à prendre la rue en cortèges sauvages, derrière des banderoles renforcées, des boucliers, des masques ou des armures de fortune. A Dijon, dans la soirée du 6 novembre, 300 personnes ruinent la façade du centre de la tranquillité publique après avoir recouvert plusieurs rues du centre ville de tags en la mémoire de Rémi et d’un habitant poussé au suicide après des harcèlements policiers. Aucune arrestation sur le moment [1] : la mécanique qui veut que tout acte de révolte finisse par être puni est rompue. Se débarrasser de la police pour nous poser immédiatement la question de ce qu’on veut vivre, vraiment. En se donnant quels moyens.

L’insécurité, c’est l’aventure. La vie débarrassée de la police ça peut être le début d’une révolution.

La Caisse de solidarité

Notes

[1Un jeune, blessé en passant la jambe au travers d’une vitrine d’agence immobilière et allé se faire soigner à l’hôpital, sera arrêté plus tard : 6 mois fermes.

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  • Le 17 novembre 2014 à 13:51, par INGE VIETT

    Donc selon vous seuls les politiciens auraient le droit de proposer un modèle de société ? C’est déjà le cas et voyez ce qu’ils en font : ils dominent par les lois (qu’ils ne respectent pas souvent et quand ils se font choper quand même, aucun ne va jamais en prison. On peut savoir pourquoi ?), par la police, par la justice, qui est plus un outil à leur service qu’autre chose, les institutions imposées etc.
    Désolé ça ne marche pas non plus, encore une fois voyez ou ça nous mène : dans le mur. Et c’est garanti, c’est juste une question de temps, on se plantera si on ne change pas de modèle de société tout simplement parce que le capitalisme (l’état et le capital sont du même côté ...), pratiqué comme il l’est depuis la fin de la WW2 voire plus longtemps, a atteint ses limites physiques et comme ils ne veulent pas changer, sinon ils perdraient beaucoup d’avantages, alors ils font durer un maximum le système tel que, et advienne que pourra. Les crises économiques sont pour eux des outils, qu’ils utilisent pour faire durer le système tel qu’il est. L’argent ne se volatilise pas que je sache, il le bloquent volontairement.
    Attendent-ils une nouvelle guerre mondiale, qui permettrait de détruire tout, y compris les gens bien sur, comme ça après on pourra tout reconstruire ; Sur le même modèle ? Car n’oublions pas, pendant les guerres, l’argent dort dans les banques des pays « neutres » et puis aussi c’est bien connu, les guerres boostent et relancent l’économie, les USA en ont fait leur spécialité ...
    Tant qu’il y aura des cons pour vouloir dominer les autres, et donc vivre sur leur dos, on se plantera, c’est tout. Le paradoxe est que les exploités sont beaucoup plus nombreux que les exploiteurs et pourtant ils se laissent faire. Ce n’est donc pas un hasard si la police est armée, et de quelle manière, pour en revenir au sujet ...

  • Le 10 novembre 2014 à 00:49, par

    Oui mais non, on est pas des politiciens. On ne parle pas d’une « nouvelle organisation de la société », on a pas à propager de « modèle », fut-il communiste libertaire. Voir les choses comme ça, c’est précisément se prendre pour un gouvernant. Rentrer dans ce rôle-là.

    Faut partir, non d’un programme politique, mais de la réalité. Et la réalité, c’est l’existence d’une hostilité contre la police. La réalité c’est qu’il existe des zones où la police n’est pas la bienvenue, aussi bien dans des quartiers que dans des ZAD. Par exemple, à Notre-Dame-des-Landes, la police ne rentre plus (pratiquement). Localement, le capitalisme se défait (petit à petit), des champs sont communisés, d’autres seront peut-être redistribués à des agriculteurs du coin lésés par les expropriations, on a plus besoin d’argent pour vivre là-bas, etc. Donc il n’y a pas une chose avant l’autre (capitalisme puis après police). Bloquer l’économie et affronter la police, c’est deux gestes qu’il faut tenir ensemble si on veut que d’autres réalités émergent. Si on veut que d’autres vies soient possibles. Si on veut arracher de force des territoires à la main-mise de l’État.

  • Le 9 novembre 2014 à 11:41, par INGE VIETT

    C’est une bonne idée en effet. Comme disait Coluche : « N’ayez pas peur madame, je ne suis pas de la police... »
    La police est armée bien entendue pour que les gens en aient peur tout simplement, pour que le rapport de force en cas de conflit, ou de simple face à face, soit toujours en faveur de l’état. L’état arme la police, et de quelle manière, avec nos impôts, et interdit à la population d’être armée, car bien entendu seul l’état est « responsable ». En clair l’état s’octroie à lui seul le monopole de la violence et condamne et élimine ceux qui utilisent une violence équivalente contre lui, ne serait-ce que pour rétablir un certain équilibre ...
    L’explication de tout ça : aucun pays capitaliste n’est « démocratique », cela n’existe pas. Menacez l’état dans son exercice de domination/exploitation de la population et vous verrez si cela existe. Les « démocraties » sont en fait totalitaires (tiens je croyais que seuls les pays communistes l’étaient !). Ce n’est pas moi qui l’ai dit le premier, c’est Ulrike Meinhof , qu’on a assassinée, dans un autre pays « démocratique » en 1976 ...

  • Le 9 novembre 2014 à 10:48, par Djou

    ok pour désarmer la police mais après ?
    Est-ce que ce n’est pas prendre les choses à l’envers ?
    Si on ne prépare pas le terrain pour la mise en place d’une nouvelle organisation de la société, une autre forme de répression/domination prendra la suite de la police.
    Se débarrasser de la police sans se débarrasser des autres formes de dominations imposés par le capitalisme serait une impasse, non ?
    Et j’oserai même que c’est en se débarrassant du capitalisme que la police sera du coup supprimée.
    Après pour quelle autre société ?
    Il va de soi qu’une société autoritaire ne ferait que reproduire le schéma existant donc à priori il faudrait d’abord propager le modèle communiste libertaire, prouver l’utilité et la fonctionnalité de celui-ci pour que les gens prennent conscience de la véritable égalité qui en découlerait ; et que pour y arriver, ben faut se débarrasser de toutes les formes de dominations qui découlent du capitalisme.

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