Le 20 juillet 1870, au deuxième jour de la guerre entre la France et la Prusse, une manifestation pacifiste du peuple lyonnais animée par la Première Internationale (AIT) se déroule de la place des Terreaux à la rue Sala.
Le 4 septembre 1870, Lyon proclame la République avant même que Paris ne le fasse : à 10 heures du matin, le drapeau rouge flotte sur le beffroi de l’Hôtel de ville (il y restera jusqu’au 4 mars 1871). Un Comité de Salut public composé de républicains et de quelques militants de l’Internationale placarde une affiche décrétant la déchéance de l’Empire et s’empare sans résistance de l’Hôtel de ville et du pouvoir. Le 6 septembre, Challemel-Lacour, qui a été nommé préfet du Rhône par le Gouvernement de la Défense nationale, arrive à Lyon. Le 8 septembre, dix commissaires sont désignés pour être les « intermédiaires du peuple lyonnais auprès du Comité de Salut public ». Albert Richard, Louis Andrieux et Victor Jaclard, qui en font partie, sont délégués auprès du gouvernement parisien pour discuter avec lui de la levée en masse contre les Prussiens. Andrieux, qui a pour seul souhait le retour de l’ordre, revient de Paris avec le titre de procureur de la République à Lyon. Albert Richard, quant à lui, revient en compagnie du général Cluseret qui doit être nommé commandant des volontaires du Rhône et des corps de francs-tireurs venus du Midi.
Mikhaïl Bakounine arrive à Lyon le 15 septembre. Il se plaint de voir collaborer l’Internationale avec les républicains, et prépare un soulèvement avec tous ses amis lyonnais de l’Internationale.
La première "Commune de Lyon"
C’est ainsi qu’à Lyon, le 17 septembre 1870, au cours d’une réunion publique, le principe d’un « Comité Central du Salut de la France » est décidé. Au cours d’une autre réunion, ses membres sont élus dont Lunkiéwicz, d’Ozeroff et Michel Bakounine. Camille Camet en est le secrétaire [1].
Bakounine tient des réunions secrètes à la Guillotière, où se trouvent de nombreux membres de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) ainsi que des révolutionnaires, comme le mécanicien Adrien Schettel ou le plâtrier Eugène Saignes.
Le Comité Central du Salut de la France, qui compte en son sein des délégués de différents quartiers de la ville, déploie une grande activité, publiant des manifestes et multipliant les réunions publiques. Une coordination est bientôt établie entre groupes révolutionnaires, associations ouvrières et milices de citoyens et le plan d’une insurrection à Lyon est mis en place.
Le 26 septembre, dans la salle de la Rotonde, aux Brotteaux, au cours d’une réunion tenue devant 6000 personnes, on déclare qu’il est urgent de décréter un emprunt forcé, la peine de mort contre les riches fugitifs, la destitution de tous les officiers, et qu’en premier lieu, il fallait chasser de l’Hôtel de ville le préfet Challemel-Lacour et le Conseil Municipal.
On y donne lecture de l’affiche rouge, qui sera collée partout dans la ville, dont le texte suivant est acclamé :
Fédération révolutionnaire des Communes
La situation désastreuse dans laquelle se trouve le Pays ; l’impuissance des pouvoirs officiels et l’indifférence des classes privilégiées ont mis la nation française sur le bord de l’abîme.
Si le peuple organisé révolutionnairement ne se hâte d’agir, son avenir est perdu, la révolution est perdue, tout est perdu. S’inspirant de l’immensité du danger et considérant que l’action désespérée du peuple ne saurait être retardée d’un seul instant les délégués des comités fédérés du salut de la France, réunis au Comité central proposent d’adopter immédiatement les résolutions suivantes :
la machine administrative et gouvernementale de l’Etat, étant devenue impuissante, est abolie
tous les tribunaux criminels et civils sont suspendus et remplacés par la justice du Peuple
le paiement des impôts et des hypothèques est suspendu et remplacé par les contributions des communes fédérées, prélevée sur les classes riches, proportionnellement aux besoin du salut de la France
l’Etat étant déchu, ne pourra plus intervenir dans le paiement des dettes privées
toutes les organisations municipales existantes sont cassées et remplacées dans toutes les communes, par des comités de salut de la France, qui exerceront tous les pouvoirs sous le contrôle immédiat du Peuple
Chaque comité de Chef lieu de département enverra deux délégués pour former la convention révolutionnaire du Salut de la France
Cette convention se réunira immédiatement à l’Hôtel de ville de Lyon, comme étant la seconde ville de France et la plus à portée de pouvoir énergiquement la défense du Pays
Cette convention appuyée par le peuple entier sauvera la France.
Aux Armes !
Lyon, le 26 septembre 1870
Déclaration signée de 26 noms, en autres par :
Albert Richard, Michel Bakounine, Gustave Blanc, Saignes, Palix (Lyon), Rajon (Tarare), A. Bastellica (Marseille), Dupin (St Etienne)...
A l’appel de ce mouvement qui est très populaire, le 28 septembre 1870, ce sont plusieurs milliers d’ouvriers qui débouchent en manifestant à midi sur la Place des Terreaux. A cause de la diminution du salaire journalier sur les chantiers d’urbanisme et de construction des forts, les travailleurs réclament le maintien de la journée de travail à 3 francs et une prime de chantier de 1,25 franc les jours de pluie où le travail est impossible. Une délégation entre dans l’Hôtel de ville mais ne trouve pas vraiment d’interlocuteurs. C’est alors qu’une centaine d’hommes ont toute facilité pour forcer une porte latérale de l’Hôtel de Ville, rue Puits-Gaillot, et y pénètrer avec Saignes, Bakounine, Richard, Bastelica et d’autres membres encore du Comité.
Du haut du balcon, Saignes lit de nouveau le manifeste et l’acclamation de la foule, qui s’accroit de plus en plus, est générale sur toute la place des Terreaux. Saignes nomme Cluseret « général en chef des armées révolutionnaires et fédératives ». Challemel-Lacour est retenu prisonnier. Cluseret, chargé d’appeler aux armes la Garde nationale de la Croix-Rousse, leur demande de se rendre à l’Hôtel de Ville, mais sans armes. Bakounine attribuera l’échec du mouvement à cette « trahison » et à cette « lâcheté » de Cluseret. Les ouvriers rassemblés sur la Place des Terreaux vont se retrouver en effet sans armes face à la troupe et à la Garde nationale des quartiers bourgeois, qui pénètrent bientôt armées dans la cour intérieure de l’Hôtel de Ville, ce qui fait échouer ce soulèvement populaire et la première "Commune de Lyon".
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Deuxième soulèvement
Au printemps 1871, ce sont de nombreux militants lyonnais inconnus et insurgés quasi-anonymes qui firent ces révolutions locales. Ces courtes insurrections se passent en deux temps. Du 22 au 25 mars 1871, la scène en est l’Hôtel de ville, tandis que celle du 30 avril et 1er mai 1871, plus sanglante, se déroule dans le faubourg de la Guillotière.
Affiche de la proclamation de la Commune de Lyon
le 22 mars 1871
Dans la nuit du 22 au 23 mars, l’Hôtel de ville est une nouvelle fois envahi avec l’aide d’acteurs du 28 septembre 1870, de membres de l’ex-comité de Salut Public, du Comité révolutionnaire de la Guillotière, et de 18 bataillons sur 24 du Comité central de la Garde Nationale. Une commission est installée. Et le 23 mars 1871, Bakounine vient au balcon de l’Hôtel de ville de Lyon, place des Terreaux, lancer un appel à la révolution mondiale. Il a avec lui toute la Première Internationale Ouvrière.
Il a une lecture politique de Lyon comme capitale mondiale du socialisme.
Le 25 mars, pourtant, dans une subtile trouvaille pour contrer la Commune de Lyon, Hénon, le premier maire de Lyon de la IIIe République, fait apposer des affiches annoncant la réception solennelle des héros en armes de Belfort qui avaient résisté avec honneur au siège des Prussiens. C’est ainsi qu’une force d’intervention redoutable entrait dans Lyon et que la Commune de Lyon, spontanée, mais brouillonne, s’effaçait sans éclat et sans bruit.
La Guillotière
Le drapeau rouge continua cependant à flotter sur la mairie de la Guillotière. Le 30 Avril, après un appel au boycott des élections, la mairie de la Guillotière (place du Pont) est occupée par les gardes nationaux qui interdisent l’accès aux urnes avec la complicité majoritaire de la population. Des barricades sont dressées Grand rue de la Guillotière et cours des Brosses (actuel cours Gambetta). L’armée arrive de Perrache, sur ordre du préfet Valentin, face à une foule de 20.000 à 25.000 personnes qui crie « Ne tirez pas ! Crosse en l’air ! On vous fait marcher contre le peuple ! » C’est alors que deux colonnes de fantassins, l’une par le pont de la Guillotière avec Valentin, l’autre par la rue de Marseille avec Andrieux dispersent les manifestants vers 19h45 en tirant. Les insurgés ripostent de derrière les barricades et la bataille dure jusqu’à 23h, moment où les militaires font donner l’artillerie pour enfoncer les portes de la Mairie de la Guillotière. On comptera une trentaine de morts. Le matin du 1er mai 1871, le jour se lève sur un massacre place du Pont.
A la Croix-Rousse, une barricade à été dressée rue de Cuire, mais, dépourvue de défenseurs, elle est détruite le 30 avril vers 13h30. Par contre, les barricades de la Grand rue de la Guillotière ont tenues, elles, jusqu’à 11h20 le 1er mai, où l’on dénombre beaucoup de blessé(e)s et au moins 13 morts : le plus vieux, Michel Révol, 63 ans, de la Guillotière ; le plus jeune, Joseph Geoffray, 18 ans, tisseur à la Croix-Rousse et une femme Marie Bure, frangeuse à la Guillotière, 50 ans.
La Guillotière incarne désormais le quartier ouvrier et remplace ainsi les pentes insurrectionnelles de la Croix-Rousse.
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