Militer : faire de l’autre un spectateur du spectacle

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Réflexion sur l’occupation de la place Bellecour.

Où est l’offensive ?

Quand on en est encore au stade des revendications, à vouloir quémander je ne sais quoi... Alors qu’on a la possibilité de prendre nos vies en main...

Où est la joie ?

Quand on est obligé de trouver une cause à nos souffrances... Quand ces causes sont objectivées par d’autres, le chômage (alors qu’on n’a pas envie de bosser), la souffrance au travail (souffler par le pouvoir pour donner de quoi négocier), le réchauffement climatique...

Où est l’exaltation de l’individu ?

Quand on s’ennuie, quand on entend toujours les mêmes, les mêmes rengaines (l’économie gnagna)
Quand on est « obligé » de se retrouver sur une plate-forme de revendications, alors qu’évidemment nos priorités sont forcément différentes. Où sont les folles ? Les fous ? Les handicapé-e-s ? Les travailleurs ? Les travailleuses ? Les chômeurs ? Les chômeuses ? Les anti-radars ? Les jaunes ? Les putes ? Les arabes ? Les paysan-ne-s ? Les poètes ? Les alcooliques ? Les moches ? Les salopes ? Les barbus ? Toutes celles et ceux qui s’en prennent plein la gueule pour ce qu’ils sont ? Toutes celles et tous ceux qui en ont marre.

Mais les professionnel-le-s « militant-e-s » sont ici...

Et c’est bien le problème. Ils nous parlent de mouvements, de tracts, de revendications, de travail, de commissions,... Alors que ce qui est en jeu, c’est autre chose, c’est de faire quelque chose, de vivre autrement, de s’émanciper de ce monde, d’en construire des autres.
Les militant-e-s obligent à un type particulier de personnes, celles et ceux qui sont capables de les écouter, celles et ceux qui ont le temps, celles et ceux qui sont capables de faire comme eux. Derrière une très grande majorité intervenant-e-s, se cachent des militant-e-s de je ne sais quel parti (oui pas que ça...) ; des gens qui se voient comme des professionnels de la politique. J’aurais envie de leur dire : votre place n’est pas ici, votre place est nulle part, mais je ne suis pas encore passé à l’acte...

Peut-on être libertaire et militant-e ? Oui sûrement mais alors il faut revoir ces prétentions quand ça bouge... Être vigilant justement sur les méthodes, l’organisation, et virer ces professionnel-le-s, au risque d’être aussi professionnel de quelque chose... Oui je m’embrouille. J’espère que certain-e-s me suivent...

Et oui ce n’est pas un mouvement social. Alors pourquoi vouloir en faire à partir de ça ? Bien sûr ce n’est aucunement incompatible avec des luttes dans des usines, des écoles, des quartiers. Mais là on occupe une place, au centre d’une ville. C’est grand, ça peut s’élargir. Il y a des coins et des recoins, de l’amour, de la haine. Des attaques à planifier, des foots à jouer, des belotes à faire.

Il faut Bellecour comme Rebellyon.info, c’est-à-dire une base (et il y est : une place et un fonctionnement anti-autoritaire) et non un chapeau... qui dicte quoi faire.

J’ai l’espoir, il n’y a pas (et il n’y aura jamais) d’échec dans les expérimentations, et si ce n’est pas à Bellecour, ça sera ailleurs, toujours plus intensément.

Des places, des quartiers, des villes, des villages, des femmes, des hommes, des animaux, des plantes, des possibles....

b

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  • Le 1er juin 2011 à 18:44, par Fab

    Il y a dans la rhétorique que vous employez « b » quelque chose qui me dérange.

    Déjà par la globalisation : il y aurait le « commun » et le « militant »... Pourtant les militants sont des gens qui ont des vies, et sont donc « communs » au même titre que les autres non ? Après tout, un commun qui fait le clown pour se sentir mieux n’est il pas un militant de son possible ? Ou qui est anarchiste (donc sans partis ou organisation figée) ? Ou un décroissant ? Ou tout cela à la fois ?

    Il est trop facile (désolé de le dire ainsi) que de se poser en possesseur de la « pensée commune » sous prétexte de faire partie de ce commun. C’est nier d’office la singularité de chaque personne. Un peu comme si être dans le « commun » était unificateur dans un grand tout ... Pensée qui fait froid dans le dos pour ma part. Donc on est jamais « les gens du commun » mais un parmi eux.

    Et les militants, pensez vous réellement qu’ils soient déconnectés du commun ? Qu’ils n’auraient autour d’eux que des militants ? Qu’ils ne connaitraient pas la misère ou autre ? Ne la vivraient pas ? Un peu court comme analyse non ?

    Jusqu’ici, place Bellecour, les seuls qui ont ouvertement chercher à « imposer » leur mode de pensée et de vie, ce sont les clowns du clownistan. Je mets cela sur le compte de la « passion » et de la joie de voir quelque chose se construire, mais quand le « clown en chef » prend le micro pour déblatérer avec un amis des choses sensées être drôles (là faut avouer que moi j’ai pas ri) alors que prêt de 50 personnes attendent le compte rendu d’une AG, qu’il est 23h30, que nous sommes lundi 30 mai, et que tout le monde fatigue, c’est clairement un acte militant, qui tend à dire « j’ai raison, vous tord, nous imposons nos modes de vie et de fonctionnement contre les décisions prises collectivement ». D’ailleurs cela s’est ressenti en profondeur quand un monsieur assez âgé (resté malgré l’heure par envie de savoir et malade de surcroit) fait la remarque et s’entend répondre « je t’emmerde. Si t’es pas content vient chercher le micro. Ou alors vous pouvez le débrancher »... Si c’est de ce genre de militance dont on parle, je ne peux qu’approuver, c’est de la militance à tendance dictatoriale.

    Après, oui, certains parlent avec un certain phrasé, des idées qu’ils ont depuis longtemps, mais généralement dans le respect, l’ouverture d’esprit, et l’honnêteté de dire d’où ils parlent (que ce soit au micro, ou dans les conversations annexes que nous vivons). Pas de surprise du coup. Mais, attention, je ne dis pas qu’il n’y ait pas d’envie d’imposer des idées (même inconsciemment). Mais le groupe et le respect qui est installé, désamorce cela. Personne ne faisant le coup de force pour s’imposer aux autres (sauf, comme dit au dessus... par des méthodes très militantes d’intimidation, du genre bouger en permanence autour des gens assis, crier « je déteste le vote » quand personne n’a rien demandé, couper à tout bout de champ les intervenants pour ne rien dire ou simplement « exister »... Voilà les méthodes assez détestables et les pires que j’ai vu depuis 11 jours).

    Donc voilà, j’ai le sentiments que ce texte est finalement plus une tentative de stigmatisation de ceux qui ont choisi des voies autres que celles de « l’a côté » et qui ont l’envie de tenter quelque chose en laissant dans leur poche les étiquettes et autres drapeaux. La plupart sont là, militants ou non, pour remettre en cause leurs idées, leurs modes de vie, leur façons de voir les choses. Créer du vivre ensemble « ex nihilo » (en partant de zéro mais tous ensemble) plutôt que de se voir imposer un mode vie et de ... militance !

    Car oui, ne rêvons pas : se réunir, parler, discuter, élaborer un demain, créer du lien, faire ensemble, créer des relations démocratiques ouvertes et humaines, tout cela, si c’est pas un acte militant, va falloir m’expliquer ce que c’est...

    Pour mémoire : Militant (Larousse 2004) : Qui lutte, combat pour une idée, une opinion, un parti.

    Si on a pas de partis, je suis par contre certain que nous avons des idées et des opinions que nous souhaitons faire connaitre, et voir appliquer.

    Les places doivent se remplir. Et nous devons y être.
    Fraternellement.

  • Le 1er juin 2011 à 09:39, par b

    @Eugène : Justement je ne parle pas pour ce que tu appelles les gens du « commun », je suis les « gens du commun ». Je parle pas pour eux, je suis avec eux (La nuance est très importante à mes yeux) C’est bien là le sens de ce que je dis. Il n’importe pas de faire pour les autres, de se mettre à leur place, mais d’être du même « commun », de faire ensemble. Sinon « militer » reviendrait à dire ce qui est bon, ce qu’il faut faire, parce qu’il y a « chômage » « souffrance », alors que les situations sont si différentes, il y sûrement plein de raisons d’avoir sa place à Bellecour, sa place dans le « commun » que l’on souhaite. Ce n’est pas aux militants de dire les bonnes et les mauvaises raisons, de légitimer ou déligitimer, au risque que pas grand monde rejoigne ce que l’on souhaite mettre en commun.

  • Le 31 mai 2011 à 18:42, par eugene

    rien à foutre de la souffrance au travail et du chômage (tels qu’ils sont vécus dans cette société de l’esclavage salarié), on voit bien l’absence total de soucis pour les gens du « commun »....

  • Le 29 mai 2011 à 23:52, par Fab

    J’aime ce genre de texte. Il me rappelle pourquoi nous n’avançons pas sur cette putain de place Bellecour depuis plus d’une semaine.

    C’est chiant les textes militants parfois, mais les texte faussement anti militants c’est encore plus casse couille.

    Déjà, signer « b » c’est énorme.. On est là sur la place, on se connait, on s’apprécie ou non, mais on a un prénom... Mais pour lancer un truc comme ça, on signe d’un b... Manque de lucidité ou d’envie de dialogue, je ne sais pas trop. Pas grave ceci dit.

    Alors toujours les mêmes au micro ? Toujours les mêmes mots ? Ben c’est peut être parce que le noyeau réellement dur de ce putain de truc c’est ... 60 péquins qui se pressent à venir essayer de faire vivre ça. Et encore 60 je suis TRES gentil. Depuis 7 jours... Avec leur passé, leur choix, leurs convictions, certes. Mais ils sont là ...

    Après on peut trouver normal qu’une organisation (le Clownistan) se pointe, place sa charte en évidence, ses affiches sur l’espace des « indignés », sa méthodologie (grimage et autres) comme ligne de conduite, et ne pas prendre cela pour de la récupération parce qu’ils sont sympa les clowns... Sauf que, on s’éloigne dangereusement du « no logo » et « no partis, associations, etc.. etc... » et des « simples citoyens ». C’est ce que j’ai vu samedi.

    Alors quoi ceux qui ont une autre vision que la vie à la marge (sans jugement, je prends un raccourci linguistique, avec mes excuses, mais il est tard) et qui souhaitent autre chose devraient ne plus venir ? Ben va pas rester grand monde... Ou se taire ? Mais ça fait 7 jours que je vois la parole tourner, des points de vue extrêmement différents se heurter (en toute courtoisie et écoute), des gens dirent d’où ils parlent (orga politiques ou syndicales) par honnêteté, et d’autres non. Mais je ne pense pas que l’on soit dans le discours lénifiant, ou orienté... Sauf peut être la journée de samedi où même la musique finie par être imposée (pas mal l’idée de souder les gens sur de la musique linéaire et qui ne change pas de style, passant de ZEP à Kenny Arkana, tournant autour du rap une bonne partie de la journée, moi je m’en fiche, j’aime bien, mais pas simple de rassembler sur ces bases là non plus...).

    Alors je ne suis pas en désaccord sur tout le texte, mais je trouve amusant d’imaginer que l’on puisse élargir par la marge... Le chemin est long pour passer le cap (et le témoignage d’Otarsick est parlant) et pour changer SON mode de vie. Donc penser que le choix individuel seul suffira à changer la société... Pas certain que cela suffise.

    Personnellement je pense que cela ne suffira pas, et que de vivre de l’interminable surconsommation de la société (par la récupération) ne peut avoir qu’un temps. Le temps qui entraine le changement de société pour arriver à une société sans gaspillage.. Et donc sobre. Mais là cela va nécessairement demander de la penser cette société, et de ne pas trouver que le politique ou la cité sont des « mots qui nous emmerdent » comme j’ai pu l’entendre.

    Voilà, je voulais exprimer (peut être maladroitement) ce que j’ai ressenti en lisant ce texte, mais je ne sais pas si je suis réellement clair.

    Toujours est il que demain à 19h00 va falloir y retourner, et demain encore, et demain, et... et......

  • Le 29 mai 2011 à 21:20, par Otarsick

    Effusion, ras-le-bol, envie d’autre chose, de Liberté, de sortir du cadre oppressant du marche ou crève du métro-boulot-dodo-et-dis-toi-que-t’as-du-bol...

    Oué clair que ça peut se comprendre. Sauf que désolé de faire mon vieux con mais la plupart des gens ont des trucs à assumer. Loyer bouffe mômes à éduquer un minimum pour leur faire comprendre que rêver c’est bien agir c’est mieux et construire ça sert.
    Qu’on est pas chez les bisounours et qu’on a rien sans rien.

    Donc va falloir se remonter les manches qu’on en ait envie ou pas.
    Plus on le fait tôt et fort plus ça paye moins c’est chiant.

    On a des dirigeants puants c’est pas faux. Devrait y avoir moyen de faire mieux c’est pas faux non plus. Mais quoi qu’on veuille faire va falloir le faire nous même, le payer avec notre sueur notre sang nos larmes. Comme toujours.

    En restant assis sur nos culs à pleurer et à demander qu’on nous donne ce dont nous avons besoin nous nous mettons à la merci de ceux contre lesquels nous nous révoltons.

    Soyons positifs. Apprenons à CONSTRUIRE notre avenir. Sans rien QUEMANDER à qui que ce soit.
    Allez je file me coucher, demain je me lève tôt j’ai une vie à vivre.
    Pas de temps à perdre dans une tente sur une place les vacances ça sera pour plus tard.

  • Le 29 mai 2011 à 06:11, par cha

    C’est rare les textes où je me dis que je suis d’accord, après chaque phrase. Ben là c’est le cas. Sauf celles que je comprend pas (« Alors pour­quoi vou­loir en faire à partir de ça ? »)… Boah, finalement, qu’il y ait des phrases que je ne comprends pas ajoute au charme : je me dis la personne qui a écrit ceci l’a écrit comme on écrit un poème. C’est une effusion.

    Merci pour ça : « Il y a des coins et des recoins, de l’amour, de la haine. Des atta­ques à pla­ni­fier, des foots à jouer, des belo­tes à faire. »

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