Pendant la nuit du 2 au 3, nous avons occupé le campus de Bron, comme il en avait été voté en AG. Une grosse bouffe, de la musique et c’était parti pour toute la nuit. On devait être une centaine, l’amphi D était en mode déco avec des affiches à l’humour plus ou moins efficace. Le directeur passe et croit bon de nous rappeler que ce que nous sommes dans l’illégalité. Rires.
L’espace était devenu pour la nuit une zone de liberté, où l’autre monde s’expérimente avec plus ou moins de succès. Alors, quand quelques un-e-s ont commencé à vider les salles de leurs tables, et à tenter un blocage de la zone, les autres ont observé (moi avec) avec le sourire aux lèvres. Une ambiance s’installait. Le hall est trop moche ? Pas de problèmes, ramenons des bacs à fleur, on aura des marches fleuries. Pour dormir ? Utilisons les tapis de sport. La bouffe est organisée sur une double rangée de tables de cours, le tout à prix libre, saucisson, deux énormes salades de pâtes et de riz avec des légumes, camembert... Un atelier "affiches" s’organise dans l’amphi et on part en scotcher un peu de partout, un couloir était devenu un amoncellement de chaises et de tables, les portes étaient bloquées par tout ce qui était transportable. Ma première occupation, et je le souhaite pas ma dernière, je découvre.
Mais à quatre heures du matin, on n’était plus que dix. Pourquoi personne n’est resté ? La peur de la réaction de la présidence ? Rien à foutre de tout ? « Pourquoi tu prends en photo ce qu’il y a écrit sur les tables ? » m’a t-on demandé. L’envie d’aller plus loin, de comprendre. Mais il me l’a dit : c’est rien ce qu’il y a là. Ça vaut rien. Alors pourquoi le faire ? Je recherche toujours une motivation à tout, et surtout, je vois les mouvements joyeux, or les inscriptions ne le sont pas pour la plupart. « Et même si tu as un pote en prison, tu voudrais un mouvement joyeux ? » Je reste muet. Après réflexion, oui, sans doute. Je préfère voir mes ami-e-s se battre avec les armes de l’humour agressif ou de l’humour tout court. L’efficacité d’un mouvement dépend de son nombre, et de ses références, de ses idées et aussi de la connaissance du fonctionnement de notre ennemi, donc des stratégies à adopter.
L’analyse doit être permanente. Je n’ai rien fait, parce que certains actes n’avaient pas de sens à mes yeux. Et je cherche encore. Brûler des trucs en mode piquet de grève ? Oui mais de jour avec des palettes, pas des dossiers. Le feu n’a d’ailleurs pas duré longtemps, éteint à coups d’instincteur. Péter des vitres ? J’ai pas vu, mais faire des ouvertures en plus n’aide pas au blocage quand on veux en faire un. Bloquer des portes ? Oui, mais on n’était plus que dix à la fin. Comment tenir un blocage à dix ? En tout cas, personne ne m’a forcé. Mais je suis resté passif, au lieu de débattre sur certaines actions. Et ça me fait chier. Si la conviction n’y était pas, c’est peut être pour ça qu’il y avait plus personne à quatre heure du matin. On a fait n’importe quoi ? Pour beaucoup de choses, non. Pour d’autres, j’en sais rien.
Putain de gueule de bois...
Dim
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