Petit rappel des faits. Au mois d’octobre dernier, Lyon a connu une de ses révoltes sociales les plus fortes depuis plusieurs années. Des manifestations monstres et des lycéens et lycéennes qui se joignent au mouvement, et qui lui donnent un caractère résolument offensif : blocage de lycées, débrayages, manifs sauvages, casse, affrontements avec les flics. Le directeur départemental de la sécurité publique, Albert Doutre, ne s’y trompe pas et évoque d’ailleurs, à propos de la journée du 19 octobre, « un échelon supplémentaire de franchi. Nous avons eu à faire à des comportements proches de la guérilla urbaine. Les dégradations des rues étaient systématiques. »
Le pouvoir s’affole et parle « d’exactions de près de 1300 casseurs » pour la journée du 19 octobre. Rien que ça. Au fil des manifs, des centaines de policiers se mettent à quadriller quotidiennement la presqu’île, notamment la place Bellecour, lieu de rassemblement habituel des lycéens. Sont mobilisés également un hélicoptère de la gendarmerie, le GIPN et des canons à eau.
Selon les chiffres de la préfecture, il y a eu 322 interpellations au plus fort du conflit (entre le 14 et le 22 octobre). Une soixantaine de jugements sont déjà tombés, à la fois en comparution immédiate (une vingtaine) et devant le tribunal pour enfants (plus de quarante selon sa présidente). Beaucoup de peines de prison ferme (25 selon la préfecture dont la moitié avec mandat de dépôt [1]) , énormément de sursis et des amendes exorbitantes pour les flics le reste du temps. Les majeurs condamnés à de la prison ferme ont majoritairement été envoyés à la maison d’arrêt de Corbas (un est à Villefranche) tandis que les mineurs condamnés à du ferme ont été envoyé à l’EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) de Meyzieu. Le procureur général de Lyon, Jean-Olivier Viout, avait par ailleurs annoncé son intention de faire appel des peines de prison avec sursis lorsque les juges n’avaient pas suivi les réquisitions du parquet qui demandait de la prison ferme. C’est chose faite. Les procès en appel ont commencé le 30 novembre [2] et vont se poursuivre au moins jusqu’au 18 janvier [3]... Quand on connaît l’extrême sévérité de la Cour d’Appel de Lyon, on peut penser que certains risquent de ramasser des peines de prison et des amendes encore plus lourdes qu’en première audience. Les verdicts devraient tomber fin janvier-début février.
En plus de ça, les enquêteurs lyonnais sont sur les dents et recherchent encore du monde. Des articles du Progrès datant de décembre relatent que 6 mineurs ont récemment été arrêtés par la direction départementale de la sécurité publique. Mieux : les flics affirment avoir constitué grâce à la vidéo-surveillance (ainsi qu’aux vidéos qu’ils ont faites) une soixantaine de dossiers avec des gens formellement identifiés [4]. On devrait donc s’attendre à voir d’autres arrestations dans les temps qui viennent. Pour mettre des noms sur les visages, des flics vont parlementer dans certains lycées avec les administrations en leur demandant de reconnaître leurs élèves. Certains acceptent de collaborer, d’autres non.
Il faut bien voir que que si le temps de la révolte est (provisoirement) achevé, le temps judiciaire, le temps de la peine, lui, n’est pas fini. Certain.e.s interpellé.e.s ne sont pas passés en comparution immédiate tout de suite mais ont reçu des convocations ultérieures (l’un par exemple pour le mois de juin 2011). Sans parler de celles et de ceux qui ont ramassé du sursis et qui passent actuellement en Cour d’Appel, de tous ceux qui doivent maintenant effectuer leur peine de prison en taule. Le parquet est allé jusqu’à faire appel pour un jeune de 22 ans, actuellement encore en détention, qui s’était ramassé 3 mois de prison ferme pour jet de projectiles, estimant que la sanction n’était pas assez forte.
Ainsi toutes les personnes qui ont vu des arrestations violentes et/ou qui peuvent contredire les allégations policières sont invitées à se faire connaître auprès de la Caisse de Solidarité. Les témoignages de manifestant.e.s, ou de gens qui passaient par là, sont en effet cruciaux pour les procès en train de se dérouler.
Concernant la solidarité financière, elle reste essentielle. Les très nombreux dons sont utilisés pour les frais de justice et l’envoi de mandats aux prisonniers. Pour cette fin d’année 2010, plus de 1200 euros ont déjà été envoyés, sous formes de mandats, à huit personnes ayant fini en prison (une partie y est encore). Les mandats envoyés sont généralement de 80 euros, parfois un peu plus. Et les avocats qui demandent 1000 euros d’honoraires lors du premier passage en comparution immédiate, et encore plus en appel, ne sont pas si rares que ça. Une dizaine de personnes ont reçus entre 200 et 500 euros pour les frais d’avocats.
À la base, la Caisse de Solidarité se veut, sur la région lyonnaise, l’outil servant à soutenir les victimes de violences policières et tous les inculpé.e.s des mouvements de lutte. Elle sert concrètement à s’organiser face à la police et à la justice, face aux arrestations, aux contrôles d’identité qui finissent par des passages à tabac et des accusations d’« outrage et rébellion ». Parce qu’il est inenvisageable de recréer à chaque mouvement social, à chaque tabassage policier un nouveau collectif pour protester contre tel ou tel abus, cet outil a vu le jour. Ce qui fait la différence d’avec les comités anti-répression, c’est que la Caisse ne suit pas une affaire en particulier jusqu’à son dénouement mais qu’elle est une structure pérenne dans le temps dont tout un.e chacun.e peut participer. Elle accumule des savoir-faire, de l’argent, des contacts avec des avocats, bref : des pratiques d’entraide face à la police et à la justice.
L’état des lieux des gestes qui font la Caisse de Solidarité est vaste : ça va de coller des affiches, à diffuser les tracts de conseils en manif, tenir des tables de presse dans les concerts, faire tourner le numéro le plus largement possible, appeler en cas d’arrestations, récolter des thunes, etc.
Qui participe de la Caisse ? C’est aussi bien un brasseur qui offre un fût de bière pour une soirée, que des étudiant.e.s qui font tourner des tracts dans une manif ; aussi bien des gens qui s’organisent financièrement pour récolter de l’argent que d’autres qui vont de temps en temps au palais de justice assister aux comparutions immédiates pour en faire des comptes-rendus. Un peu n’importe qui en somme.
Ces dernières semaines, l’activité de la Caisse a consisté à soutenir les inculpés du mouvement d’octobre. Le sentiment diffus qu’il fallait dans cette situation, en très peu de temps, récolter des sous pour soutenir les interpellés a trouvé à se concrétiser en de multiples façons. La Caisse de Solidarité n’a fait que centraliser toutes ces initiatives. Que ce soit à l’occasion de soirées, de bouffes, de manifestations ou de diffusions de tracts dans la rue, plusieurs milliers d’euros ont été récoltés. Cet argent provient d’un peu partout : d’anonymes qui prennent l’initiative de récolter des sous sur un marché ou d’organiser des concerts, des bars qui reversent l’intégralité de leur recette d’un soir à la Caisse, des restos qui mettent en place une caisse de dons pour les inculpés, des établissements d’enseignement supérieur qui puisent dans les caisses de grève du dernier mouvement, des ventes de soupe en centre-ville, de petits producteurs qui offrent leur vin ou leur bière, une section syndicale qui s’organise pour récolter des sous auprès de travailleurs, ou encore un journal de lutte qui redonne son bénéfice, etc.
Dans tout ça, la Caisse se veut un outil qui, de par son expérience, est à même de faciliter le soutien aux inculpés. Rien de plus.
Soutenir les inculpés, ça veut dire du soutien financier face à la justice : payer en partie ou en totalité les frais de justice, les avocats. Écrire à ceux qui ont été envoyés en prison. Leur trouver des avocat.e.s compétent.e.s qui acceptent de prendre l’aide juridictionnelle [5], qui assurent de bonnes défenses en prenant le temps d’étudier précisément les dossiers [6]. Prendre parfois contact avec les familles, les proches, aller les voir. Ça veut dire également conseiller juridiquement les inculpé.e.s et leurs proches car bien souvent ils ne connaissent pas grand chose au fonctionnement de la justice. Ça veut dire tout simplement se retrouver, discuter et acter ensemble qu’il en faudra plus pour arrêter un mouvement.
La Caisse de Solidarité
06.43.08.50.32
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