Salut Charlie ! Ceux qui vivent sont ceux qui luttent

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Charlie Bauer a cassé sa pipe dimanche 7 août 2011. Fait chier. Un petit docu, « Charlie Bauer, Marathonien de l’Espoir » lui avait été consacré il y a quelques années, l’occasion de revenir sur son parcours entre banditisme et révolution.
Repose en Guerre Camarade !

Communiste, anarchiste, adepte de la guérilla, compagnon de Jacques Mesrine, braqueur et trafiquant recherché par toutes les polices, puis prof de philosophie… Charlie Bauer était un personnage hors du commun. La légende du banditisme comme de la « révolution » s’est éteinte dimanche soir. Celui qui avait passé 25 ans de sa vie en détention, dont 9 dans les quartiers de haute sécurité (QHS), est décédé dans sa maison de Montargis, dans le Loiret. Charlie Bauer est mort d’une crise cardiaque. Il venait d’être grand-père. Il sera incinéré vendredi. Il avait 68 ans.

Né en 1943, Charlie Bauer est d’ascendance rebelle. Fils de résistants juifs et communistes, il passe par les Jeunesses du Parti, dont il « scissionne », selon son mot, « pour mener des actions délinquantes criminelles, des actions de guerre sociale » en 1957. Déserteur, Bauer s’était engagé à 15 ans aux côtés du Front de libération nationale (FLN) : « On volait des armes, on détournait des conteneurs sur les plates-formes à Marseille et on les remettait au FLN », expliquait-il dans un entretien accordé à un journal en septembre dernier. Dans son quartier natal de l’Estaque, dans le Nord de Marseille, Bauer distribue les profits de ses vols et autres cambriolages sur les docks et dans les magasins de vêtements.

Arrêté en 1962, il prend une peine de 20 ans, âge qu’il n’a pas encore. Il en fera 14 avant d’être libéré, mais aura connu là-bas un enfer qui marquera sa vie, le QHS. « Nul ne peut imaginer ce qu’est la torture à l’électricité », confiait-il. Fort en gueule, il a constamment à faire aux matons qui, pour beaucoup, reviennent d’Algérie. Il avale des lames de rasoir, pour tenter de s’échapper depuis l’infirmerie. Pris dans les égouts de la centrale de Clairvaux, il est, affirme-t-il, passé à tabac et quasi noyé par les gendarmes. Au QHS de Lisieux, il milite pour le droit, qu’il obtient, de pouvoir étudier. Il rencontre ainsi Renée, sa professeure de français dont il aura une fille après sa sortie de prison en 1977.

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RIP Charlie : 24/02/1943 - 07/08/2011

En liberté conditionnelle, Bauer est un temps proche de Pierre Goldman, avant de s’associer à Jacques Mesrine. Les deux hommes montent des coups, braquent des banques. Charlie assume et revendique cette violence qu’il aimait. Omniprésente. « La tension, les armes, le danger... », disait-il. Des coups qui le mèneront à une nouvelle peine de dix ans de réclusions. Libéré en 1988, il reprend le boulot, mais cette fois armé de verbes. Licencié en philosophie et sociologie, titulaire d’un doctorat d’anthropologie sociale, le tout acquis pendant sa détention, il devient écrivain, enseignant l’histoire du marxisme dans les universités, et donne des conférences sur les prisons.

Jusqu’à la fin de sa vie, Bauer aura milité contre les conditions d’enfermements, notamment celles des QHS - « summum de l’appareil répressif de l’Etat » -, se battant pour l’accès à la télévision, à la lecture, à la presse. Dans son dernier ouvrage, il écrit : « Avec 80% de récidives, les prisons n’assurent pas leur rôle de régulateur social, Foucault l’a dit avant moi, la prison n’est pas seulement une privation de liberté, c’est l’éradication de l’individu ».

Texte piqué au Réveil

Charlie Bauer, marathonien de l’espoir

Pour mieux savoir qui était Charlie Bauer, ce film documentaire / interview de 60 minutes de 2005 retrace son parcours. Il a été réalisé par Martin Monge et produit par Dam production. Le DVD peut être commandé à Athélès.

Charlie Bauer avait également écrit un livre paru chez Agone : Fractures d’une vie

Tchao Charlie.

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  • Le 2 janvier 2019 à 15:40, par nono

    J’ai eu la chance de le rencontrer et d’échanger avec lui et mes camardes de lycée il y a 25 ans, à Aubervilliers.
    Mr Bauer s’était installé quelques temps dans la commune et y avait un atelier d’écriture.

    Nous avons découvert un esprit libre qui a contaminé certains d’entre nous.

    Depuis le début des événements de ces dernières semaines, je me remémore encore plus de cette rencontre.

    Merci Mr Bauer, MERCI

  • Le 7 septembre 2015 à 14:19, par

    Il existe un autre documentaire sur l’attachant Charlie Bauer. Plus ancien il est moins narcissique que le nouveau, et surtout il n’est pas desservi par les questions niaises de l’interviewer du marathonien de l’espoir, qui n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux soulevés par cette vie folle.

    Produit par Sycomore Films, ça dure 54mn, ça s’appelle ROUGE BANDIT, et ça déchire.

    Cette histoire pose la question d’une trajectoire solitaire, et sans réel enracinement territorial ou communautaire. Ce qui fait que la belle puissance subjective de l’ami s’est sans doute un peu perdue dans le grand vide de la « société »...

  • Le 1er septembre 2011 à 10:20, par Karim

    J’ai lu Charlie Bauer, ses « fractures d’une vie », quand j’avais 20 ans. J’en ai retenu un enseignement solide : le prolétaire, contrairement au bourgeois à qui on donne tout et dont les combats sont faciles, doit se battre sans relâche pour accéder à une parcelle d’humanité. Bauer est, à ce titre, exemplaire, comme beaucoup de prolétaires anonymes, qui se battent pour se donner une forme, se construire : la lutte pour l’instruction, la culture, la pensée, l’histoire de Charlie démontre quelle importance les prolétaires doivent y accorder. A l’opposé des petits bourgeois qui pratiquent un anti-intellectualisme de repus, Bauer donne toute son importance à l’instruction, ce qui témoigne de ses origines.

  • Le 27 août 2011 à 17:31, par Fabrice Selingant (Le Rouge-gorge)

    Je viens d’apprendre, tristement, la nouvelle par ce portrait sur le site du dessinateur Large.

    Ayant choisi comme toi Montargis comme ville d’adoption,

    je t’ai rencontré en juin Charlie Bauer,

    j’ai apprécié ton esprit solide et solidaire,

    ton soucis de respect des militants, de la base,

    des indiens qui n’ont nul besoin de grands chefs à plumes,

    de ceux qui se battent au quotidien, de ceux qui ne désarment pas,

    de ceux qui travaillent dans l’action réelle,

    de ceux qui sont aux portes-à-portes de l’espoir,

    de ceux qui sont dans l’intervention des masses et dans le travail de prise de conscience des classes sociales et de la société encastée qui est malheureusement nôtre,

    de ceux qui refusent l’acceptation, la résignation, le fatalisme, l’abstention,

    de ceux qui ne se contentent pas d’indignation,

    de ceux qui veulent mettre en œuvre, construire,

    de ceux qui sont prêts à aller rechercher les travailleurs qui se fourvoient dans les réflexes nauséabonds du refus de l’autre afin de leur réapprendre leur classe, leur exploitation et le besoin réel d’une lutte collective,

    de ceux qui veulent transformer l’appareil pour reformer l’outil révolutionnaire

    et qui signent de leurs simples outils tous leurs textes communs.

    Je t’ai apprécié Charlie,

    et lorsque nous nous sommes quittés

    avec le fraternel tutoiement qui s’était imposé

    je ne savais pas que sa poignée de mains

    si chaleureuse serait première et dernière.

    J’entends encore ta voix

    me dire la fierté

    de porter le nom de communiste,

    et la qualité de ce mot

    qui fait et fera encore lever

    l’humanité pour se battre

    et servir l’intérêt commun

    et voir se créer cette société nouvelle

    qui nous sortira de la barbarie.

    Cher camarade, je suis très fier

    d’avoir pu te rencontrer

    dans cette rue Dorée qui porte si bien

    le sens de ce que nous combattons ensemble.

    Je garde au cœur ses quatre mains

    qui s’enserrent pour dire

    combien est vif notre combat commun

    et l’utopie qu’il porte

    tel le besoin d’oxygène.

    Salutations fraternelles

    à toi par delà le temps,

    à tes proches, à ta famille,

    à tes amis, tes camarades.

    Fabrice Selingant (Le Rouge-gorge)

  • Le 21 août 2011 à 08:48, par la confiance trahie

    Salut Mec,
    tu resteras dans le coeur de ceux qui ont connus réellement,
    l’enfermement,
    la solitude,
    les privations,
    et les combats.
    Mesrine ; Besse, Willoquet, Hadjadj, et tant d’autres ou le mot amitié avait un sens.
    contrairement, à tous ces gens,(des Judas),
    qui rentre chez vous au nom de la confiance,
    en qui vous donnez votre réelle amitié,
    et qui profite de cette amitié,
    pour mieux vous éspionner, à travers votre ligne téléphonique,
    votre ordinateur,
    arrivant méme à savoir tous ce que vous dites chez vous.
    ces soit disants élites de l’intélligences, en faite on réussi qu’une seule chose,
    nous les avons découvérts....
    aussi, un virage à 180 ° degrés s’impose,
    plus de téléphone, plus de télévision,
    plus d’intérnet, plus de musics,
    la lecture par excellence, la méditation,
    et un retour au source,
    à force de vouloir espionner les gens , vous les poussez au retour au source,
    petits agents secrets de pacotille...

  • Le 11 août 2011 à 10:54, par Sophie

    Dans son très beau livre autobiographique « Fractures d’une vie » Charlie Bauer
    évoque son parcours de braqueur, puis son engagement politique qui le conduira à
    la rupture avec Mesrine.

    La trajectoire de Charlie Bauer, qui l’amène du grand banditisme à la prise de
    conscience politique, puis à des études universitaires au service de son
    combat, peut servir d’exemple pour démontrer l’absurdité des dernières lois
    liberticides, telles que les peines de rétention de sûreté, qui condamnent
    dorénavant des détenus à vie à partir d’une la logique prédictive de récidive
    potentielle.

    Que serait devenu Charlie Bauer sans espoir de libération ? un fauve ? un légume
    assommé de neuroleptiques ? un suicidé des politiques carcérales ?...

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