RBL : Bonjour Maître Sayn. Pour commencer, pouvez-vous nous dire comment s’est déroulée l’enquête sur l’agression ?
Bertrand Sayn : Cette affaire a été bien menée, tant dans le cadre de l’enquête initiale par les services de police que par le juge d’instruction désigné dans cette affaire. Le fait que l’agression ait été perpétrée à proximité d’une station service a permis d’avoir les images vidéo de ce qui s’est passé. Ces images sont de très mauvaise qualité et n’ont pas permis de reconnaître les protagonistes. Dans le cadre des gardes à vue les enquêteurs se sont toutefois très habilement servis de ces images ce qui a permis d’interroger les suspects et d’obtenir des informations déterminantes. Le Juge d’Instruction a beaucoup travaillé dans cette affaire et a réussi à mener cette instruction sur une période d’un an. L’affaire est quasiment terminée. Je pense qu’à ce jour l’ensemble des actes utiles à la manifestation de la vérité ont été accomplis.
RBL : On s’étonne que la presse locale, si prompte à faire des sujets sur les faits divers, n’ait pas - ou si peu - relayé ce qui semble une affaire judiciaire plutôt importante à l’échelle de l’agglomération, qu’en pensez-vous ?
Bertrand Sayn : Il est certain que cette affaire, ayant tout de même fait l’objet de plusieurs articles ou reprise dans différents magazines locaux [1], n’a pas fait les « gros titres ». Je considère toutefois que cette affaire est d’une gravité toute particulière en raison de la nature des violences, mais également du mobile. Le dossier établit que les deux victimes ont été frappées avec des battes de base-ball et des barres, des coups de pied et des coups de poing notamment au visage au seul motif qu’ils ressemblaient à des « libertaires ». Aucun regard, aucun mot n’avait été échangé. Les agresseurs se sont précipités sur eux, le couple a été immédiatement assailli. Le premier coup est un coup de batte de base-ball sur la tempe de la jeune femme. La scène a été d’une extrême violence.
Le mobile est strictement politique. Les assaillants ne connaissaient pas leurs victimes. Les victimes ont été frappées simplement pour ce qu’elles représentaient.
RBL : Où en est la procédure ? Quelle sera au final la qualification des faits ?
Bertrand Sayn : La procédure est quasiment terminée. En raison des lois organisant la détention provisoire, les intéressés ont été libérés après un an de détention, la loi ne permettant pas le renouvellement. Nous espérons que le procès interviendra le plus rapidement possible. Notre objectif est que l’audience survienne avant l’été. Les intéressés seront jugés pour des faits de violences volontaires avec arme et en réunion, certains en récidive Ceux restés un peu plus en retrait seront jugés pour abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité d’une personne, non assistance à personne en danger et participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou dégradation de biens. Ce dernier délit, bien que créé sous la présidence Sarkozy, et très vivement critiqué parce qu’il semblait viser encore une fois les mêmes cibles et aggraver inutilement l’arsenal pénal, trouve ici une application très intéressante. Il est frappant dans cette affaire que l’ensemble des personnes mises en examen s’étaient effectivement regroupées et armées dans l’intention d’exercer des violences.sans même avoir des cibles déterminées mais en ayant bien l’intention d’en trouver une. Le « look » des victimes aura suffi ce soir là.
RBL : Vous avez été l’avocat de plusieurs autres antifascistes au cours de cette dernière année, quel bilan dressez-vous de ces derniers mois sur Lyon ?
Bertrand Sayn : En premier lieu il faut préciser que les deux victimes de ce dossier n’étaient pas des militants antifascistes et ne se réclament d’aucune appartenance politique. Leur présence s’explique par le fait qu’ils étaient venus voir des amis participant au concert donné ce soir là. Pour autant, il est vrai que j’ai assuré la défense de plusieurs personnes « antifascistes » notamment cette dernière année [2]. Les agressions sont nombreuses. Il est important que systématiquement les victimes fassent le nécessaire pour que la justice soit saisie de ces faits.
Au plan judiciaire, la tendance est plutôt de banaliser ces faits en les situant dans une opposition extrême droite / extrême gauche. Mon expérience personnelle me fait dire que les agressions sont pour l’essentiel des agressions commises par les militants d’extrême droite dont la présence à Lyon est de plus en plus marquée. Je pense au meeting récent organisé au parc de la Tête d’Or, à la manifestation d’il y a quelques jours, au local ouvert à Gerland [3], au local de Saint Jean, à leur main mise sur ce vieux quartier de Lyon et de la peur qu’ils font régner dans ce quartier désormais « interdit » à toute personne susceptible d’être apparentée au courant libertaire d’extrême gauche ou antifasciste.
La lutte antifasciste est une lutte indispensable. Elle mérite d’être pacifique.
Propos recueillis le 24/01/2012.
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