Une école pour toit

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Jeudi 31 mai, des parents scandalisés par les conditions de vie de certains camarades de leurs enfants qui vivent à la rue ont décidé d’occuper l’école Montbrillant dans le 3e arrondissement avec le soutien des enseignants et de la directrice pour faire pression sur la préfecture.

« Nous n’avions plus d’autre choix » explique une maman. « On a payé des nuits d’hôtel, on a prêté un appartement pour un week-end, mais nos ressources sont limitées. On ne peut pas se substituer indéfiniment à l’Etat. »

Ce n’est pas la première fois que des parents d’élèves, excédés par la violation de la loi et la présence d’enfants scolarisés à la rue, occupent une école. A Lyon, depuis la fin du plan froid, les actions se multiplient.

La semaine dernière, c’était des parents d’élèves de l’école Victor Hugo dans le 1er arrondissement qui s’étaient révoltés.
Des familles hébergées dans le cadre du plan froid avaient été remises à la rue par la préfecture et la DDCS en toute illégalité mi avril. La maire du 1er arrondissement Nathalie Perrin-Gilbert avait payé des nuits d’hôtel le temps de trouver une solution qui n’a jamais été trouvée. Les parents d’élève avaient alors décidé d’occuper le gymnase de l’école juste avant le week-end de Pentecôte.
L’opération a été un demi succès puisque des représentants de la mairie centrale sont venus les voir pour leur expliquer qu’il était hors de question que l’occupation se prolonge pendant le week-end de Pentecôte. Ils ont promis de payer 10 nuits d’hôtel et de faire pression pour que les familles soient relogées. A ce jour, les familles sont toujours à l’hôtel. Aucune solution de relogement n’a été trouvée.
Le 19 mars, c’étaient des parents de l’école Michel Servet qui s’étaient émus du sort d’une autre famille qui vivait dans un squat et dont la fille aînée est scolarisée dans l’école.
Après plusieurs jours d’occupation, la famille a été placée dans un foyer par la préfecture. Comme quoi, quand le préfet veut, il peut.

Depuis jeudi, c’est donc au tour de l’école Montbrillant où des parents se relaient pour occuper l’école afin de que des propositions de relogement soient faites à deux familles.
Une famille est originaire du Kosovo. La maman et ses deux enfants ont été mis à la porte du centre d’accueil pour réfugiés où ils étaient hébergés après le rejet de leur dossier de demande d’asile.
Certains n’ont apparemment pas encore compris que l’hébergement était inconditionnel et ne dépendait pas du tout du statut administratif des personnes hébergées.
L’autre famille est roumaine. Hébergée cet hiver dans le cadre du plan froid, elle a été remise à la rue en toute illégalité mi avril. Depuis la maman et ses deux enfants dorment dans un garage. Le soir, après l’école, les enfants font leurs devoirs à la bougie. La nuit, quand il pleut, ils sont réveillés par les couvertures trempées car le toit n’est pas étanche.

Les familles appellent le 115, jour et nuit. Sans aucun résultat.
Pourtant la loi est très claire : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. » [1]
Une ordonnance du Conseil d’Etat a confirmé que le refus d’un hébergement d’urgence constituait une violation d’une liberté fondamentale [2]

Du côté de la préfecture, on fait le mort. On semble attendre une nouvelle circulaire pour savoir si on continue à violer la loi comme on l’a toujours fait. Ou pas.
Le préfet et la DDCS n’avaient pourtant pas attendu les consignes de Cécile Duflot pour rejeter à la rue des dizaines de familles avant le 22 mai et même le jour de la déclaration de la Ministre. [3]
Du coup ce sont plus de 300 personnes qui appellent chaque soir le 115 pour un hébergement d’urgence et se retrouvent sans solution.
Il y a quelques mois, quand on disait au préfet que des personnes dormaient à la rue l’hiver, il piquait une crise et menaçait de procès. Et le reste de l’année, on a le droit de le dire ?

En tout cas des parents d’élèves, eux, font le constat que des enfants sont obligés de dormir dehors et décident d’agir. La réflexion de cette mère de famille est exemplaire :

« C’est insupportable que ces enfants soient obligés de dormir dehors. Notre action, c’est pour les aider à trouver une solution. Mais c’est aussi une façon de répondre aux questions de nos propres enfants qui nous demandent pourquoi leur copine est à la rue, pourquoi elle n’a pas de maison.
Il y a un moment où en tant que parent on doit prendre ses responsabilités et ne pas toujours dire à nos enfants qu’on ne peut rien faire. »

Ne plus dire qu’on ne peut rien faire face à des enfants qui dorment dehors, face à la précarité, face à l’injustice, face à un préfet qui viole la loi qu’il est censé appliquer.
Ne plus dire qu’on ne peut rien faire et occuper une école.

A Lyon, la politique de Sarkozy à l’égard des plus démunis et sa mise en œuvre par son préfet sont catastrophiques. Elles aboutissent aujourd’hui à des situations insupportables dont les enfants sont les premières victimes.
Le secteur de l’urgence va donc devoir compter avec de nouveaux acteurs : les parents d’élèves et les enseignants. Et ce n’est pas plus mal. Face à l’inertie des pouvoirs publics en la matière et à la complicité plus ou moins active d’associations subventionnées par l’Etat, on peut espérer que ces actions contribueront à bouger les lignes et à obliger au respect de la loi.

Le mouvement d’occupation des écoles pourrait bien faire tâche d’huile et s’étendre si aucune solution n’était apportée rapidement, au moins pour les enfants qui, encore moins que les adultes, n’ont rien à faire à la rue.

Philippe Alain

P.-S.

Photo © Bruno Poncet.

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