Vichy : la police gaze ; émeute.

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Vichy 2008 4 compléments

Un autre récit de la manifestation à Vichy.

Personne n’avait trop osé se mouiller. La plupart des organisations politiques et syndicales - si ce n’est localement, à Vichy ou à Lyon, par exemple - avaient refusé d’appeler à la manifestation. Trop risqué politiquement quand on tente de créer un nouveau parti, ou quand on est en quête de légitimité. Même les « stars » annoncées se seront défilées, pas de Malek Boutih, pas de Noël Mamère.

La presse, elle, reprenait la version officielle (Le monde et L’express, notamment) : enfin, cette bonne vieille ville de Vichy, qui n’avait rien demandé à personne, se trouverait réhabilitée par ce sympathique sommet sur l’intégration des étrangers. Parce qu’il y en a marre de ces histoires du passé, comme dirait Hortefeux.

Les cars au départ de Lyon et Grenoble avaient été bloqués le temps de ficher les militants, voire de les photographier.

Malgré tout, il y a 2 à 3000 personnes à 18h, devant le lycée, à Vichy.

Le cortège s’ébranle, des chansons et des feux d’artifice fusent. Les manifestants portent pour beaucoup des masques blancs, visages figés. Une intervention au micro à la gare, comme prévu, mais ça va trop vite. Le cortège semble pressé de se rapprocher du lieu de rencontre des ministres : l’opéra - là où fut voté la fin de la IIIe république, et l’instauration du régime de Vichy, c’est de bon goût.
Sauf que le parcours a changé, le cortège est censé éviter le plus possible la zone rouge. Et en effet, des grilles anti-émeutes bloquent la rue qui devait être normalement empruntée.

D’abord quelques dizaines de personnes, derrière une banderole, puis quelques centaines, se massent devant les grilles. La banderole encaisse les coups, pendant ce temps des projectiles partent, des fumigènes, des fusées. La banderole est proche des grilles. Une corde est accrochée. Ca tire, les grilles bougent, les flics mangent, la corde rompt, les flics gazent. La police teste ses nouveaux gazs à Vichy. Superdosés : les manifestants crachent, pleurent ou dégueulent.
Le cortège se reforme, déterminé à réavancer. C’est que l’hostilité est tournée vers la police, plutôt que contre les fantasmatiques casseurs « sans aucun lien avec la manifestation » dont on parle aujourd’hui. Les militants restent. La CGT crie « police partout, justice nulle part ». « Jeter des pierres sur la police, ok, mais les vitrines, ça non ! » « Ils sont motivés ces jeunes. » « Arrêtez !, mais arrêtez ! »

Là on ne sait plus bien. Des groupes partent jusqu’à la mairie, dont les vitres sont brisées. Des banques sont cassées. Du côté des lignes de CRS, qui se sont extirpés des grilles, des voitures sont mises en travers, puis incendiées. Tout ce beau monde se retrouve à la gare. Les flics arrivent par plusieurs endroits. Les grilles de chantier sont déplacées pour les contenir.

Ca repart vers Cusset. De nouvelles voitures incendiées, de nombreux tags, une station Total attaquée, des lacrymogènes.
A l’espace Chambon le meeting continue. Les flics ont rattrapé leur retard, ils sont aux portes. Ils dissuadent à coup de flashball ceux et celles qui voudraient repartir.
Ils s’approchent trop, alors ça dépave, ça démonte tout ce qu’il y a - de la cabine téléphonique au banc - pour faire une barricade. Le feu y est mis. Finalement personne n’attaquera.

La préfecture annonce 3 policiers blessés, une trentaine d’arrestations, 5 voitures brûlées.

Hortefeux voulait être celui qui aurait redoré le blason de Vichy, pour de futures élections locales. Redorer le blason, même à coup de CRS, de trains bloqués, de contrôles à tout va. Ce matin le journal local titre sur les violents affrontements de la veille. Il voulait faire le fier devant ses potes européens. 3 semaines après que la France a présenté ses novatrices techniques de maintien de l’ordre aux autres polices européennes, ça la fout mal : les flics étaient complètement débordés, protégeant tant bien que mal la zone rouge, lâchant du gaz dans tout Vichy.

Aujourd’hui la presse n’en parlera quasiment pas. Que quelques centaines de personnes étaient là, à Vichy, répondant à la provocation, tentant par tous les moyens d’aller déloger les ministres.
Pas que ça à faire : c’est l’élection américaine. Et puis tenons nous en à la version officielle : c’est un simple sommet sur l’intégration, Vichy est une des 20 villes françaises pouvant accueillir une conférence internationale, nous ne comprenons pas que certains soient choqués...

En fait nous ne sommes pas outrés, nous prenons acte. Nous avons répondu dans la rue.

Dans les médias :
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  • Le 8 novembre 2008 à 23:44

    Je ne crois pas à la simple adrénaline. Les actions de confrontations laissent des images fortes. Certains individus de retour d’une action ne vont retenir que ce qui les mettent en valeur dans celle-ci. C’est un mécanisme normal de compensation d’une réalité désespérante, par la sélection et la ré-interprétation des moments de l’action. Tout le monde le fait à des niveaux différents, mais quand c’est porté à l’écrit dans un média en guise d’information, c’est là que cela devient un mensonge avec stratégie consciente ou inconsciente de forcer le réel dans le sens de son imaginaire, de son mythe.

    La manipulation n’est pas toujours le fait de machiavel en herbes, elle peut-être aussi inconsciente, motivée par le besoin d’exister plus que ce qui a été vécu.

    Par contre, la manipulation, la désinformation, consciente ou inconsciente est toujours la porte ouverte aux flics, à la récupération politique, à l’instrumentalisation. C’est pour cela qu’il est un principe entre camarades : on ne ment pas, on ne s’auto-censure pas, on ne déforme pas, on ne manipule pas.

    C’est aussi humain d’être honnête, fraternel et sincère avec celles et ceux qui sont les plus chers à nos yeux, et c’est une exigence que l’on doit exprimer. Nous n’avons besoin, ni de héros, ni de martyres. Nous n’avons pas besoin d’être propagandés (dés/informés ?) de la sorte, nous avons besoin au contraire de toute la précision de notre esprit critique, à commencer pour nos propres actes.

  • Le 8 novembre 2008 à 17:19

    Salut,
    c’est moi qui est écrit le post plus haut ou je reviens sur les points 1 et 2. Je suis de ton avis pour la désinformation dans les milieux militants, il faut s’en méfier, mais la plupart du temps, ce n’est pas une volonté délibérée de manipuler les autres, je pense plutôt qu’il s’agit des effets de l’adrénaline et de l’action.
    Chacun-e, selon son degré de sang froid rapportera les choses différemment. C’est qq chose qui n’a rien à voir avec la manipulation, le mensonge, ou autre, c’est qq chose de simplement humain.

  • Le 7 novembre 2008 à 23:01

    C’est ça aussi qui fout les boules. Les médias alternatifs sont systématiquement pourris par ce genre de pseudo-information (« partisane ? »), qui enjolive, grossit, déforme utilisant les mêmes procédés mensongers que les médias de la domination. Quel « camarade » a intérêt à exagérer de la sorte, quel en est le but ? Est-ce le fait de quelques allumés qui idéalisent leurs actions ? Dans quel but ? Il y a un principe entre camarades : ON NE MENT PAS, ON NE DEFORME PAS, ON NE PREND PAS LES AUTRES POUR DES PIONS A PROPAGANDER. A bon entendeur...
    L’émancipation c’est aussi pouvoir se libérer de toutes les propagandes et savoir identifier quand on essaie de vous bourrer le mou ou créer des réactions à des fins manipulatrices. Pas de liberté possible sans honnêteté dans l’apport d’informations. Le mensonge, l’intox et la désinformation « entre camarades » est l’oeuvre de contre-révolutionnaires.

  • Le 7 novembre 2008 à 15:41

    Bon article d’info mais j’ai un avis différent sur certains points.
    Je sais que dans le feu de l’action, avec une certaine dose d’adrénaline dans le cerveau, on a tendance à grossir les choses. Je pense avoir une description un peu plus froide et précise de certains faits relaté ici.

    1 : « Une station total attaquée » : c’est exagéré de dire ça, j’étais présent à ce moment là et j’ai juste vu une personne prendre un extincteur vers les pompes et le vider dans la rue, une autre personne prendre le panneau de pub lesté de total pour le mettre sur la rue, une autre exploser un cadre en bois pour le mettre aussi sur la rue.

    2 : « les flics étaient complètement débordés, protégeant tant bien que mal la zone rouge, lâchant du gaz dans tout Vichy. » : là aussi une grosse exagération. Au moment ou ça a chauffé, j’étais à environ 10 mètres de la barrière anti-émeute.
    La seul chose qui à déstabilisé les crs, très momentanément, c’est le pétard tourniquet qui à été balancé sur un groupe de crs se trouvant sur la droite de la barrière. Sur le coup, ils n’ont pas comprit, ils sautillaient sur place et ça les a bien surpris et leur a fait peur, l’un d’eux qui avait un lanceur de lacrymo double canon à reculer de 10 mètres.

    Pour le lâcher de gaz « dans tout vichy », là aussi c’est un peu gros. Je trouve que comparé à certaines manif, ils n’ont pas gazés tant que ça, je dirai même qu’ils utilisaient le strict minimum pour faire reculer le cortège.
    De mémoire, ils ne nous on pas fait de plans souricières.
    Ont était assez « libre » de s’engager dans les rues adjacentes pour se « reposer » de la lacrymo, pour préparer des projectiles et revenir ensuite à proximité du cordon de crs.

    Avant que les crs nous gazent pour nous faire traverser le pont (en direction de cusset), je suis allé voir du coté des keufs, par la rue adjacentes (allé des kébabs) se qu’il se passait. Je me suis retrouvé entre la barricade coté gare et le cordon de crs, il y avait qq baqueux, je me suis retrouvé à moins de 5 mètre d’un flic qui prenait tranquillement les manifestants en photos, les manifestants m’ont prit pour un flic (normal héhéhé) et je me suis fait caillasser, j’ai prit une pierre sur le pied, à ce moment là le keuf c’est retourné et m’a vu, je me suis barré hilico presto. Derrière moi, le cordon de crs était parfaitement en ligne.

    Tout ça pour dire que les flics n’étaient pas forcément « déstabilisés ».

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