Commençons par quelques chiffres. En novembre 2004, le Grand Lyon signe un contrat avec la société JCDecaux qui prévoit la mise en place « gratuite » de 4 000 vélo’v d’ici 2008. En contrepartie, JCDecaux se voit attribuer le marché du mobilier urbain pour 13 ans. Vélo’v à peine lancé, les travaux commencent. D’ici l’été 2006, JCDecaux aura remplacé les 1 365 abribus existants et créé 835 nouveaux, sachant que la plupart de ces abribus comportent des panneaux publicitaires. 536 Mupi (mobiliers urbains d’information) sont également en cours de remplacement et 64 nouveaux (dont 5 de 8 m2 !)
vont être installés à Lyon et Villeurbanne. Ces « sucettes », comme on les appelle dans le jargon, comportent une face de communication institutionnelle et une autre publicitaire. Voilà donc le prix de Vélo’v. L’opération est entièrement financée par la publicité. Et cela aurait pu être pire. À l’origine, le large carénage rouge des vélo’v avait été envisagé comme support d’espace de pub !
Avec ce contrat, le contribuable n’a pas à payer Vélo’v de sa poche et certains s’en réjouissent. Nicolas Igersheim, président de La Ville à Vélo, précise qu’à tout prendre, il vaut mieux un panneau de pub qu’un 4 x 4. Et souligne ironiquement que Vélo’v est payé en partie par les constructeurs automobiles qui communiquent largement sur les abribus... Les plus radicaux, comme l’association Casseurs de Pub, contestent au contraire avec fermeté cette nouvelle pollution visuelle de notre espace public, alors que la tendance est à la diminution du nombre de panneaux de pub dans d’autres villes françaises. À Pignon sur Rue, on s’inquiète aussi. La publicité est en effet à la base de la société automobile, alors que le vélo véhicule plutôt une image de simplicité et de sobriété. Rouler à bicyclette, c’est résister au lavage de cerveau proposé par la pub.
De son côté, JCDecaux se frotte les mains. La société se refuse à parler chiffres, mais on peut légitimement penser que l’argent généré par la pub sur 13 ans couvrira plus que largement les frais d’installation et la redevance reversée au Grand Lyon pour occupation du domaine public. Combien coûte réellement Vélo’v ? Aucun chiffre n’est clairement avancé. Le service est « offert » par JCDecaux qui gère en échange comme il l’entend ses panneaux de pub et pourrait bien investir de nouveaux marchés en déclinant Vélo’v à l’étranger. Quant aux politiques, ils voient là une occasion de communiquer sans frais sur les fameux déplacements doux...
C’est là que le bât blesse. Puisque Vélo’v est un succès dont on parle dans le monde entier et que l’exemple lyonnais pourrait faire des émules dans plusieurs villes européennes, pourquoi le Grand Lyon n’a-t-il pas décidé d’investir directement de l’argent public plutôt que de se retrouver pieds et poings liés au marché publicitaire ? Puisque le vélo est désormais reconnu comme un moyen de déplacement à part entière, pourquoi l’argent public ne servirait-il pas à le financer, comme c’est le cas pour les lignes de métro ou de bus ? Les autorités, si sensibles à l’image qu’elles donnent de leur agglomération, en sortiraient à coup sûr grandies.
Stéphane
Gratuité : ne tombons pas dans le panneau
L’utilisation d’un vélo’v est gratuite ou presque. À croire que ces vélos ne coûtent rien ?
Voyons voir à quoi ça ressemble un vélo gratuit :
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- un bon cadre en acier solide et durable,
- des moyeux sophistiqués intégrant changement de vitesse, freins à tambour et dynamo,
- un éclairage et des feux stop à diode,
- une électronique embarquée à faire pâlir la NASA.
Tout ça doit bien se payer.
On nous l’a pourtant bien dit dans tous les journaux et micros. Ni le Grand Lyon ni la Ville n’ont déboursé un euro. Tout a été pris en compte par JCDecaux, mécène de la course cycliste et bienfaiteur de l’humanité préoccupé d’écologie. Il n’a rien demandé en échange, tout juste qu’on lui permette l’installation de quelques panneaux publicitaires. On lui devait bien ça.
Sûr qu’on va en bouffer des sucettes en réclame et qu’il va être difficile d’arpenter le trottoir sans tomber dans le panneau.
On va les payer, ces vélos gratuits.
Monsieur Decaux encore un petit effort... Autobus, métros et tramways encore payants...Vous nous avez offert un moyen de transport gratuit et il serait injuste que les usagers des TCL en soient encore de leurs poches. Pour vos panneaux, on trouvera bien encore de la place.
Serge
Vélo’v est-il le meilleur moyen de développer le vélo ?
Le but initial de Vélo’v était de développer l’usage de la bicyclette. Malheureusement, la contrepartie de ce service a entraîné une situation dont le bilan positif n’est pas garanti. Les panneaux publicitaires poussent comme des champignons et enlaidissent la ville en vantant les mérites des nouveaux modèles automobiles et de la consommation à outrance. Pourtant, cette situation paradoxale n’est pas une fatalité. Pour développer l’usage de la bicyclette, voici quelques suggestions toutes simples qui engageraient fortement le Grand Lyon au niveau politique.
Pour commencer, il paraît indispensable de limiter la vitesse des automobiles à 30 km/h sur l’ensemble du territoire du Grand Lyon. Les risques d’accidents en seraient fortement réduits. L’impression d’insécurité est aujourd’hui un frein pour de nombreux cyclistes à s’engager sur les chaussées de l’agglomération. Cette limitation de vitesse serait un signe fort d’encouragement à prendre son vélo et à abandonner l’automobile.
Vélo’v pourrait également devenir un véritable service public. Le Grand Lyon pourrait s’engager financièrement pour couvrir l’ensemble de l’agglomération et fournir un service de qualité sans avoir à accepter une augmentation des surfaces destinées à la publicité. Ce serait le service de vélos en libre-service des Lyonnais et non les Vélo’v JCDecaux. Il serait alors plus facile de sensibiliser les citoyens au respect de leur moyen de locomotion.
Ensuite, il serait souhaitable de développer tous les aménagements facilitant la vie des cyclistes : parkings à vélo, espaces couverts et surveillés à proximité des gares... Les points noirs tels le pont Poincaré ou celui de La Mulatière doivent être aménagés pour sécuriser le passage des cyclistes. La liste des choses à faire est immense. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais la volonté et le courage politique à les mettre en œuvre.
Enfin, le développement des parkings automobiles et le développement du vélo semblent inconciliables. Pour promouvoir l’usage de la bicyclette, il faut bouter les autos hors de l’agglomération en arrêtant tout nouveau projet de parking, en réduisant l’espace dédié aux automobiles et en développant les moyens de transport collectifs. L’automobile est un moyen de transport inefficace, polluant, coûteux en espace et inadapté à la ville.
Le principe des vélos en libre-service est une bonne idée. Dommage que Lyon et Villeurbanne l’aient confié à un publicitaire et se soient limités à une opération de « communication ». L’agglomération lyonnaise mérite mieux que cela.
Denis Cheynet
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