Tribunal de Lyon, le vendredi 6 avril 2007 à la chambre des comparutions immédiates.
14h11 - Présentation de l’accusé :
Monsieur B. a 27 ans, il habite le 1er arrdt, est père de 3 enfants et travaille pour le stade de Gerland.
Le tribunal l’accuse d’avoir dégradé la porte du club « Le Tonneau » par incendie, le jeudi 5 avril 2007.
Son casier judiciaire comporte 2 mentions (du sursis), l’une pour conduite en état d’ivresse, l’autre pour violence sur mineur.
Les faits décrits par les PV :
Place des Capucins, un témoin a observé une personne « de type négroide » qui met le feu à des cagettes et des cartons devant une porte et une autre de type maghrébin avec un chien restant en retrait. Le témoin appelle les pompiers et la police. La police constate qu’un individu « de type négroïde » est devant le feu et se nettoie les mains.
Le prévenu nie les faits :
- J’arrive à 6h15 près de la place des Capucins pour acheter des croissants chez le boulanger ; puis je rentre chez moi et je vois le feu ; alors je suis revenu prévenir le boulanger et nous sommes allés ensemble voir ce qu’il se passait.
Il a prévenu les pompiers qui lui ont demandé de rester sur place en attendant leur arrivée. C’est ce que j’ai fait en mangeant un croissant, c’est pourquoi je me frottais les mains quand les policiers sont arrivés. Ensuite les policiers m’ont demandé si j’avais un briquet, alors j’ai dit oui et j’ai sorti le mien de ma poche.
- Le témoin dit qu’il vous a vu mettre le feu reprend le juge.
- Dès que j’ai vu le feu, j’ai prévenu le boulanger qui est venu avec moi le constater, je vous jure sur tout ce que j’ai de plus cher dans ma vie que ca n’est pas moi.
Les réquisitions du procureur :
- Les procès verbaux disent clairement que le prévenu a été interpellé grâce aux témoignages qui décrivent un individu de type africain présent sur les lieux.
- Le témoin a une vue précise de l’auteur et de celui qui a allumé le feu.
- Monsieur B. est porteur d’un briquet.
- Le témoin précise que la personne de type maghrébin avec le chien se tient à l’écart lorsque le personnage de type africain allume le feu. Les faits sont clairs, comment ne pas entrer en voie de condamnation ?
- De plus, le quartier des pentes et des Terreaux est un quartier extrêmement peuplé, sans l’intervention de la police et des pompiers, le début d’incendie aurait pu être extrêmement grave.
- Avec ses antécédents judiciaires, c’est la 3e fois qu’il passe devant le tribunal ; je demande donc au tribunal d’entrer en voie de condamnation et je requiers 6 mois de prison ferme et une mise en détention immédiate (mandat de dépot).
La défense du prévenu
- Monsieur le procureur évoque la dangerosité d’un feu sur les pentes de la croix rousse, monsieur B. en est conscient puisqu’il habite lui même sur les pentes de la Croix Rousse !
- Les policiers ne mentionnent dans les procès verbaux ni l’adresse du témoin, ni la vue qu’il peut avoir.
- Le témoin, et les procès verbaux le reprenne, décrit un individu de « type négroïde » qui aurait mis le feu. Le tribunal a rectifié et utilisé le mot « africain » ; le terme utilisé par les policiers est raciste. Les policiers sont donc à la recherche d’un individu de type africain et d’un autre de type maghrébin avec un chien. Ils voient monsieur B. qui se frotte les mains et constatent qu’il a un briquet dans la poche, « dès lors agissons en matière de flagrant délit » !
- D’où le témoin voit-il la scène ? Nous ne le savons pas. Il voit un individu de type africain avec un blouson sombre et un de type maghrébin avec un chien ; de blouson sombre monsieur B. n’en avait pas lors de son interpellation. Le seul lien qui unit mon client à cette affaire est le briquet, qu’il porte dans sa poche comme tous les fumeurs, et sa couleur de peau.
- Aucune attention n’a été donnée aux paroles de monsieur B. durant toute sa garde à vue.
- Alors que c’est le boulanger qui appelle les pompiers et qui se trouve à deux pas du feu, celui ci n’a pas été entendu par les policiers. Les pompiers non plus, nous ne savons pas s’il y a eu deux coups de fil donnés aux pompiers.
- Pour cette absence de preuve, et le civisme dont monsieur B. a fait preuve en prévenant le boulanger et en s’inquiétant de savoir si les pompiers étaient avertis, je demande la relaxe. Il n’y a aucune raison de remettre en doute les paroles de monsieur B.
- La procédure est difficile en comparution immédiate puisqu’il doit être apporté une réponse pénale pour des faits particuliers ; cette affaire ne mérite ni un passage en comparution immédiate, ni condamnation, mais une relaxe.
14h29 - Délibéré :
Le tribunal a reconnu monsieur B. coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamne à un mois de prison ferme mais sans mandat de dépot.
C’est-à-dire pas de prison ferme, mais un passage devant le juge d’application des peines qui décidera du mode d’application de la condamnation avec des moyens autres que la prison ferme.
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