En Guyane, situation insurrectionnelle

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Ce qui se passe en Guyane est assez impressionnant

Dernières nouvelles : (mises à jour le 5/12/08)

- Manifestation à Cayenne le mercredi 3 décembre de plus de 6000 personnes de toutes origines ethniques, de tous âges (beaucoup de jeunes) pour soutenir le mouvement contre les prix élevés des carburants et des produits alimentaires. Gros succès de cette manifestation malgré le débat du moment sur les gènes importantes occasionnées par les barrages routiers. La réduction de 50 centimes du prix de l’essence est donc toujours exigée par la population. Des négociations seraient en cours au niveau du gouvernement... Ce mouvement va-t-il permettre une prise en main réelle du pouvoir par la population ?

- Au 11e jour de blocage, le 4 décembre, la situation devient critique pour les Guyanais car le gouvernement fait traîner en longueur les négociations sous prétexte de difficultés du montage financier...

- Dans la soirée du 4 décembre, appel à la levée des barrages, mais ne serait-ce pas les consommateurs guyanais les dindons de ces négociations, puisque le gouvernement, en échange des 50 centimes, augmente 77 produits en élargissant l’octroi de mer ? En 1789, l’octroi n’avait-il pas été purement interdit ?

- Le 5 décembre, les barrages sont levés. La diminution du prix de l’essence est obtenue, mais une amertume demeure du fait que les politiciens aient récupéré ce fort mouvement populaire qui va sublimer les rapports sociaux et restera dans l’histoire.

En effet, depuis le lundi 24 novembre, après de multiples négociations, des associations de consommateurs, les socio-professionnels du transport ont décidé de mettre en place des barrages dans tout le département à l’entrée des villes et même à l’intérieur de Cayenne. Résultat : plus d’essence, boutiques d’alimentation et autres banques fermées, établissements scolaires fermés, habitants bloqués dans leur ville, campagne ou village, centre spatial paralysé...

C’est un mouvement très populaire, soutenu par les syndicats et les différentes associations... Les habitants vont sur les barrages pour soutenir !

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Barricade dans une rue de Cayenne
mercredi 26 novembre 2008

En effet, l’essence est à 1,77 euro et on exige que le prix baisse d’au moins de 50 centimes d’euro. Chacune se renvoie la balle : la région, l’Etat, la raffinerie qui se trouve au Lamentin en Martinique. C’est compliqué de savoir qui s’enrichit sur le dos des Guyanais par ailleurs pour un certain nombre très pauvres... Les associations ont l’intention ensuite de s’attaquer au prix exorbitant des autres denrées de première nécessité : farine, lait, riz... De petites émeutes de jeunes ont lieu dans certains quartiers, surtout à Cayenne.

Le plus dur est que la Guyane est paralysée mais que les médias n’en parlent pratiquement pas. Le gouvernement par ailleurs met du temps à réagir... La Guyane est loin et isolée. C’est la première fois qu’il y a un mouvement de cet ampleur !! Faites le savoir autour de vous !

Le blocage généralisé

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Barrage à Cayenne
carrefour de Suzini - 27 novembre

Depuis lundi matin, le 24 novembre 2008, la Guyane connaît une mobilisation jamais connue à ce jour. Plus d’une vingtaine de barrages bloquent les principaux axes routiers du territoire : l’agglomération de Cayenne, de Kourou, Iracoubo, Sinnamary, Saint-Georges, la route du littoral, la route nationale 1, et à l’Ouest, la sous-préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni sont inaccessibles. Trois barrages ont été mis en place avec des poids lourds sur des ronds-points de Cayenne, Matoury et Rémire-Montjoly. Des barrages étanches sur les quelques ronds-points stratégiques de ce territoire au réseau routier peu dense entraînent un blocage de toutes les activités économiques et sociales. Les accès routiers au port de commerce et à l’aéroport Rochambeau de Cayenne sont aussi fermés.

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Barrage à Kourou
samedi 29 novembre

Des barricades sont érigées dans les rues de la ville de Cayenne et à Kourou. Les nuits sont chaudes lorsque la police tente de les déloger avec des grenades lacrymogènes. Le déluge de gaz lacrymogènes balancés par la police incite plutôt certains jeunes à recommencer à s’opposer plus durement aux représentants de l’Etat français. Dans la nuit de jeudi à vendredi, pour la troisième fois de la semaine, des affrontements ont eu lieu entre des policiers et des jeunes près des barricades, dont certaines flambaient, et notamment dans le quartier chinois de Cayenne. Presque chaque nuit, des poubelles prennent feu près de la gendarmerie de la Madeleine. Des cocktails-molotov sont lancés et quelques voitures ont été brûlées, sans faire de blessés parmi les policiers ou les gendarmes. Par contre, les jeunes guyanais ont de la difficulté à se déplacer de nuit sans se faire prendre à partie par la police.

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Saint-Laurent-du-Maroni paralysée
L’ensemble des commerces et des établissements scolaires fermés. Les pompes des stations d’essence vides. La ville sous-préfecture est en totale immobilisation.

Aux carrefours bloqués, c’est vraiment la bonne ambiance lorsque tous ces vaillants révoltés, de tous âges et de tous milieux, se retrouvent sur les barrages le soir venu. Chacun apporte à manger, certains jouent de la musique, ou aux dominos, tandis que d’autres améliorent le campement...

Origine du mouvement : les Guyanais n’en peuvent plus !

Ils sont excédés face à une flambée incessante du prix de l’essence, presque le double de son prix de la France métropolitaine, et ils en ont ras le bol de l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité.

Le mouvement a été lancé par des associations de consommateurs et les organisations de transporteurs, avec le soutien des socioprofessionnels, des élus et de la population locale, pour demander une baisse de 50 centimes sur les carburants, dont les prix sont administrés par l’Etat dans les départements d’outre-mer. En moins de deux ans, le carburant a augmenté de 46 centimes en Guyane, pour atteindre aujourd’hui 1,77 euro le litre d’essence sans plomb 95, et 1,55 euro pour le gazole en ville, mais jusqu’à 2,05 euros en forêt, et qu’il devrait augmenter encore à partir de janvier 2009. Il faut savoir que la bagnole est le seul moyen de se déplacer en Guyane, les transports en commun étant pratiquement inéxistants.

L’objectif de ce mouvement est la baisse du coût de l’essence aujourd’hui fixé administrativement par le Préfet à 1,77 euros, soit le prix le plus élevé de tout le territoire français. Le mouvement exige de l’Etat qu’il réduise le prix de l’essence de 50 centimes. Alors même que les collectivités locales collectent environ 70 centimes de taxe, l’Etat est le principal interpellé, et derrière lui, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara), qui fournit la Guyane en carburant. Avant cela et jusqu’en février 2007, l’essence, provenant d’un pétrolier de Trinidad, était frelatée et pour respecter les normes européennes il a fallu un nouveau fournisseur, la Sara, qui a augmenté fortement les prix.

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Manifestation de 2000 personnes près de la préfecture de Cayenne vendredi 28 novembre

Une étude commandée par la Confédération des petites et moyennes entreprises de Guyane (CGPME) conclue à des trop-perçus irréguliers en faveur des compagnies pétrolières. Le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, qui se transforme en marchand de tapis, a d’abord proposé une réduction inadmissible de 10 centimes : elle a été systématiquement refusée par les Guyanais en colère.

Puis, dans l’après-midi du vendredi 28 novembre, Yves Jego annonce 30 centimes d’euro « lâchés » par la compagnie pétrolière, signe évident de l’exagération des prix proposés auparavant.
Mais, sur le barrage de l’avenue de Pariacabo, la population se dit prête à tenir un mois, et ne lâchera rien avant d’avoir obtenu les 50 centimes !

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Dessin de Patochard
(issu de blada.com)

Solidaires les Guyanais, c’est comme si tout un peuple faisait la grève de la faim !

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La Guyane, située au nord de l’Amérique du Sud, avec une superficie de 86.500 km², ce qui correspond en gros à 1/6 de la superficie de la France métropolitaine, surtout couverte de forêts équatoriales, pour environ 230.000 habitants, est complètement paralysée. Les habitants commencent à être dans une situation critique.

La Guyane est entièrement bloquée : stations-services fermées faute d’approvisionnement, fermeture des commerces et aussi des administrations, la plupart des établissements scolaires fermés, distribution de courrier suspendue, guichets de distributeurs automatiques de billets en pénurie. L’eau et l’électricité sont parfois coupées certaines heures. Comme en 1968, la marché noir se met en place et le litre de sans plomb atteint jusqu’à 3,50 euros.

Les habitants sont très solidaires, quelle que soit l’orientation politique de chacun, mais ils sont néanmoins très inquiets. La situation est vraiment grave pour qu’il y ait une telle participation à ce mouvement alors même que c’est cette population qui en pâtit de tous ces blocages mis en place.

Il en est ainsi à Papaïchton, près de Maripassoula, sur le Maroni, où les habitants affirment leur totale solidarité avec les révoltés. Cependant, là-bas, il n’y aura plus de réserves de carburants à partir du 2 décembre pour alimenter la centrale électrique, qui pourtant est déjà délestée 6 heures par jour où l’électricité est coupée. Si la situation n’est pas débloquée au plus vite, il n’y aura donc pas d’électricité, mais pas d’eau potable non plus car elle ne pourra pas être pompée, avec tous les risques sanitaires que cela implique. En cette saison, le Maroni est au plus bas et les pirogues de frêt mettent entre 4 jours et une semaine pour atteindre Papaïchton.

Le centre spatial de Kourou serait en chômage complet s’il n’avait mis en place une navette par hélicoptère et par bateau pour une petite partie du personnel, et le prochain tir de la fusée Ariane 5 initialement prévu le 10 décembre est reporté.

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Tous les flux sont bloqués. Et le président de la Chambre de commerce et d’industrie de la Guyane, Jean-Paul Le Pelletier, en rajoute en fermant ce vendredi le seul port de commerce de la Guyane, et samedi c’est au tour de l’aéroport international de Rochambeau qui est aussi fermé. Jusqu’à présent, pour prendre l’avion, les passagers devaient passer le dernier barrage à pied pour marcher parfois plusieurs kilomètres. Désormais il n’y a plus d’avions. Mais les habitants se demandent qui a pris réellement cette décision de fermer le seul port et l’aéroport « car décider de couper un pays du reste du monde est un acte beaucoup trop grave pour être laissé à une poignée d’élus consulaires, fussent-ils bien repus ».

La répression sur les jeunes

Ce sont les jeunes qui sont dans la ligne de mire des policiers. Une vingtaine de personnes ont été arrêtées par la police en Guyane, dont quatre mineurs, lors des échauffourées à Cayenne. Cinq personnes, dont un mineur, étaient toujours en garde à vue le 27 novembre.

C’est qui, c’est quoi cette révolte ?

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On attendait une grosse crise sociale en Guyane du côté des jeunes, qui représentent plus de 50% de la population et dont beaucoup sont au chômage. S’ils sont présents dans le mouvement, et notamment dans les échauffourées de nuit, ils n’en sont pourtant pas à l’origine. Cette protestation a été minutieusement préparée et lancée par une « Association des consommateurs en colère », soutenue par le patronat local, par les élus locaux, ainsi que tout ce que la Guyane compte d’associations professionnelles, syndicales, religieuses, culturelles.

Malgré la méfiance de la population, les élus, qui y participent (et nous ne sommes pas très habitués à ça), ne voudront-ils pas à coup sûr y renforcer leur légitimité en récupérant l’histoire de ce mouvement populaire ? Dans ce mouvement, ne s’agit-il pas surtout de montrer aux Guyanais combien les collectivités locales d’Outre-mer ont besoin de plus d’autonomie, face à un Etat français omnipotent et "irresponsable" ? Ne s’agit-il pas de tenter de constuire une guyanité, une identité guyanaise dans une société fragmentée en multiples communautés plus juxtaposées les unes aux autres que mélangées. Par ce consensus paradoxal entre patronat et syndicats, provisoire bien sûr, mais existant dans ce mouvement vis à vis de l’ennemi commun, l’Etat français, ne s’agit-il pas de créer un imaginaire collectif guyanais, alors que l’image donnée aujourd’hui, après le bagne de Cayenne, n’est pas très positive ?

« L’identité d’une région comme la nôtre, écrit le Guyanais Ulrich Sophie, c’est deux choses : le plébiscite permanent, c’est-à-dire qu’à chaque moment les Guyanais décident par la voie des élections, ou dans la rue. Et en même temps l’acceptation d’un passé commun. Ce que nous avons fait ensemble, ce dont nous nous souvenons ensemble, et même - c’est très important- ce que nous avons décidé d’oublier ensemble. »

Un grand sentiment de discrimination vis à vis des Français continentaux

Les Guyanais, qui vivent actuellement une situation incroyable, ne comprennent pas pourquoi les médias nationaux tardent tant à parler de ce mouvement très actif et solidaire. La Guyane est le plus vaste département de France, et on se demande s’il est vraiment français ! Il est impensable qu’une telle situation de crise puisse se produire dans n’importe quel autre département français sans que l’information soit relayée par tous les médias nationaux. C’est au travers des quelques échauffourées qui ont eu lieu à Cayenne, ou du blocage de la fusée Ariane, que les seuls journaux nationaux ont à peine évoqué le mouvement...

La population de Guyane se mobilise contre la tyranie de l’Etat, dans l’indifférence générale. Elle en a marre de ne pas être entendue. Ce n’est pas la première fois que des faits similaires se passent : les Guyanais passent, comme souvent, pour des laissés-pour-compte aux yeux de la métropole...

P.-S.

Pour des compléments d’infos locales, voir le site guyanais blada.com

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  • Le 6 décembre 2008 à 03:06

    Pour y être allé, la Guyane c’est une multitude de peuples qui se croisent sans se voir. Au sommet les européens qui viennent prendre les places les plus intéressantes avec un bonus de salaire de 40% puis 3 ans plus tard rentrent en métro.
    Mais pour ceux qui habitent le quartier de la Crique (Cayenne) et d’autres, c’est l’enfer (pas de boulot, un racisme sous-jacent). Se révolter n’est que le seul espoir qu’ils aient de montrer qu’ils existent.

    un autre site www.bondamanjak.com

    herope

  • Le 6 décembre 2008 à 02:15, par L-A

    Bonsoir !

    Je n’ai que 15 ans mais j’ai quand même voulu repondre a la premiere partie de votre article .
    Vous dites ne pas être specialiste de l’economie , et vous avez raison .
    Vous payez des impôts , c’est tout à votre honneur , mais je vous assure que vous n’êtes pas le seul . Et oui , aussi étonnant que ce soit , ces locataires d’HLM , adeptes de consoles videos , 4X4 etc ... payent aussi des impôts ! Contente de vous avoir appris quelque chose . En ce qui concerne , les obligations de citoyens qu’ils ne remplissent pas ... Je ne ferais tout simplement pas de commentaire , je vous laisse deviner pourquoi !
    « Si cette grève est fait au nom des pauvres » , le fameux SI vous sauve monsieur , parcequ’on voit bien que vous êtes resté enfermé à Kourou durant cette grève , votre esprit est bien étroit , et rien que le faite de dire que vous vivez à Kourou explique votre position .
    La baisse du prix du carburant est destinée à toute la population et pas seulement aux habitants du fleuve , il y a tout type de population en Guyane , je vous invite à sortir un peu . S’il vous plait . C’est sûr que si vous restez à Kourou , et passez parfois sur le fleuve pour vous donner « un air » , le prix du carburant ne vous concerne pas ...
    Ha non , je me suis trompée , vous êtes concerné par le prix du carburant , car il est directement lié aux prix des billets d’avions , vous voyez monsieur , il n’y a pas que les habitants du fleuve , et les citoyens irresponsables qui se font « rouler » !
    Pour finir , je vous demanderai de cesser de généraliser , ce qui se passe à Kourou ne s’applique pas forcement à toute la Guyane .

  • Le 5 décembre 2008 à 13:53

    NOUS GUYANAIS DE METROPOLE SUR PARIS NOUS SOUTENONS NOTRE PAYS ET NOS CAMPATRIOTES, DE CE FAIT NOUS ORGANISONS A LA SALLE « SABRINA » A PIERREFITTE (93) UNE JOURNEE DE SOLIDARITE DE 12h à minuit.

    En tout cas, PAS MOLLI Guyanais et Guyanaises !

    PARIS, nous vous soutenons. Tenez bon ! C’est la seule solution pour rester debout. Encore bravo !

  • Le 5 décembre 2008 à 09:32, par Robert973

    non, vous ne dites pas de bêtise. Je trouve d’ailleurs qu’en quelques échanges nos points de vue se sont beaucoup rapprochés.

    Par contre, vivant à St Laurent, donc au milieu d’une population très différente de celle de Kourou, je continue à penser qu’il faudra du temps pour que certaines idées progressent, dont celle de l’écologie.
    Ce n’est surtout pas du mépris. C’est simplement en dehors de leur culture, comme nous il y a quelques dizaines d’années.

    Et je ne pense pas que le fait d’entendre dire certaines choses à l’école ou à la télé puisse suffire à faire prendre conscience du problème. Il faut du temps pour se l’approprier. Je crois qu’on ne fait rien de bon sans le temps.

  • Le 4 décembre 2008 à 12:02

    Finalement je me rend compte que je me suis mal exprimé la première fois et un grand nombre des critiques émises venaient d’une incompréhension.

    Je vous rejoins sur la bonne volonté de A.C.C., l’association des consommateurs en colère, qui a tenté depuis des semaines de faire la lumière sur le prix de l’essence, par une démarche analytique, en décomposant des documents obscurs et en interpellant les responsables, sans réponses claires. Leur travail de fourmi était à mon sens très pertinent.

    Le problème c’est qu’on n’improvise pas un barrage routier. Ils en ont donc perdu le contrôle à toute vitesse. Et là, récupérations politiques et autres sont venues embrouiller le public. Quand aux médias comme France Inter, ils ne parlent jamais du débat de société créé par un mouvement social, mais toujours des incidents violents qui se produisent assez inévitablement en marge des mouvements.

    A Kourou, effectivement, l’argumentaire des gens que j’ai cherché à rencontrer pour leur témoigner ma solidarité était une défense de tous les pauvres, en arguant qu’à Maripasoula, le diésel monte à 2.99/litre. Je trouve en effet cela honteux, voire ridicule, car il devient inévitable de s’approvisionner à Albina.

    Pour l’environnement, je ne suis pas si pessimiste quand à la prise de conscience.
    1- En effet le gouvernement nous fait le chantage à l’écologie relayé par les médias en disant en substance : vous payerez l’essence, l’électricité, les voitures récentes, les billets d’avion ... plus cher, parce que nous sommes dans une crise environnementale mondiale. Il y a donc prise de conscience. Les problèmes (réchauffement climatique, maladies graves liées à l’industrie, déforestation, mercure, pollution des glaces arctiques par les métaux lourds...) sont réels.
    2- Partant de là, pourquoi faudrait-il 40 ans pour que les Guyanais agissent ? Si un ingénieur apporte ici demain une solution plus propre pour un problème d’énergie, les gens se l’approprieront très vite si cela est plus économique, voire plus pratique. Or, certaines solutions propres sont aussi économiques. (voiture urbaine à air comprimé www.mdi.lu, éoliennes, dans certaines conditions, compostage des déchets, réduction des emballages, production locale avec moins de transport...)

    Ce n’est pas la révolution, mais ce mouvement pourrait être une occasion de se poser ce genre de question. Et pourquoi pas assortir aux revendications une -timide ?- demande d’engagement des élus en terme de transports publics réguliers et sûrs ? De construction de bâtiments propres dans les établissements publics... ? (Pas comme le nouveau bâtiment du lycée de Kourou, en retard de presque un an sur son planning de livraison, et dont la facture d’usage seul de ses clims consommera un tiers de la facture totale de l’établissement. Quels élus ont pu signer leur accord pour une telle aberration, avec l’argent public ? Là aussi il s’agit d’une facture que nous tous allons payer, plus invisible que le prix de l’essence mais tellement injuste)
    Oui, on ne peut pas tout changer maintenant même, mais ne devrait-on pas profiter de ce mouvement pour réfléchir aux alternatives ?

    Un anarcho syndicaliste l’a très bien écrit sur ce site : les récupérations, comme les violences en marge des mouvements, sont une constante presque inévitable de chaque mouvement. Pour les éviter, ou les canaliser, la population doit avoir une idéologie, un projet de société. Ils doivent savoir dans les grandes lignes dans quel type de société ils veulent vivre. Or, ici, une certaine déconnection du reste du monde, une culture télévisuelle et d’autres causes ont tendance à faire perdre les repères, les idéologies et tout simplement la culture. J’avais été choqué de voir un élève de 3° ne pas se souvenir du nom d’Hitler, un noir dessiner une croix gammée, des élèves de 16 ans ou plus dater le premier avion motorisé de « 1944 », voire des années 60 ! Dans ces conditions, c’est sûr une idée fédératrice comme le prix de l’essence (= plus d’argent pour TOI) comble tous les vides idéologiques. Et mon boulot consiste, je crois, non pas à leur dire ce qu’ils doivent faire, mais à leur montrer des réalités et des raisonnements qui les ammèneront à réfléchir sur les actes qu’ils accomplissent quotidiennement.

    Est-ce que je dis vraiment autant de bêtises que ça ?

    JR

  • Le 4 décembre 2008 à 08:15, par Robert973

    Je ne souhaite pas créer de polémique. Je n’en ai ni l’envie ni le temps. Le sujet est trop important pour nous.

    4x4, TV sat, console de jeux : ils voient ça à la télé depuis des années. Il faut reconnaitre que c’est une façon d’être pour être comme les autres, comme tous les autres dans le monde. Comment faire pour que les pauvres comprennent une fois pour toute que toutes ces pseudo merveilles ne sont pas pour eux ? (humour noir....)

    Personnellement, je n’ai pas compris au départ que la grève a été faite par ou pour les pauvres. Je crois que le mouvement a été initié par des gens de bonne volonté qui croyaient rendre service à tout le monde en luttant contre ce qu’ils ressentaient comme une injustice (je le pensais aussi, j’habite à St Laurent).

    Il faut toutefois remarquer que ce groupe a cherché à dialoguer. Il a obtenu des rendez-vous avec le Conseil régional et la préfecture. Mais comme toujours en France, ces messieurs ne daignent prendre en compte les petites gens que lorsque la rue est bloquée. Ce qui fut fait, sans précipitation toutefois. Pour ce qui est des médias, je suis d’accord avec vos analyses.

    Mais pour les problèmes environnementaux (qui n’ont rien à voir avec les actions en cours) c’est une constante dans tous les discours : tout le monde doit s’y mettre.... surtout les pauvres qui n’en ont ni les moyens ni même la perception. Et les guyanais sont à peu près au niveau de conscience qui était le notre il y a 40 ou 50 ans : après moi le déluge !

    Il serait plus judicieux de commencer par balayer devant chez nous avant d’imposer des sacrifices aux autres. Laissons leur le temps de découvrir par eux mêmes le problème, ils sauront ensuite le traiter.

    Effectivement, la lecture de votre texte m’avait laissé supposé que vous étiez au CSG. Mea culpa.

    Quant à l’indépendance de la Guyane financée par la France, c’est justement le rêve du MDES....

  • Le 3 décembre 2008 à 14:41

    Bonjour,

    Je suis content de voir que quelques critiques sont émises par rapport à mon article.

    Je ne suis pas un spécialiste de l’économie, et effectivement j’admet que pour la question du logement social, j’ai peut-être surgénéralisé une tendance, ne connaissant pas la situation de Cayenne (on m’a ensuite expliqué mon erreur en ce sens) : celle d’occuper des HLM mais d’être fondamentalement attaché à 4X4, télé satellite, consoles de jeux etc. qui à mon sens ne sont pas des valeurs ni des necessités absolues. Pour ma part, je suis très heureux de payer mes impôts pour que les gens bénéficient des biens matériels de leur choix, mais en contrepartie nous avons tous des obligations de citoyens, entre autres s’occuper de ses enfants. Ce qui n’est pas toujours franchement le cas ici.

    Si la grève est faite au nom des pauvres, en particulier les habitants des communes du fleuve, où le carburant est extrêmement cher, soit. Mais ce raisonnement ne tiens pas : en cas d’innondation, les envois humanitaires en direction du Lawa (territoires amérindiens) ont été ridicules face aux besoins, et les promesses faites en terme d’équipement (communication) ne sont pas tenues. Sur le fleuve, je n’aurais donc aucun scrupule à m’approvisionner au Suriname.

    Ce qui me choquait, c’est d’utiliser les populations pauvres comme prétexte à un mouvement. Cependant, je suis tout disposé à participer à un même mouvement à propos de l’augmentation scandaleuse du prix du riz à cause de la spéculation à Chicago, du couac et autres denrées vivrières.

    « Chômeur par la force des choses » parce que les élèves de l’établissement où je travaille ont décidé de se mettre en grève, et on a donc renvoyé les professeurs. Tiens, pour une fois ce ne sont pas nous les « preneurs d’otages » fainéants qui ne font semblant de travailler que pendant quelques misérables 18 heures par semaine, sans se soucier du devenir des enfants... Je ne sais pas si la fermeture de l’établissement est une forme de solidarité constructive avec le mouvement. Par ailleurs, ne pouvant enseigner « par la force des choses » j’ai quand même trouvé à m’occuper à la maison et je ne suis pas resté désoeuvré, comme vous sembler l’insinuer.

    On me reproche de ne pas prendre du recul vis à vis des médias. Vous aurez mal lu, c’est justement mon expression allusive, « [Chavez est] souvent considéré comme » avec des guillemets qui montre mon horreur de France Inter, pour ne citer qu’elle, qui crache sur Chavez en lui reprochant d’être un dictateur. J’ai très peu visité le Venezuela, mais la population locale elle se félicitait de magasins populaires où l’alimentation coûtait 50% de moins, de la présidence d’un homme d’origine amérindienne, des programmes de santé et d’alphabétisation.
    L’argument principal contre Chavez est souvent (je n’ai pas de sources en tête, hélas) qu’il fait des discours de plusieurs heures à la télé. Un raisonnement d’historien impose la question suivante : vaut-il mieux considérer les actes ou les paroles d’un gouvernant, aussi populiste soit-il ? Ainsi, considérons les faits et les bénéfices pour la population : qu’est-ce qui compte le plus, de longs discours à la télé le dimanche, ou bien la baisse du prix du sucre et l’école pour tous ? Pour l’instant, je crois que Chavez a développé des projets porteurs pour son pays, avec des résultats concrets.

    De même, les médias dominants taxent chaque grève de « prise d’otage ». Encore une fois, il s’agit d’une expression rabachée par les médias, en particulier France Inter qui reste ma source d’info principale. Est-il besoin de citer des sources pour montrer que c’est un véritable travail de sape intellectuelle mené par les médias au service de grands financiers ? Depuis des années, on répète inlassablement cette expression afin que les gens s’en emparent et la réemploient sans réelle analyse, de manière machinale. Ainsi, elle rentre dans l’usage, alors que son sens est déplacé, et fait passer n’importe quel mouvement de grève pour un ignoble acte de terreur -terrorisme, en tant qu’usage de la force contre une victime innocente.
    Cette révision Orwellienne du vocabulaire a été très bien expliquée dans divers articles du Monde Diplomatique, en particulier « dysfonctionnements » (erreur tellement minime qu’elle ne justifie aucune remise en cause de l’ensemble du système) et « réforme » (vocabulaire de gauche pour indiquer une amélioration sociale pour tous, devenu mot de droite pour un retour à moins de répartition sociale, casse des systèmes de protection sociale.)

    La « prise d’otage » tend donc à faire passer un mouvement social comme une entreprise violente. Comparons un mouvement des postiers ou de la RATP et ce mouvement. Les premiers ne forcent pas les gens à les rejoindre à la manif, à scander leurs slogans, à arborer leurs badges. Ils ne ferment pas les autres entreprises, les services sociaux dont ils ne dépendent pas. Or, ici, les commerçants ont été incités à fermer, avec plus ou moins de violence dans le propos. S’agissait-il de menaces ? De plus, les cycles et piétons étaient interdits de passage. Quel tort auraient-ils causé au mouvement ?

    Oui, les problèmes environnementaux liés au carburant sont mondiaux. Mais où commencer ? Comment changer cette nébuleuse mondiale d’entreprises pétrolières et de gouvernements ouvertement complices ? Les initiatives locales peuvent ammener des exemples, des idées, qui à long terme aideraient à s’affranchir de cette ressource. (Je suis rêveur et pas assez « pragmatique ».) La « globalisation » noie les responsables dans un soi-disant réseau mondial. Cela les rend inattaquable, a priori. Alors si nous ne commençons pas par des initiatives locales, nous ne pourrons jamais freiner (voire modifier) l’ordre établi. Quelles sont les conséquences, à Alba, du remplacement des trains par des bus de la SNCF ?

    Pour terminer, une attaque personnelle. Vous insinuez que je verse dans « l’écologisme » parce que je travaille dans une « industrie [polluante] ». Eh bien non, je suis fonctionnaire de l’Education Nationale, vous l’aurez compris. Je ne travaille pas au CSG. (L’usage de nombreux satellites me paraît futile en rapport avec leur durée de vie de 15 ans maxi. [téléphonie, surveillance, télévision] même si j’utilise internet. Mais une réduction quantitative des satellites ne garantirait-elle pas les mêmes services ou faut-il courir vers toujours plus ?) Je rêve de résider à la campagne, j’ai choisi de vivre en centre-ville afin de me rendre au boulot à pied ou à vélo tous les matins de l’année. Je fais mes courses à pied, en utilisant les commerces de proximité autant que possible. Je ne veux pas de télévision. Je n’ai pas de bateau à moteur. Je rentre en métropole une fois tous les deux ans au maximum, et je ne prends l’avion que lorsque j’y suis contraint. Je ne voyage à l’étranger qu’en transports publics, avec les gens, par choix et non pas parce que c’est moins cher. Je ne « fais » pas l’Amérique du Sud en 4X4 pour admirer quelque chute d’eau ou photographier des autochtones pittoresques.
    En outre, je ne dispose pas de navettes gratuites, de vols payés, de déménagements et autres avantages. Je suis arrivé ici avec deux valises en main et une location d’un studio pour une semaine. Je fournis moi-même mon outil de travail (informatique, consommables...). Je n’ai pas à me plaindre puisque mon emploi est sûr, mais je réfute vos critiques sur ma situation personnelle.

    Pour ma part, je rêve d’une indépendance négociée de la Guyane, avec des aides de la France pour permettre le développement du pays. Mais ceci est une autre histoire.

  • Le 1er décembre 2008 à 22:35, par Robert Hamelin (Robert973)

    JR nous a fait un bien long message qui peut satisfaire les habitants... qui n’habitent pas en Guyane.
    Je ne m’étonne pas du silence des médias métropolitains qui sont depuis belle lurette aux ordres du gouvernement (je suis actuellement en Ardèche). Et je suis d’accord sur le coté douteux eu support du MEDEF qui ne défend habituellement que sa chapelle.

    * JR nous parle ensuite des logements sociaux : avec un loyer de 400 à 500 euros pour un F3 mal construit qui impose la clim qui coute autant qu’un chauffage, mais, contrairement au dit chauffage, 12 mois sur 12, je ne vois pas ce que JR veut prouver : ce ne sont pas ces logements qui permettent aux pauvres de vivre bien.

    *Il nous parle ensuite des voitures « tuning ». Oui, il y en a ! Mais la majorité du parc guyanais est plutôt composé de voitures de cylindrée moyenne, pas trop mal entretenues il est vrai.
    Les gens ne squattent pas tous des baraques en tôles. Ils habitent tout simplement dans des cases qui sont l’habitat plus ou moins traditionnel.

    *Que viennent faire dans cette démonstration (dont on ne sait plus très bien ce qu’elle veut démontrer) les orpailleurs et leurs prostituées ? Ils me semblent tous hors sujet.
    D’autre part, est-ce que lorsque toute la France est en grève on en déduit qu’il y a 60 millions de grévistes ? En Guyane près de la moitié de la population a moins de 20 ans... Quelle curieuse affirmation !!!

    *Amener l’écologie dans ce débat est bizarre. Le guyanais est à peu près imperméable à ce débat car il vit dans une nature à peu près préservée. C’est plutôt une préoccupation de métro... peut être gêné de travailler dans une industrie qui n’est pas un modèle d’écologie ???

    *Décider qu’un mouvement est poujadiste permet de le discréditer aux yeux de la foule... qui ne sait même pas ce que cela veut dire (merci pour la définition).

    *Pourquoi 50 centimes ? Quand le gouvernement fixe une limite, doit-il l’expliquer ? Non ! et heureusement pour lui. Pourtant, cette valeur, au vu des chiffres publiés sur plusieurs sites (dont maguyane.com) semble cohérente. Elle autorise une certaine plus value qui permet de tenir compte de l’isolement de la Guyane.

    *Quant à la fin du texte, mort de rire ! je ne vois pas pourquoi la Guyane devrait seule payer pour ça puisque c’est un problème mondial !

  • Le 1er décembre 2008 à 18:05

    S’agissant de la population qui s’estimerait prise en otage lors des grèves, il faut bien garder à l’esprit que cette image est une pure construction des médias, peu susceptible d’être regardée comme une représentation fidèle de la réalité. Les précaires sont peu à même d’entrer en grève, ce n’est pas pour autant qu’ils ne se sentent pas solidaires de celle-ci...

  • Le 1er décembre 2008 à 17:40, par Frèd

    Il semble qu’il y ait des éléments pertinents dans ce que vous dites mais je trouve ce propos particulièrement étonnant :

    « le Venezuela Chaviste, pourtant souvent présenté comme une dictature éhontée »

    Et bien voilà une analyse du monde diplomatique qui ne semble pas tout à fait partager votre avis en matière de « dictature éhonté »
    http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-11-27-Venezuela

    De plus, pourquoi vous référer à d’autres d’une manière aussi peu précise et rigoureuse alors que le reste de votre intervention semble plus sérieuse.
    « souvent présenté comme »

    Je dois avouer que ça me laisse dubitatif sur le reste de votre propos. Même si je ne pense pas que Chavez soit un parfait démocrate, mais comparé à nos présidents élus soi-disant démocratiquement, qui instillent très progressivement le fascisme ambiant, il fait figure assurément de modèle démocratique.

    En fait, je crois que j’avais lu trop vite... votre intervention...
    « chômeur par la force des choses », je comprends mieux votre propos maintenant... et les valeurs qu’il porte.

    encore un exemple :
    « en France, les grèves sont plutôt boudées et les citoyens se plaignent d’être »pris en otages"
    boudés les grèves, euhh... faut voir... ça me semble être une affirmation un peu rapide, à la louche...
    en revanche, la deuxième partie fait carrément état d’une lecture des médias dominants sans véritable recul...
    il faudrait plutôt dire... : les médias disent que les citoyens se plaignent d’être pris en otages...
    Ce qui est un p’tit peu différent quand même...

  • Le 1er décembre 2008 à 11:07, par Un anarchosyndicaliste

    Qu’une situation de tension politique et sociale puisse évoluer dans un sens ou un autre, cela ne devrait surprendre personne. L’histoire - dont pourtant les libertaires se font une spécialité en éditant moultes livres sur des sujets historiques - est là pour nous l’enseigner.

    Il n’est pas étonnant donc que le mouvement soit sous l’influence de la pensée dominante, c’est à dire poujadiste : en l’absence de travail du terrain idéologique, la nature ayant horreur du vide, c’est l’idéologie dominante qui s’immisce dans les mouvements de révolte.

    Cette situation peut tout à fait surgir demain en « métropole » et il y aura le même résultat. Et tous les libertaires et autres « syndicalistes révolutionnaires » qui nous ont prêché depuis des années qu’une organisation de lutte sociale devait être avant tout « a-idéologique » car c’est l’action qui est l’idéologie, risquent alors de s’en mordre les doigts ...

  • Le 1er décembre 2008 à 04:53

    Merci JR pour ce point de vue.
    Effectivement, beaucoup se sentent de plus en plus « solidaires forcés ». Dans l’ouest guyanais, les rapports aux barrages sont très peu cordiaux, menaces et aucune acceptation de critiques sur des questions pratiques. Réponse « qu’est-ce que tu fous là ! » ou « Casse-toi ! ».
    Les magasins et restaurants sont effectivement fermés suite à des « invitations » quelque peu contraignantes (menaces de les incendier !)
    Quant à vos considérations écologiques et avant tout primordiales, il me semble qu’elles ne trouvent aucun écho ici. C’est « 50 centimes ». Point final. Surtout, ne pas considérer le vrai fond du problème.
    Dommage, ç’aurait pu, sinon, refléter l’image de mouvement solidaire et altruiste de certains articles.
    M.C.

  • Le 1er décembre 2008 à 01:19

    Les médias nationaux sont aux ordres du pouvoir auquel vous vous opposez. Utilisons beaucoup plus les médias alternatifs.

    En tout cas, mille fois bravo les Guyanais et les Guyanaises !

    De Lyon, nous vous soutenons. Tenez bon ! C’est la seule solution pour rester debout. Encore bravo !

  • Le 30 novembre 2008 à 16:01

    Bonjour,

    Je vous propose ci-dessous un complément d’info qui nuancera un peu votre article, car depuis Jeudi le mouvement de protestation en Guyane est devenu un défouloir poujadiste que le gouvernement laisse pourir, au détriment de la population guyanaise. Voici mon article ci-dessous. N’hésitez pas à me contacter pour plus d’infos.
    Cordialement, un habitant de la Guyane.

    "CARBURANTS CHERS, UNE INJUSTICE GUYANAISE ?

    Derrière le mouvement de protestation en Guyane se cache un certain malaise…

    En premier lieu le silence des médias français sur ce sujet pendant les premiers jours. Des citoyens ont essayé de relayer l’information sur le site de Rue89, au répondeur de Là-bas si j’y suis...
    On peut également déplorer l’amalgame toujours trop facile entre les inévitables casseurs en marge d’un mouvement, et les organisateurs pondérés d’un mouvement citoyen.

    Le prix des carburants est anormalement élevé. C’est incontestable. Parmi les irrégularités soulevées par A.C.C., certaines sont restées sans réponse. La région Guyane, le Conseil Général, la S.A.R.A., société qui distribue les carburants dans le département, se renvoient la balle et éludent les vraies questions. Personne ne veut faire la moindre concession. Où va l’argent du consommateur ? (Quelqu’un s’est-il, au passage, laissé corrompre avantageusement ?)

    De plus, la Guyane est terriblement mal desservie par les transports en commun, et de nombreuses zones sont isolées. La voiture s’impose donc très souvent comme moyen de transport nécessaire.
    Ajoutons à cela le coût extrêmement élevé des billets d’avions pour la métropole, en partie lié au coût des carburants. (Voir les sites de réservation en ligne d’Air France et Air Caraïbes.)

    UNE RHETORIQUE DOUTEUSE

    Cependant, le mouvement de protestation soulève quelques questions importantes :

    1- Tout d’abord, si l’A.C.C. semble avoir des méthodes d’analyse fondées sur le bon sens, on peut s’interroger sur l’identité des « socioprofessionnels » appelés à la rescousse. D’autant plus qu’une vidéo de RFO Guyane montre un des manifestants se félicitant de l’appui du « Medef. » (http://guyane.rfo.fr/article440.html# 28/11/2008)

    2- La rhétorique de certaines personnes sur les barrages est assez ambiguë. Jeudi, les piétons et les cycles étaient absolument interdits de passage. La revendication, Jeudi 27, est une baisse inconditionnelle de 50 centimes d’euro le litre.
    Les manifestants mettent en avant le prix des carburants comme une injustice flagrante qui touche d’abord les pauvres. (On cite l’exemple des économies réalisées à ce taux par une famille nombreuse.) Or, la Guyane bénéficie d’aides sociales au même titre que les autres départements français. Ici, pas de factures de chauffage, les logements sociaux sont nombreux… Si la vie est très chère, les voitures « tuning » avec amplificateurs dans le coffre et les 4X4 tout-terrain sont très nombreux –chez les gens squattant des baraques de planches et tôle ondulée autant que chez les fonctionnaires et ingénieurs du centre spatial. Il est vrai qu’ici peut-être plus encore qu’en métropole, la voiture confère un statut social.
    Pour accentuer le propos, un manifestant invoque la différence de prix du gasoil entre la métropole (€ 0.99/litre) et à Maripasoula. (€ 2.99) Sur la côte, le même gasoil coûte € 1.55/litre. Maripasoula est une commune enclavée au cœur de la forêt, à 3 jours de pirogue ou une heure d’avion. C’est le lieu de ravitaillement des orpailleurs, entre les territoires amérindiens Wayana et les diverses communautés noir-marron de Guyane. A ce titre, les prostituées, les orpailleurs, les clandestins surinamiens y circulent en permanence. On les accuse, entre autres, de piller la Guyane, de propager la malaria, de vivre des allocations familiales en dilapidant l’argent public… Les Guyanais qui ne sont pas originaires de l’intérieur ne se battent pas pour partir y travailler. Visiter les lieux pour le tourisme semble aberrant.
    Je suis touché de la solidarité soudaine des « socioprofessionnels » bloqueurs avec les habitants de l’intérieur.

    3- Je regrette le ballet des hélicoptères pour acheminer le personnel du centre spatial. Cela semble méprisant pour les petites gens et inutilement polluant. Mais il s’agit apparemment d’un service minimum de sécurité, (3% du personnel) indispensable pour un site classé SEVESO et contenant des usines chimiques très dangereuses aux portes de la ville. (Ergols liquides, fabrication d’accélérateurs à poudre…) En laissant passer un (ou quelques) bus seulement chaque jour, les manifestants auraient permis au C.S.G. d’assurer la sécurité sans avoir recours aux hélicoptères, et le mouvement ne s’en serait pas trouvé affaibli.

    4- Un auditeur de « Là-bas si j’y suis » laisse un message sur le répondeur de l’émission, diffusé sur France Inter le 28 Novembre. Il fait écho au mouvement et indique que la Guyane est en « grève générale », que « tout le département est en grève, c’est-à-dire qu’il y a 250000 personnes qui sont en grève ».
    C’est un peu simpliste. Toute la Guyane est paralysée, certes, par la force, mais 100% des citoyens apportent-ils leur soutien, ne serait-ce que passif, au mouvement ? Combien auront fait le déplacement sur les barrages pour apporter boissons et victuailles ? Les affichettes de soutien proposées par l’A.C.C. pour coller sur les pare-brises sont plutôt rares en ville.
    L’auditeur explique aussi que les commerces sont « fermés ». En effet, certains commerçants auraient été menacés. Ils soutiennent donc le mouvement avec rideaux baissés.
    Cette déformation rhétorique tiendra-t-elle longtemps ?

    5- Enfin, hormis la question quantitative du prix à la pompe, les carburants représentent d’autres enjeux : les dommages causés à l’environnement, et la dépendance stratégique à des pays producteurs de pétrole.
    Les manifestants maintiennent l’importance de la baisse du prix comme argument unique. Ils n’évoquent en aucun cas les autres questions. En refusant le passage des piétons et cycles, ils éludent la question environnementale. Personne ne remet en cause l’origine même du carburant, que ce soit depuis le Venezuela Chaviste, pourtant souvent présenté comme une dictature éhontée, ou d’autres gisements.

    QUELLE SOCIETE POUR DEMAIN ?

    En résumé, le mouvement est constitué de citoyens d’origines et intérêts divers, avec des appuis pour le moins douteux. Il leur est facile de s’imposer comme défenseurs du consommateur moyen sur un sujet fédérateur. Cette stratégie peut être qualifiée de populiste.
    Mais une baisse des prix profitera-t-elle plus à ces entreprises du littoral (taxi, transports, entreprises diverses) ou aux habitants des communes de l’intérieur ? On sent un relent de poujadisme… (« Attitude revendicatrice étroitement corporatiste associée à un refus de l’évolution économique et sociale. » Dictionnaire Hachette Encyclopédique, édition 2002, Paris : Hachette, 2001, p. 1291.)

    On milite pour aider les pauvres, mais un tel mouvement aurait-il eu lieu pour lutter contre l’augmentation vertigineuse du prix du riz (aliment de base ici aussi) à la bourse de Chicago ? (vu en 2008, US$ 1.30/kg)
    Aurait-on bloqué les routes avec une telle véhémence pour protester contre les mécanismes qui créent cette pauvreté –abaissement des minima sociaux, franchises médicales, précarisation des conditions d’embauche, même dans la fonction publique… ?
    (En général, en France, les grèves sont plutôt boudées et les citoyens se plaignent d’être « pris en otages ».)

    Le mouvement ne revendique qu’une baisse du prix des carburants de 50 centimes d’euro le litre. Pourquoi 50 ? Que, et qui justifie ce calcul ? Si cette revendication arbitraire était satisfaite, le mouvement s’arrêtera… Sans changer les principes de notre société dépendante du pétrole.

    Je ne verse pas dans l’écologisme à la mode, la pastille verte cautionnant le 4X4. Mais le prix du carburant, s’il est anormalement élevé, met également en lumière les difficultés vers lesquelles notre société se dirige :
    carences du pétrole donc augmentation des coûts,
    réchauffement climatique,
    engorgement et pollution des centres urbains, entraînant divers problèmes de santé,
    dépendance de pays producteurs de pétrole avec risques de guerres pour le pétrole, de compromissions avec les gouvernements de ces pays,
    conquête sauvage des fonds marins arctiques pour leurs gisements de pétrole brut, au mépris des populations et écosystèmes autochtones,
    consommation de réserves fossiles appartenant aux générations futures…
    Il me paraissait opportun de profiter de ce mouvement de protestation pour réfléchir au type de société que nous voulons construire.

    Kourou est une petite ville sans transports publics. Les avenues sont larges et encore aménageables, et le relief est nul. On pourrait rêver de pistes cyclables, tramway… dans une ville sillonnée dès 5h du matin par des citoyens qui transportent leur débroussailleuse à vélo pour aller travailler. Un projet d’éoliennes sur le site de Matiti permettra bientôt de réduire la dépendance à la centrale thermique. Tout est encore à construire.

    Mis au chômage technique par la force des choses, je sillonne la ville à vélo et parle à mes voisins.

    JR’,
    Kourou, le 29 Novembre 2008

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