Piquets matinaux, AG suivies et action au Medef : le début de grève reconductible déter des cheminot·es lyonnais·es

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Ce mercredi, les cheminot.es ont franchi une nouvelle étape dans leur mouvement. Plus question de ne faire grève que deux jours par semaine, maintenant c’est grève illimitée. Aperçu des différents temps forts de cette journée.

À 6h30, sur le piquet de grève d’Oullins, petite discussion avec Christophe, de la CGT, qui précise les raisons de la grève, outre la loi El Khomri :

Actuellement, on est soumis à la RH 77, la réglementation du travail des cheminots SNCF, et elle est remise en cause. C’est pour ça qu’on se mobilise, pour qu’on ait au moins une convention collective au niveau de notre réglementation actuelle, autant pour les cheminots de la SNCF que pour les cheminots du privé. On se bat pour qu’on ne soit pas mis en concurrence dans le futur.
Par exemple, actuellement on a des RTT, mais à plus ou moins long terme, ils veulent nous les supprimer. Ils sont en train de négocier dans la convention collective pour que les gars du privé n’en aient plus du tout.
Le mouvement est bien suivi, les contrôleurs et les conducteurs sont bien mobilisés, on essaie de l’être au sein du matériel, c’est tous les salariés au niveau de toutes les branches qui sont attaqués.

Du côté de Perrache. Très matinaux pour ce premier jour de grève reconductible, les cheminot·es de Perrache ont mis en place le piquet de grève dès 4 h du matin. La raison de cette installation deux heures avant l’heure habituelle ? Éviter d’avoir les cadres dans les pattes. Ceux-ci n’ont pourtant pas manqué de venir en nombre quelques heures plus tard mettre la pression. Le piquet s’est quand même tenu, avec musique, gâteaux, café, quiche et andouillette pour accueillir les collègues en attendant l’AG. La détermination n’empêche pas la convivialité !

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Le piquet de grève à Perrache - 1er juin

A 10 h, l’AG de Perrache débute. Devant 120 cheminot·es, bien plus nombreux que lors des précédentes AG. Les délégués syndicaux CGT et Sud Rail mènent la discussion, rappellent le contexte, les échéances. Puis d’autres prennent la parole, comme G. :

Le patronat commence vraiment à flipper et ça c’est bon pour nous. Avant, on se disait tous : "on a personne du privé avec nous dans la rue". Aujourd’hui on a pas mal de salariés qui ont envie de se bagarrer. Evidemment c’est minoritaire dans le pays. Mais le gouvernement n’arrive pas à retourner l’opinion publique en sa faveur. Ils sont emmerdés. Alors il faut qu’on reste inscrits dans le mouvement interprofessionnel. Parce que nous, les cheminots, on est concernés par la loi El Khomri, par les prud’hommes, la casse de la médecine du travail… Des choses qui vont liquider les acquis sociaux qu’avaient obtenus les salariés durant le XXe siècle. Le pouvoir économique aujourd’hui, il a peur donc il faut pousser. Tant qu’on est sera mobilisés en interpro, ça nous aidera. »

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L’AG à Perrache - 1er juin

Certains points du code du travail cheminot, menacés par Pépy, le patron de la SNCF, préoccupent particulièrement les grévistes :

- le "19/6" : pour l’instant, les cheminots ne travaillent heureusement pas après 19h la veille d’un congé et ne reprennent pas avant 6h du matin le lendemain d’un congé. Si le cas se présente, un jour de repos supplémentaire est déclenché (TF1 et France Inter se faisaient une joie de ne mentionner que le dernier point) ;
- le passage au "2-8". La journée de service passera à 9h-23h, permettant aux employeurs de diminuer les embauches. Les conséquences portent autant sur les conditions de travail, les conditions de vie que sur celles de l’emploi.
- la baisse voire la suppression des RTT.

La CFDT et le gouvernement ont discuté un accord d’entreprise ce week-end, que les grévistes devaient évoquer jeudi à l’AG, prévue exceptionnellement à 8 h pour aller ensuite accueillir Macron à 10 h à Oullins .

Les grévistes commencent dès à présent à subir des pressions de leur hiérarchie. Au moindre écart de conduite ou de propos déplacés, la direction mandate un huissier pour constater ce qu’elle considère comme une infraction. A Oullins, un vigile avec un chien campe derrière le piquet de grève, à l’entrée du technicentre. Les collègues de Part-Dieu ont été interdits de faire un feu. Tandis qu’à Perrache, une palette déplacée du terrain de la SNCF ou un feu dans un baril vaut un rappel à l’ordre de la direction.

Et la loi Travail dans tout ça ?

Les cheminot·es sont également mobilisé·es contre le projet de casse sociale d’El Khomri. Ils n’oublient pas de rappeler, tant en AG qu’en manif, qu’il touche aussi les travailleuses et travailleurs du rail. En cas de litige professionnel, elles et ils ne s’adressent en effet pas au tribunal administratif comme les fonctionnaires, mais aux Prud’hommes, instance remise en cause par le projet de loi à travers l’établissement d’un barême d’indemnité.

La quasi suppression des contrôles de la médecine du travail les inquiète aussi :’une partie d’entre eux et elles travaillent physiquement à l’entretien du réseau ferroviaire et des machines. Mais le premier sujet de mobilisation, c’est l’inversion de la hiérarchie des normes : « Ils pourront nous faire passer un accord d’entreprise qui sera inférieur à notre convention ou à notre décret-socle, qui correspondent à notre code du travail pour nous les travailleurs du rail »,} rappelle un gréviste. Enfin, c’est leur solidarité envers les travailleurs et les travailleuses du privé qui s’exprime. Depuis quand ne manifeste-t-on que pour sa pomme ?

À 11 h, l’AG de Perrache part en manif.

Un cortège joyeux et sonore remonte l’avenue Berthelot en empruntant la voie du tram. On en profite pour discuter avec Stéphane de Sud Rail :

Le patronat est fébrile actuellement. Plus il y aura de salarié·es de différents secteurs en grève, plus on augmentera nos chances de gagner. Chez les cheminots, il y a une forte détermination. Ce matin, sur le site de Perrache, c’est la plus grosse assemblée générale en deux mois et demi. On était 123. En pourcentage de grévistes, on est plus d’un cheminot sur 2 en grève dans la région. Et ensuite selon les services, ça peut être plus important, avec des taux qui atteignent 70 % chez les contrôleurs et les conducteurs.
On savait que la CFDT n’appellerait pas à la grève. Mais y’a des cheminots adhérents à la CFDT qui sont en grève aujourd’hui, à Perrache aussi, et qui ne comprennent pas les positions de leur fédération.

En plus des revendications nationales, d’autres questions plus locales traversent les cheminot.es, même si elles ne sont pas mentionnées encore en AG :

Sur Lyon, il y a une forte inquiétude liée au projet de suppression des contrôleurs dans les TER. Le contrôleur a 21 missions, le contrôle c’en est une des 21. Il a de vrais missions de sécurité ferroviaire, de sûreté des voyageurs, d’informations. 17 000 usagers de la région ont signé une pétition. Si ça se met en place, ce sera une vraie dégradation. Les conducteurs sont opposés au fait de se retrouver seuls à bord, ça crée une vraie responsabilité pénale en cas d’incident. On est en grève contre la casse organisée par notre patron et le gouvernement.

Action symbolique au Medef

On arrive à Jean Macé où doivent se regrouper les grévistes cheminot·es des différents sites avant de partir ensemble vers une destination surprise. Les flics sont déployés en petit nombre, sans casques ni boucliers. Sortie légère pour nos amis aujourd’hui. Puis les cheminot·es reprennent l’avenue Berthelot, encadré·es par les camions de la CGT et de Solidaires. Bien chauffé par les harangues du speaker de la CGT, on allume les premiers fumigènes. Direction le Medef car « ce sont eux qui ont le pouvoir, pas le gouvernement ».

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En manif jusqu’au siège du Medef - 1er juin

A l’arrivée devant le parvis du Medef, on enfume tout, pour une fois la couleur rouge domine chez les patrons. Les cornes de brumes et les chants résonnent durant une bonne demi-heure pendant que des cheminot.es déchargent quelques rails et des traverses d’un camion et les montent juste devant l’entrée.

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Les cheminot·es devant le siège du Medef - 1er juin
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Des rails et des traverses déposées devant le siège du Medef
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Les cheminot·es devant le siège du Medef - 1er juin

Une action symbolique qui rebondit également sur les propos insultants de Gattaz sur la CGT voyous », « terroristes »). C’est l’occasion enfin de remettre directement les revendications syndicales aux responsables de l’antenne régionale du Medef.

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Les cheminot·es devant le siège du Medef - 1er juin

Jusqu’à quand sont-ils/elles prêt·es à tenir cette grève ? Jusqu’au retrait total des différents projets qui les inquiètent. « Jusqu’au bout, on lâchera rien ! »

P.-S.

Article écrit à plusieurs mains dans le cadre du collectif d’entraide à la rédaction.

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