En décembre 2005, la menuiserie où je bossais dépose le bilan. On s’y attendait mais c’est bien triste parce qu’on y travaillait avec le sourire. Du coup : chômage, vacances... ça faisait un an que je bossais non-stop sans vacances. Et là le mouvement anti-CPE/CNE éclate. Ca me permet d’y participer. On gagne contre le CPE mais on perd contre le CNE, fais chier ! Mouvement fini, je cherche tranquillement du boulot. Plusieurs patrons me proposent des CNE. Je refuse cette précarité tout en observant qu’il n’y a plus que ça en proposition d’embauche dans le bâtiment (notre secteur représente à lui seul 25 % des CNE). À chaque fois on me dit qu’il ne faut pas s’en faire : « le CNE c’est comme un CDI ». Si c’est pareil ce n’était pas la peine de créer un nouveau contrat ai-je répondu à ma conseillère ANPE qui me tenait le même discours mensonger.
Puis un gars décide de racheter la boîte où je bossais avant. Bénéficiant d’une priorité d’embauche en tant qu’ex salarié, il me propose un CDD suivi d’un CDI avec maintien de mon salaire antérieur. Le gars a l’air sympa, il bosse bien... Je saute sur l’occas’. On travaille un mois (avril-mai) ensemble et ça le fait. Il me garde et me prend en CDI (juin). Quelques jours après le début du CDI, il me fait signer mon contrat : un CNE. Ca fait mal au bide mais je signe en me disant que je ne trouverai pas mieux ailleurs. Et pour me rassurer, il me dit : « Le CNE c’est comme un CDI ». La Haine.
On devra faire des heures sup’ et on les récupérera plus tard. Pour l’instant, il faut lancer l’activité de cette nouvelle menuiserie : développer le carnet de clients, répondre présent partout et faire de la trésorerie... Pariant sur lui et cette entreprise je me donne à fond pour développer l’entreprise c’est-à-dire un outil de travail qui puisse me fournir du boulot intéressant à long terme. Preuve qu’on peut être syndicaliste et aimer son travail mais on le préférerait sans patron, autogéré par tous les travailleurs, dans l’égalité.
J’enchaîne donc les chantiers, seul. À coup de journée de 12 à 15 heures, de semaines de 60 à 70 heures... À en vomir... Je fais péter tous les quotas. Trop de boulot, pas assez d’ouvriers, pas assez de délais, manque d’informations... La tension monte. Entre-temps un jeune a été embauché à l’atelier, (Annonce : CDI, 35 heures, 10 euros/h) il se retrouve à faire des semaines de 50 à 60 heures pour le SMIC et ... en CNE. Un intérimaire est pris pour faire le chef d’atelier. Le patron s’arrange avec lui pour ne faire apparaître que 35 heures sur les feuilles d’heures destinées à l’agence intérim. Pour les heures sup’, ils s’arrangeront.... Erreur. Cinq semaines plus tard, le patron met fin à la mission de l’intérimaire. « Et mes heures sup’ ? » demande l’intérimaire. Finalement, la réponse du patron sera « quelles heures sup’ ? ». Ca représente tout de même dans les 750 euros.
Voyant cela, c’est la goutte d’eau. Moi et mon collègue n’avons pas de traces officielles de nos heures sup’ et nous ne supportons pas ce que notre patron a fait à notre collègue intérimaire. Nous établissons une liste de revendications et nous nous préparons à la grève. On débarque un lundi matin avec notre lettre de revendication. Voir la gueule du taulier et son incapacité à parler (ça restait coincé au fond de sa gorge) était un bon moment. Au bout de 4 jours de négociation nous tombons d’accord et obtenons la reconnaissance de nos heures sup’ ainsi qu’un plan de récupération.
Cependant, nous n’arrivons à rien sur le cas de notre ancien collègue intérimaire. Il nous est dit par le patron comme par nos conseils qu’il ne fait plus partie de l’entreprise et même qu’il n’en a jamais fait partie. Son patron étant la boîte d’intérim c’est contre elle qu’il doit se retourner... Et après il n’aura plus de boulot. Super l’intérim !
Pour nous, la récupération de nos heures passe par des vacances et des primes. Fin septembre, je suis de retour au boulot après 1 mois de RTT. Le lendemain de ma reprise, moi et mon collègue recevons nos lettres de licenciement. On s’y attendait mais pas aussi rapidement... Le CNE ne demande pas de motifs de licenciement. Ce qui est illégal. Mais devant le nombre de cas de licenciement sans motifs de CNE cassé par les prud’hommes, la CGPME (syndicat patronal représentant les petites et moyennes entreprises) conseille aux patrons de mettre un motif. Le nôtre sera : Incompétence. 1 mois en CDD et 4 mois en CNE pour se rendre compte de mon incompétence. Balaise !
Virés pour avoir ouvert nos gueules, pour avoir voulu rester digne, pour avoir relevé la tête et dit STOP. Maintenant, ça va se passer aux prud’hommes en espérant une victoire pour ne pas laisser ce patron dans sa croyance en sa toute puissance et pour venger notre ancien collègue intérimaire.
Mais au fait, le CNE, c’est quoi ? A lire ici.
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